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pourtant, sur la droite, dans un coin, un lit qui ne paraît pas trop mauvais; il est couvert avec soin, Sur le devant du même côté, un grand confessional1 de cuir noir où l'on peut être commodément assis (367): asseyez-y le père du fils ingrat. Attenant à la porte, placez un bas d'armoire, et, tout près du vieillard caduc, une petite table sur laquelle on vient de (325) servir un potage.

Malgré le secours dont le fils aîné de la maison peut être à son vieux père, à sa mère et à ses frères, il s'est enrôlé; mais il ne s'en ira point sans avoir mis à contribution ces malheureux. Il vient avec un vieux soldat; il a fait sa demande. Son père en est indigné; il n'épargne pas les mots durs à cet enfant dénaturé qui ne connaît plus ni père, ni mère, ni devoirs, et qui lui rend injures pour reproches. On le voit au centre du tableau; il a l'air violent, insolent et fougueux; il a le bras droit élevé du côté de son père, au-dessus de la tête d'une de ses sœurs; il se dresse sur ses pieds; il menace de la main ; il a le chapeau sur la tête; et son geste et son visage sont également insolents. Le bon vieillard, qui a aimé ses enfants, mais qui n'a jamais souffert (338) qu'aucun d'eux lui manquât, fait effort pour se lever, mais une de ses filles, à genoux devant lui, le retient par les basques de son habit. Le jeune libertin est entouré de l'aînée des sœurs, de sa mère et d'un de ses petits frères. Sa mère le tient embrassé par le corps, le brutal cherche à s'en débarrasser, et la repousse du pied. Cette mère a l'air accablée, désolée; la sœur aînée s'est aussi interposée entre son frère et son père: la mère et la sœur semblent, par leur attitude, chercher à les cacher l'un à l'autre. Celle-ci a saisi son frère par son habit, et lui dit, par la manière dont elle le tire: << Malheureux, que fais-tu? tu repousses ta mère, tu menaces ton père; mets-toi à genoux et demande pardon ! » Cependant le petit frère pleure, porte une main à ses yeux,et, pendu au bras droit de son grand frère,

1. Grand fauteuil de malade.

2. Lui manquât de respect.

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il s'efforce de l'entraîner hors de la maison. Derrière le fauteuil du vieillard, le plus jeune de tous a l'air intimidé et stupéfait. A l'autre extrémité de la scène, vers la porte, le vieux soldat qui a enrôlé et accompagné le fils ingrat chez ses parents, s'en va, le dos tourné à ce qui se passe, son sabre sous le bras, et la tête baissée. J'oubliais qu'au milieu de ce tumulte, un chien placé sur le devant, l'augmentait encore par ses aboie

ments.

Tout est entendu, ordonné, caractérisé, clair dans cette esquisse, et la douleur, et même la faiblesse de la mère pour un enfant qu'elle a gâté, et la violence du vieillard, et les actions diverses des sœurs et des petits enfants, et l'insolence de l'ingrat, et la pudeur du vieux soldat, qui ne peut s'empêcher de lever les épaules de ce qui se passe, et ce chien qui aboie est un de ces accessoires que Greuze sait imaginer par un goût tout particulier. Diderot.

L'exposition annuelle des ouvrages de peinture, de sculpture, etc., se faisait autrefois dans une galerie du Louvre, et s'appelait le SALON. Aujourd'hui, le mot s'applique, dans le même sens, au Palais de l'Industrie où se font les expositions de peinture. Salon signifie encore le compte rendu d'une exposition artistique : les salons de Diderot, les salons d'Edmond About (p. 150).

DENIS DIDEROT, fils d'un coutelier, naquit à Langres en 1713, et mourut à Paris en 1784. Il fut, après Voltaire, l'écrivain le plus actif et le plus fécond du xvIIIe siècle. Il conçut avec d'Alembert1 le projet de la fameuse Encyclopédie (1751-1777), et se fit un grand nom comme philosophe, romancier et auteur dramatique.

CONVERSATION.

1. Quel est le sujet du tableau de Greuze? 2. Par où le jour entre-il dans la pièce où se passe la scène? 3. La chambre a-t-elle l'air gai? 4. Que remarquez-vous sur la droite? 5. Que voyez-vous sur le devant, toujours à droite? 6. Qui est-ce qui est assis (367) dans le confessionnal? 7. Ne voyez-vous rien près de la porte? 8. Que voyez-vous près du vieillard ?

9. Qu'a fait le mauvais fils au lieu de rester auprès des siens? 10. Vient-il seul avant de s'en aller à l'armée? 11. Que vient-il faire chez son pauvre père ? 12. Son père n'est-il pas indigné? 13. Où le

1. DALEMBERT (OU D'ALEMBERT), mathématicien et écrivain, 1717-1783.

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fils est-il placé dans le tableau de Greuze? 14. Quel air a-t-il ? 15. Son attitude n'est-elle pas menaçante? 16. Le vieillard reste-t-il impassible en voyant l'insolence de son fils? 17. Qui est-ce qui retient le pauvre vieillard? 18. Qui est-ce qui entoure le fils ingrat? 19. Se laisse-t-il attendrir par sa mère? 20. Comment le peintre a-t-il repréşenté la mère? 21. Quel rôle a la sœur aînée? 22. Qu'est-ce que la sœur aînée semble dire à son frère? 23. Le petit frère est-il insensible à la vue de ce qui se passe? 24. Où le peintre a-t-il placé le plus jeune des frères? 25. Quel air a l'enfant? 26. Où se trouve le vieux soldat? 27. Comment le vieux soldat s'en va-t-il? 28. Qu'estce qui augmente le tumulte de la scène?

