Images de page
PDF
ePub

réparations demandées; enfin ils étaient chargés de l'interprétation, en quelque sorte législative, des préceptes relatifs aux relations internationales. Ils avaient la surveillance des archives écrites; gardiens des traditions et des rites, ils avaient le secret des règles et des formules dont l'ensemble constituait le jus fetiale (1).

112. On ne saurait donc prétendre que la violence et la force brutale, mises au service des intérêts politiques, aient seules dirigé la conduite des Romains à l'égard des autres peuples (2). Rome, au contraire, sut obéir à des usages, à des règles, et ces règles, ces usages n'étaient pas seulement des préceptes religieux. Bien que l'influence de la religion soit sensible dans les relations extérieures des peuples de l'antiquité, comme dans les autres branches du droit, on ne doit pas refuser aux préceptes internationaux un caractère juridique; ces préceptes faisaient partie du fas, c'est-à-dire de cette portion du droit qui, d'après les anciens, avait pour origine la volonté des dieux. Un principe domine les règles du droit des gens admises par Rome et leur sert de base commune; c'est le principe moral de l'æquitas, la notion de la bona fides, que l'on retrouve ensuite dans le droit privé, applicable aux pérégrins et enfin dans le droit civil lui-même. Ainsi la notion de la bona fides, fondement des rapports juridiques entre les peuples, à l'époque où l'on trouvait en contact des cités indépendantes, où il y avait par suite place pour un droit des gens, dominait encore, après de longs siècles, mais dans un droit privé, universel, applicable à tous les sujets d'un

(1) V. article déjà cité, nos 63 et 64; Weiss, Le droit félial et les fétiaux à Rome, dans la France judiciaire, 1882-1883, 1re partie. (2) V. article déjà cité, nos 65 à 68.

empire, dont l'énorme développement avait supprimé la possibilité même des rapports internationaux.

[merged small][ocr errors][merged small]

113. - Dans l'antiquité il n'y a pas, à proprement parler, de théories sur le droit des gens et aucun auteur n'a traité dans leur ensemble les questions internationales. On rencontre seulement, çà et là, quelques lignes intéressantes, soit dans les historiens, soit dans les philosophes, soit enfin dans certains textes juridiques (1). On a bien mis en lumière la notion d'une société universelle existant entre les hommes; l'idée de l'humanité, formant un tout, un être collectif, n'était pas inconnue de la philosophie antique. Mais on ne peut regarder l'expression de cette pensée comme suffisante pour révéler la conception d'un droit applicable à une «< communauté d'États » juridiquement organisée. Cicéron est peut-être celui des auteurs qui s'est approché le plus près de la notion moderne du droit des gens, sans pourtant jamais l'atteindre; le De Republica et le De Officiis, en particulier, renferment plus d'un passage digne d'attention. Le droit des gens ne pouvait être compris, d'une façon convenable, par l'antiquité; car elle ignorait l'une des conditions essentielles au développement harmonieux de ce droit, la notion de l'État moderne, possédant un droit primitif et absolu à l'autonomie et à l'indépendance. Cette notion ne s'est développée que lentement, à travers les siècles qui ont suivi l'invasion des barbares,

(1) V. les textes cités de Tite-Live, Cicéron, Gaius, et les passages du Digeste indiqués dans l'article sur le droit des gens à Rome.

c'est-à-dire pendant la seconde période de l'histoire du droit

des gens.

114.

§ 13. Le Moyen âge.

La prise de Rome par les barbares et la chute de l'empire d'Occident détruisaient l'unité de la domination romaine et allaient rétablir le fait de la coexistence de souverainetés diverses, condition indispensable pour que l'on puisse concevoir des relations internationales.

