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de veiller aux intérêts de l'État et de défendre ses droits, tout en observant les habitudes de politesse internationale (1).

a.

Rapports du droit des gens avec d'autres
branches du droit.

24.

1o LE DROIT DES GENS ET LE DROIT CONSTITUTIONNEL.

Le droit public interne et le droit international public s'occupent l'un et l'autre de l'État comme sujet du droit, et c'est pourquoi ils ont le caractère commun de droit public. Mais, tandis que le droit administratif, une des branches du droit public interne, a pour objet les rapports de l'État avec ses ressortissants, c'est-à-dire avec des particuliers, le droit international public se réfère aux rapports des États entre eux; l'État est le sujet unique du droit des gens, il n'est que l'un des termes du droit administratif (2).

Le droit constitutionnel, autre branche du droit public et du droit public interne, se rapproche davantage du droit des gens; il a pour objet l'organisation de l'État et la constitution des pouvoirs publics nécessaires à son action. Mais comme l'action de l'État se manifeste à deux points de vue, à l'intérieur pour assurer à ses sujets la satisfaction de leurs intérêts particuliers et la réalisation de la tendance individualiste, à l'extérieur pour favoriser les intérêts gé

(1) Cpr. Holtzendorff, op. cit., p. 48.

(2) Nous ne faisons pas mention du droit criminel, que l'on range souvent dans le droit public; la différence qui le sépare du droit des gens est assez sensible, pour qu'il soit inutile de s'y arrêter.

néraux de l'humanité et le développement de la tendance cosmopolite, le droit constitutionnel doit être consulté, non seulement pour déterminer la capacité des pouvoirs publics agissant dans la sphère du gouvernement intérieur, mais encore pour fixer le rôle de ces mêmes pouvoirs, appelés à représenter l'État dans les relations internationales; c'est lui qui détermine, par exemple, les autorités capables de conclure un traité, de déclarer la guerre ou de faire la paix. Il y a donc, à cet égard, un rapport assez intime entre le droit des gens et le droit constitutionnel; cependant la distinction de leur objet respectif reste encore possible: le droit des gens détermine les droits et les obligations des États dans leurs rapports mutuels, il fixe leur capacité juridique dans les relations extérieures, selon des règles générales, applicables à toute la communauté internationale. Le droit constitutionnel désigne les mandataires de l'État, les pouvoirs qui le représentent dans l'exercice des droits reconnus et, cela, suivant des dispositions variables avec les divers pays. C'est la distinction entre la jouissance et l'exercice d'un droit, distinction nécessaire ici, puisque l'État n'est pas une personne physique (1); il faut un représentant légal pour exercer les droits de l'État et la désignation de ce représentant appartient à la loi constitutionnelle.

(1) Il est facile de faire comprendre notre pensée au moyen d'un exemple; lorsqu'il s'agit de conclure un traité déterminé, on doit se demander d'abord si les États contractants ont une capacité suffisante à cet effet; ainsi un État perpétuellement neutre ne peut s'engager par certaines conventions; cette question est résolue par le droit des gens. Lorsqu'on a reconnu la capacité de l'État, on recherche comment le traité sera négocié, consenti, ratifié, comment on procèdera à sa conclusion: ainsi certains traités doivent

25. Sans doute les phénomènes de la vie internationale ne sont pas sans influence sur les modifications que subissent les constitutions à l'intérieur d'un pays: l'issue d'une guerre heureuse ou malheureuse a plus d'une fois amené des révolutions intérieures, des changements constitutionnels (1). D'autre part, il est également certain qu'une bonne organisation de l'État, que le développement du droit constitutionnel préparent et facilitent les progrès du droit des gens. En exagérant cette idée on a pu croire que, dans l'intérêt supérieur du droit international public, il était permis d'imposer aux États certaines formes de gouvernement. Ainsi Kant voulait que tous les États fussent gouvernés sous la forme républicaine, c'està-dire suivant une constitution qui réserverait aux seuls représentants de la nation le soin de déclarer la guerre (2); en sens contraire, on a vu se manifester des préférences en faveur du régime monarchique. Ces idées ne sont malheureusement pas restées dans le domaine théorique et, dans la pratique, elles se sont traduites par de fréquentes interventions dans les affaires intérieures: le Congrès d'Aixla-Chapelle (1818) a même organisé et réglementé un véritable système d'intervention, dans le but de maintenir en Europe le régime monarchique (3). Ce sont là des idées et des faits contraires au principe de l'autonomie; ce n'est

être approuvés par les Chambres; ce sont là des difficultés qui ren trent dans le droit constitutionnel.

