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UNE AVENTURE DE Me DE SCudéri.

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vous longtemps? 5. Votre ami n'est-il pas à Paris pour y apprendre le français? 6. Vous allez souvent aux bains de mer, en prenez-vous toutes les fois que vous y allez ?

UNE AVENTURE DE MLLE DE SCUDÉRI

(Récit.)

Madeleine DE SCUDERI, célèbre romancière, fut l'un des oracles de l'hôtel de Rambouillet (p. 214, note). Elle écrivit des poésies et des romans prolixes tels que Ibrahim, Artamène ou le grand Cyrus, etc. On l'avait surnommee Sapho, ou la dixième muse. Née au Havre en 1607, elle mourut en 1701. Son frère, Georges DE SCUDÉRI, né aussi au Havre, écrivit des tragi-comédies qui sont tombées dans le plus juste oubli (1601-1667).

Une aventure plaisante lui arriva à Lyon, lorsqu'elle revenait à Paris avec M. de Scudéri1, son frère. On leur avait donné une chambre dans l'hôtellerie, qui n'était séparée que par une petite cloison d'une autre chambre où l'on avait logé un bon gentillhomme d'Auvergne, si bien qu'on pouvait les entendre discourir. Ces deux illustres personnages n'avaient pas grand équipage, mais ils traînaient partout avec eux une troupe de héros qui les suivaient dans leur imagination; et, quoiqu'ils allassent à petit bruit, ils avaient toujours dans l'esprit de grandes aventures.

Dès qu'ils furent arrivés à Lyon et qu'ils eurent pris une chambre dans l'hôtellerie, ils reprirent leurs discours sérieux et tinrent conseil s'ils devaient faire mourir un des héros de leur histoire; et, quoiqu'il n'y eût qu'un frère et une sœur à opiner, les avis furent partagés. Le frère, qui a l'humeur un peu plus guerrière1, concluait d'abord à la mort, et la sœur, comme d'une complexion 2 plus tendre, prenait le parti de la pitié, et voulait bien lui sauver la vie. Ils s'échauffèrent un peu sur ce différend, et Sapho étant revenue à l'autre avis, la difficulté ne fut plus qu'à choisir le genre de mort. L'un criait qu'il fallait le faire mourir très cruellement,

1. Georges de Scudéri avait servi dans les gardes-françaises. Caractère, tempérament. (govA) banntet,uomi106,500 d aun

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UNE AVENTURE DE Mlle DE SCUDERI.

l'autre lui demandait par grâce de ne le faire mourir que par le poison. Ils parlaient si sérieusement et si haut, que le gentilhomme d'Auvergne, logé dans la chambre voisine, crut qu'on délibérait sur la vie du roi ; et ne sachant pas le nom du personnage, prit innocemment le héros du temps passé pour celui du nôtre, et fit un attentat d'un divertissement imaginaire. Il s'en va faire sa plainte à l'hôte, qui, ne prenant point ce fait pour une intrigue de roman, fit appeler les officiers de la justice pour informer sur la conjuration de ces deux inconnus. Ces messieurs se saisirent de leurs personnes, et, jugeant à leur mine et à la tranquillité de leur esprit, qu'ils n'étaient point si entreprenants qu'on se le figurait, leur firent la grâce de les interroger sur-le-champ: s'ils n'avaient point eu dans l'esprit quelque mauvais dessein depuis leur arrivée ? Monsieur de Scudéri répondit que oui; s'ils n'avaient point menacé la vie du prince de mort cruelle ou de poison? Il l'avoua; s'ils n'avaient pas concerté ensemble le temps et le lieu ? il tomba d'accord; s'ils n'allaient point à Paris pour mettre fin à leur dessein? Il ne le nia point. Là-dessus on leur (p. 183) demanda leurs noms, et ayant ouï que c'était M. et Mlle de Scudéri, ils connurent bien qu'ils parlaient plutôt1 de Cyrus et d'Ibrahim que de Louis3, et qu'ils n'avaient d'autre dessein que de faire mourir en idée des princes morts depuis longtemps. Ainsi leur innocence fut reconnue: ces messieurs se retirèrent après leur avoir demandé pardon, chargés de honte et pleins de respect. FLÉCHIER, Grands Jours d'Au

vergne3.

