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Tous les trésors de l'univers ne sont rien auprès de ceux qui sont contenus dans l'amour d'une épouse. L'air me semble imprégné de bonheur quand j'approche seulement de la maison qu'elle habite. MIDDLETON.

J'AI eu souvent occasion de remarquer le courage avec lequel les femmes supportent les revers de fortune les plus accablans. Les désastres, qui triomphent des forces morales et physiques de l'homme, semblent ne faire que développer leur énergie et leur donner un caractère d'élévation et d'intrépidité, qui approche quelquefois du sublime. Rien n'est plus touchant que de voir une femme, naturellement douce et timide, dont la faiblesse semblait ne pouvoir se passer de la protection de l'homme, qui, dans les jours de la prospérité, tressaillait à la moin

dre inégalité qu'elle rencontrait dans les sentiers de la vie, s'armer tout-à-coup d'une force d'esprit surprenante, devenir, dans l'adversité, le soutien et la consolation de son mari, supporter avec une fermeté inébranlable les coups les plus cruels de la fortune.

Heureux celui qui voit autour de lui une famille réunie par les liens d'une tendre affection! Pourrait-on souhaiter un plus grand bonheur. que celui que procurent une femme et des enfans? Si vous êtes heureux, ils partagent votre félicité; si vous éprouvez un revers de fortune, ils deviennent vos consolateurs. J'ai même observé plus d'une fois que le père de famille abattu par l'adversité, se relève plus facilement que celui qui n'a ni femme, ni enfans; d'abord, parce que la nécessité de pourvoir aux besoins des êtres qui attendent tout de lui l'arme d'un nouveau courage pour lutter contre le malheur et en triompher, mais, sur-tout, parce que le bonheur domestique, qu'on peut goûter même au milieu des privations, éveille son énergie, anime son espérance, soutient ses forces, en lui faisant voir, au milieu des débris qui l'entourent, un petit monde d'amour et de ten

dresse dont il est encore le monarque. Au contraire, celui qui n'a point une telle ressource tombe dans l'apathie, néglige de cher→ cher les moyens de réparer ses pertes, se regarde comme abandonné de toute la nature, et ne trouve dans son cœur que solitude, ruines et désolation.

Je puis citer, à l'appui de ces observations, un fait dont je fus témoin il y a plusieurs années. Leslie, mon intime ami, avait épousé une jeune personne douée d'autant de charmes que de talens. Elle avait été élevée chez des parens très-riches, qui vivaient dans le grand monde, et qui n'avaient rien négligé pour son éduca→ tion. Il est vrai qu'elle était sans fortune, mais mon ami en avait une considérable: il faisait un commerce étendu, et il mettait son plaisir à satisfaire tous ses goûts, à prévenir tous ses désirs, à lui fournir les moyens de se livrer à toutes ces petites fantaisies que se permet une femme riche, quelque raisonnable qu'elle soit. << Je veux, disait-il, que la vie soit pour ellé comme un heureux songe, »

La différence qui existait dans leur caractère ne servait qu'à établir entre eux plus d'harmo

nie. Leslie était naturellement sérieux et réfléchi, et il avait besoin de l'enjouement et de la vivacité de son épouse. J'ai souvent remarqué l'enthousiasme muet avec lequel il la regardait dans une société dont elle faisait les délices par son esprit et sa gaîté; au milieu des applaudissemens qui lui étaient prodigués, elle jetait un coup-d'œil sur lui pour chercher cette approbation sans laquelle il ne pouvait exister de véritable triomphe pour elle. Quand elle s'appuyait sur son bras, sa petite taille et son air de délicatesse faisaient un contraste agréable avec l'extérieur mâle et les formes vigoureuses de son mari. L'air de confiance et de tendresse avec lequel elle le regardait appelait sur le front de celui-ci une expression d'amour et d'orgueil en se voyant le protecteur d'une aimable compagne que sa faiblesse lui rendait encore plus chère. Jamais couple ne marcha dans les sentiers fleuris de l'hymen avec une plus belle apparence de bonheur.

Malheureusement, toute la fortune de mon ami était placée dans le commerce, et il n'était marié que depuis quelques mois quand une

suite de malheurs qu'il ne put prévenir le réduisit à un état voisin de l'indigence. Pendant quelque tems il renferma son secret dans son sein, et promena encore dans le monde un air soucieux et un cœur déchiré. Sa vie n'était qu'une agonie prolongée, et ce qui lui était le plus pénible, c'était la nécessité d'avoir le sourire sur les lèvres en présence d'une épouse qu'il ne pouvait se résoudre à accabler par la nouvelle de son désastre. Mais les yeux de l'affection • sont clairvoyans. Elle remarqua son inquiétude, ses soupirs à demi étouffés, et ne se laissa pas tromper par les efforts impuissans qu'il faisait pour montrer de l'enjouement; elle en conclut qu'il avait quelque chagrin secret. Elle mit en œuvre toutes les ressources que lui inspira sa tendresse pour écarter les soucis qui semblaient le dévorer, mais tout fut inutile, et elle ne fit qu'enfoncer plus avant le trait dont son cœur était percé. Plus il avait de motifs pour l'aimer, plus il se sentait déchirer en songeant qu'elle partagerait bientôt les chagrins qui le tourmentaient. «Encore quelques jours, pensait-il, et le sourire n'animera plus ces joues si fraîches; ces lèvres ne me feront plus entendre les ac

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