On peut distinguer trois phases dans l'histoire des événements qui suivent cet événement capital, le morcellement de l'empire romain: la première comprend toute la période de la domination des barbares en Occident, celle où les Germains s'établissent et commandent dans les diverses contrées de l'Europe; la deuxième, qui est l'époque proprement dite du moyen âge, commence avec la chute des Carlovingiens et l'établissement définitif et régulier du système féodal; la troisième enfin est une époque de transition entre le moyen âge et les temps modernes; elle comprend les XVe et XVIe siècles.

[blocks in formation]
[ocr errors]

- LA PÉRIODE DE L'INVASION DES BARBARES.

Il n'y a lieu de se préoccuper ni des usages

internationaux, ni

des théories émises sur le droit des gens.

115. L'invasion des barbares mit en contact les populations germaines et les peuples qui occupaient la Bre

tagne, la Gaule, l'Italie et l'Espagne; elle substitua des chefs germains aux administrateurs romains. Il est inutile de rechercher, durant cette période, les faits constitutifs des usages et des coutumes du droit des gens moderne; il n'y a pas à tenir compte non plus du mouvement des idées et des théories sur le droit des gens. A vrai dire, la notion d'un droit international public est complètement inconnue pendant cette époque troublée, pleine de bouleversements, où l'on voit les barbares se presser sur la frontière de la Germanie, arriver par invasions successives et lutter contre ceux qui les avaient précédés, pour les déposséder et leur enlever la domination. Comment trouver les traces de coutumes internationales chez ces peuples à demi sauvages, pour qui la force et la violence étaient la loi suprême ? Lorsqu'on assiste aux dissensions intestines qui déchiraient les familles des chefs germains, quand on voit Clovis et ses successeurs recourir à l'assassinat pour se débarrasser de leurs compétiteurs, on n'est pas surpris de retrouver la ruse et la perfidie dans les rapports entre les diverses souverainetés; la parole donnée, les conventions entre les chefs étaient rarement respectées, malgré le soin que l'on prenait de les renforcer par des serments religieux sur les livres sacrés. Les guerres étaient violentes et le pillage était la récompense offerte aux soldats victorieux. Peut-être convient-il toutefois de retenir cet esprit de bravoure, que la religion d'Odin avait inculqué aux Germains et qui, se purifiant, contribua plus tard à préparer les sentiments chevaleresques, dont l'influence sut introduire, dans la pratique de la guerre, des coutumes bienfaisantes et humanitaires (1).

(1) Cette filiation est assez bien marquée dans les poèmes qui

116.

b.

[ocr errors]

La tendance particulariste des races.

L'invasion des barbares, au point de vue de l'histoire du droit des gens, eut pourtant une conséquence remarquable. Après avoir brisé la domination unitaire des Romains, les barbares ont apporté le premier germe de << l'individualisme » des races. Les tribus germaines, animées d'un vif sentiment d'indépendance, tenaient, d'une part, à leurs mœurs et à leurs institutions et, d'autre part, ne cherchaient nullement à plier les populations vaincues à leurs habitudes; les Germains laissaient aux peuples, établis avant eux sur le sol conquis, leur législation : l'unité de droit ne leur paraissait, en aucune façon, désirable (1). Chacune des races en présence, la population vaincue et les tribus conquérantes, obéit pendant longtemps à ses règles propres ; les Germains, entrés dans l'ancien monde romain, se comportèrent comme le ferait aujourd'hui une armée d'occupation dans un pays envahi. C'est le système de la personnalité du droit qui domine; la tendance particulariste des peuples a remplacé l'État et le droit univer

sel des Romains.

On assiste par ailleurs à des essais de création d'États, sous forme monarchique, avec concentration du pouvoir. Clovis, le premier, réunit sous sa domination un territoire important. Charlemagne commanda à tout l'empire barbare et, par sa conquête de la Germanie, il mit fin aux mouvements de l'invasion. Mais ces souverainetés, pour un moment constituées, étaient bien éloignées de la notion

ont conté les exploits idéalisés des compagnons de Charlemagne, par exemple dans la chanson de Roland.

(1) Cpr. Holtzendorff, op. cit., p. 284.

« PrécédentContinuer »