Esprit FLÉCHIER, 1632-1710, un des meilleurs orateurs de la chaire française, est surtout connu par l'oraison funèbre de Turenne, son chef-d'œuvre. Il est l'auteur des Grands Jours d'Auvergne, mémoires qui ne furent publiés qu'en 1844.

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- 3. Assises

1. Ne pas confondre avec plus tôt (p. 279). — 2. Louis XIV. extraordinaires pour rendre la justice. Les derniers GRANDS JOURS furent tenus en 1665, à Clermont-Ferrand (Auvergne).

PLACE DU PRONOM RÉGI PAR L'IMPÉRATIF.

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déri: Une aventure plaisante m'arriva à Lyon, lorsque je revenais à Paris avec mon frère, etc.

QUARANTE-TROISIÈME LEÇON

Place du pronom régi par l'impératif.

235. Le pronom personnel complément suit le verbe lorsque celui-ci est à l'impératif employé affirmativement :

1. Brossez-moi.
2. Recevez-le.

3. Louez-la.
4. Invitez-nous.
5. Écoutez-les.

6. Vous avez fait un voyage, parlez-en. Som

7. Tu as du pain, donnè-m'en. 8. Voilà sa maison, entrez-y.

235. Le pronom personnel complément PRÉCÈDE le verbe, lorsque celui-ci est à l'impératif employé négativement :

Ne me brossez pas.
Ne le recevez pas.
Ne la louez pas.
Ne nous invitez pas.
Ne les écoutez pas.

Vous avez fait un voyage, n'en parlez pas.

Tu as du pain, n'en garde pas.
Voilà sa maison, n'y entrez pas.

236. Moi remplace me, lorsque l'impératif est affirmatif, de même que toi remplace te : 1. Brosse-moi. 2. Brosse-toi. Négativement: 1. Ne me brosse pas. 2. Ne te brosse pas.

On emploie m' ou t' devant en :

1. Vous ne pouvez pas me rendre tout, payez-m'en du moins une partie. 2. Ne lui donne pas tout, réserve-t'en la moitié.

Exercice XLIII. Place du pronom régi par

l'impératif.

Forme affirmative.

I. COMPLEMENTS DIRECTS.

1. Frappez-le. 2. Re

merciez-la. 3. Payez-moi. 4. Attendez-nous.

II. COMPLÉMENTS INDIRECTS. 1. Voici Etienne, parlez-lui. 2. Voilà Stéphanie, parlez-lui. 3. Adressezmoi le journal. 4. Apportez-nous le café.

III. En et y. 1. Vous avez de grands et beaux terrains, vendez-en. 2. Voilà du poisson, mangez-en. 3. Voici son verger, entrons-y. 4. Vous aimez les bains de mer, allons-y.

Forme négative.

1. COMPLÉMENTS DIRECTS. 1. Ne le blâmez pas.

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2. Ne la flattez pas. 3. Ne les écoutons pas. 4. Ne me regardez pas.

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II. COMPLÉMENTS INDIRECTS. 1. Ne me répondez pas. 2. Ne leur envoyez pas le journal. 3. Voici l'Indien, ne lui rendez pas sa corbeille. 4. Voici l'Indienne, ne lui rendez pas son châle. Pas t

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III. En et y. 1. Quant à du fromage, n'en appor tez pas. 2. On a mis du vin sur le buffet, n'en buvons (390) pas. 3. Je vais à la poste, n'y venez pas avec moi. 4. Il y a une foire tout près d'ici, n'y allons

pas.

DEVOIR. Écrivez la forme négative des trois premiers alinéas, et la forme affirmative des trois derniers.

Exercice d'invention.