(1) La guerre franco-allemande de 1870-1871 a été suivie d'une réforme constitutionnelle en France et en Allemagne.

(2) Kant s'appuie sur cette idée exacte, que le pouvoir autorisé à déclarer la guerre ne doit pas être à l'abri des charges qu'elle suppose. V. Rolin-Jaequemyns, article cité, R. D. I., t. I, p. 235.

(3) V. déclaration du 15 novembre 1818, 3° et 4o.

pas au droit des gens qu'il appartient de fixer les règles fondamentales du droit constitutionnel. L'Assemblée lé

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gislative, réfutant les prétentions des États monarchiques, avait raison de dire dans sa déclaration du 22 avril 1792 : Chaque nation a seule le pouvoir de se donner des lois et le droit inaliénable de les changer ». L'État, puisqu'il prête librement son concours à la formation et au maintien de la communauté juridique internationale, doit pouvoir s'organiser suivant les aspirations de ses membres et constituer, sans contrôle, les pouvoirs nécessaires à sa double action intérieure et extérieure. Au reste, il faut bien se persuader qu'un gouvernement, quelle que soit sa forme, absolue ou représentative, possède une aptitude suffisante pour remplir son rôle international, du moment où, conscient des obligations qui lui incombent, il a la volonté de s'y soumettre.

2o LE DROIT DES GENS ET LE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ ET PÉNAL.

26.

On n'est pas d'accord sur la place que doit occuper le droit international privé dans la science juridique certains auteurs le rattachent au droit national de chaque État (1); d'autres, au droit des gens (2). La divergence s'explique à raison du double caractère de ce droit, à la fois international et privé. Quand on considère de préférence ce fait, qu'il régit des rapports entre particuliers, c'est-à-dire lorsqu'on envisage surtout son caractère privé, on est conduit à établir un rapprochement avec le droit

(1) C'est l'opinion de Westlake, Introduction au droit international privé, R. D. I., t. XII, p. 26 et Holtzendorff, op. cit., p. 58, note 5.

(2) Laurent, Lorimer, sont de cet avis; c'est du reste une opinion assez répandue.

civil national. Mais si l'on songe qu'il a pour objet de dire dans quels cas, dans quelle mesure, la souveraineté de l'État doit s'effacer devant l'application d'une loi étrangère, on a une tendance toute naturelle à le rattacher plus intimement au droit des gens. Il faut admettre, je crois, que le droit international privé a sa base et son origine rationnelles dans le droit des gens, mais qu'il n'en est pas moins une branche spéciale de la jurisprudence, ayant une place distincte à côté du droit civil national et du droit international public.

27. Le droit international privé a sa base et son origine rationnelles dans le droit des gens. Il suppose en effet un conflit de souverainetés entre États sur l'étendue d'application de leurs lois respectives; il s'agit de savoir si la loi d'un État va produire effet dans un autre État. Pour obtenir une solution convenable du problème, pour régler au mieux les rapports entre particuliers de nationalités différentes, les États ont le devoir de se faire des concessions réciproques et d'admettre une limite à leurs souverainetés. Le droit international privé donne donc la mesure de la souveraineté de l'État, en ce qui concerne l'application des lois civiles. En dehors des questions relatives aux conflits des lois, les théories générales, que l'on a coutume d'étudier dans le droit international privé, c'est-à-dire la nationalité, les droits des étrangers, l'exécution des jugements, ont aussi leurs racines dans le droit des gens. C'est encore la souveraineté qui est en jeu, lorsqu'on se demande à quelles conditions l'État doit permettre, sur son territoire, l'exécution des jugements rendus à l'étranger. Pour fixer l'étendue de la souveraineté quant aux personnes, il faut recourir à la détermination des nationaux et

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