29. Que pensez-vous de l'esquisse de Greuze? 30. Quels sont les traits que vous admirez dans le tableau?

DIDEROT. 1. Diderot était-il d'une naissance illustre? 2. Où et quand naquit-il? 3. Comment peut-on le considérer? 4. Que conçutil? 5. Comme quoi se fit-il un grand nom?

CINQUANTE ET UNIÈME LEÇON

Adjectifs indéfinis (IIa partie).

L'un et l'autre, l'un ou l'autre, ni l'un ni l'autre, nul, aucun, pas un.

273. On met ne avant le verbe quand nul, aucun, pas un, ou ni l'un ni l'autre précède un nom qui est le sujet ou le compiement (p. 115, no 146) du verbe.

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Le dernier exemple signifie: Henri n'a pas un seul livre à préter.

La règle 273 s'applique aux expressions rien et personne.

Exercice LI. L'un et l'autre, l'un ou l'autre, ni l'un ni l'autre, aucun, nul, pas un.

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L'un et l'autre. 1. L'un et l'autre Flamand parlent français. 2. Vous inviterez l'un et l'autre Gascon (160).

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L'un ou l'autre. 1. Tu connais l'un ou l'autre Auvergnat. 2. L'un ou l'autre Languedocien est de Toulouse (Haute-Garonne).

Ni l'un ni l'autre. 1. Ni l'un ni l'autre voyageur n'était son mari. 2. Je ne prendrai ni l'un ni l'autre Suisse (169) pour valet de chambre.

Pas un... ne, ne ..... pas un. 1. Pas un parent ne voulut (382) m'aider. 2. Il n'avait pas un ami dans tout ce grand pensionnat.

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Nul ... ne, ne ..... nul. 1. Nul voisin ne le soulagea (309). 2. Je ne vois (380) nul ami ici.

Aucun ... ne, ne aucun.

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1. Aucun ouvrier

n'arrivera à l'heure. 2. Je n'ai aucun ami en Suisse. 3. Votre ami fera-t-il (400) ce voyage?

peut (372) le faire sans aucuns frais (274).

Oui, car il

DEVOIR.-Mettez l'exercice au féminin: L'une et l'autre Flamande parlent français, etc.

274. Certains noms ne s'emploient qu'au pluriel : bestiaux, ciseaux, frais, obsèques, mœurs, lunettes, etc.:

1. Ces bestiaux sont mal nourris. 2. Vos ciseaux ne coupent pas. 3. Nous avons de grands frais. 4. Cet homme a des mœurs douces. 5. Je ne porte pas encore de lunettes (besicles).

Exercice d'invention.

1. Pourquoi ne montez-vous ni l'un ni l'autre cheval? 2. N'avez-vous nulle envie de voyager cet été? 3. N'avez-vous aucune connaissance en Suisse? 4. Vous connaissez le Nord et le Pas-de-Calais, l'un et l'autre département ne sont-ils pas prospères? 5. Vous aviez le projet de visiter la Bretagne et la Normandie, avezvous eu le temps de parcourir l'une ou l'autre province? 6. N'est-il pas agréable de voyager sans aucuns (274) frais?

ÉTUDE DES VErbes. Apprenez les temps simples du verbe impersonnel y avoir, page 324.

LA SUISSE VUE DU HAUT DU JURA.

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LA SUISSE VUE DU HAUT DU JURA

(Le Jura, chaîne de montagnes entre la France et la Suisse. Les Hautes-Alpes séparent la France de l'Italie.-Le Mont-Blanc (Savoie), le pic le plus élevé des Alpes, a 4810 mètres d'élévation. Le sommet en est couvert de neiges éternelles.)

1. Comme le voyageur est ravi d'admiration, lorsque, dans un beau jour d'été, après avoir péniblement traversé les sommets du Jura, il arrive à cette gorge1 où se déploie subitement devant lui l'immense bassin de Genève, qu'il voit d'un coup d'œil ce beau lac (p. 124, note) dont les eaux réfléchissent le bleu du ciel, mais plus pur et plus profond; cette vaste campagne, si bien cultivée, peuplée d'habitations si riantes; ces coteaux qui s'élèvent par degrés, et que revêt (366) une riche végétation; ces montagnes couvertes (338) de forêts toujours vertes; la crête sourcilleuse des Hautes Alpes, ceignant ce superbe amphithéâtre, et le MontBlanc, ce géant des montagnes européennes, le couronnant de cet immense groupe de neiges, où la disposition des masses et l'opposition des lumières et des ombres produisent (344) un effet qu'aucune expression ne peut faire concevoir à celui qui ne l'a pas vu! Et ce beau pays, si propre à frapper l'imagination, à nourrir le talent du poète ou de l'artiste, l'est peut-être encore davantage (183) à réveiller la curiosité du philosophe, à exciter les recherches du physicien. C'est vraiment là que la nature semble vouloir se montrer par un plus grand nombre de faces.

2. Les plantes les plus rares, depuis celles des pays tempérés jusqu'à celles de la zone glaciale, n'y coûtent que quelques pas au botaniste; le zoologiste peut y poursuivre des insectes aussi variés que la nature qui les nourrit; le lac y forme pour le physicien une sorte de mer, par sa profondeur, par son étendue, et même par la violence de ses mouvements; le géologiste3, qui ne voit ailleurs que l'écorce extérieure du globe, en

1. Faucille est le nom de cette gorge. 2. Élevée. 3. Ceindre (346).— On dit plutôl géologue.

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