1. N'avez-vous pas arrêté le facteur en lui disant : « Donnez-moi les lettres? » 2. N'êtes-vous pas entré chez le libraire pour lui dire: « Envoyez-nous le dernier numéro de la Revue?» 3. N'avez-vous pas dit au garçon (de l'hôtel): « Montez-nous à dîner? » 4. N'avez-vous pas écrit au marchand de poisson: « Si vous avez un beau saumon, expédiez-le à notre maison de campagne?» 5. N'avez-vous pas télégraphié au marchand de gibier: << Si vous avez des bécasses, envoyez-les demain? >> 6. N'avez-vous pas dit au marchand de comestibles en lui montrant un gros jambon d'York: « Envoyez-le chez

moi? »

ÉTUDE DES VERBES. - Apprenez les temps composés du verbe réciproque intransitif se succéder (l'un à l'autre), page 323.

LE VIEILLARD, SON FILS ET L'ANE

François DE MALHERBE, né à Caen (p. 29) vers 1555, mourut pauvre en 1628, ayant consacré plus de temps à ses vers qu'à sa fortune. Comme poète, il a perfectionné le mécanisme de la versification française. Comme prosateur, il donna l'exemple d'un langage net et exact, tantôt élevé, tantôt familier et toujours juste. Malherbe avait pour ami le poète RACAN (p. 70, note 2), qui le respectait comme un père. Cela donna sujet à Racan de demander à Malherbe de quelle sorte il devait se conduire dans le monde, et il lui fit la déduction de plusieurs genres de vie qu'il pourrait embrasser. Malherbe, au lieu de répondre directement à sa demande, commença par le conte suivant.

LE VIEILLARD, SON FILS ET L'ANE.

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Un homme voisin de la soixantaine1 avait un fils de treize ou quatorze ans. Un petit âne devait les porter en un long voyage qu'ils entreprenaient. Le premier qui monta, ce fut le père; mais, après deux ou trois. lieues de chemin, le fils, commençant à se lasser, le suivit de loin et avec beaucoup de peine, ce qui donna sujet à ceux qui les voyaient passer de dire que ce bonhomme avait tort de laisser aller à pied un si jeune enfant. Alors le père descendit, et donna sa place à son fils.

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Cela fut encore trouvé étrange par ceux qui les virents. Ils disaient que ce fils était bien ingrat et de mauvais naturel de laisser aller son père à pied. Ils s'avisèrent donc de monter tous deux sur l'âne, et alors on y trouvait encore à dire : « Ils sont bien cruels, disaient les passants, « de monter ainsi tous deux sur cette pauvre bête, qui à peine serait suffisante d'en' porter un seul ».

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Comme ils eurent ouï cela, ils descendirent tous deux de dessus l'âne et le touchèrent 10 devant eux. Ceux qui les voyaient aller de cette sorte se moquaient d'eux d'aller à pied tandis qu'ils pouvaient 12 se soulager l'un ou l'autre sur le petit âne.

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Ainsi ils ne surent 15 jamais complaire à tout le monde; c'est pourquoi ils résolurent de faire à leur volonté, et laisser au monde la liberté d'en juger à sa fantaisie. MALHERBE.

LA FONTAINE (p. 260) a imité ce conte sous ce titre LE MEUNIER, SON FILS ET L'ANE, où il met ces quatre vers dans la bouche du vieillard :

« Je suis âne, il est vrai, j'en conviens, je l'avoue;
Mais que dorénavant on me blâme, on me loue,
Qu'on dise quelque chose ou qu'on ne dise rien,
J'en veux faire à ma tète ». Il le fit, et fit bien.

1. Voy. p. 173, no 211. 2. De treize à quatorze. 3. Entreprendre, 414. -4. Ce fut le père qui monta le premier.

6. Dire, 394. — 7. Pour en.

sèrent.

11. De ce qu'ils allaient.

5. Voy. 380.

8. Quand. 9. Entendu.
12. Pouvoir, 372,

10. Chas

13. Savoir, 374.

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