INTRODUCTION. I. Il y a plus d'un siècle et demi qu'un savant trop oublié de nos jours, Eusèbe de Laurière, faisait remontrer à Louis XIV: «Que l'étude particulière qu'il fait depuis >> longtemps de la jurisprudence française luy » ayant fait voir qu'il était difficile d'y faire de grands progrès sans remonter jusqu'à la source, >> il a toujours tâché de l'étudier historiquement; >>> et comme cette méthode l'a convaincu non>> seulement qu'il y avait plus de découvertes à faire » dans notre droit français, et pour le moins d'aussi » belles que dans le droit romain, dont pourtant tout » le monde est si fort prévenu, mais aussi que la >> plupart des fautes qu'ont faites ceux qui l'ont » manié jusqu'ici viennent de ce qu'ils n'en ont >> pas assez connu l'origine, il a cru qu'il fallait > prendre de cette manière chaque matière en T. I. 1 >> particulier, et faire des dissertations de cha» cune1. » De Laurière fut fidèle à ses promesses: son traité De l'Origine du Droit d'amortissement, sa Dissertation sur le Tènement de cinq ans, curieuse étude sur la saisine coutumière, sa préface et ses otes aux Ordonnances des Rois de France, son Glossaire, et surtout ses notes sur les Institutes coutumières de Loisel, comptent parmi les meilleures recherches sur notre ancienne législation. Et si, au lieu d'être éparses dans des commentaires et des notes, elles eussent été présentées sous une forme plus régulière, il est probable que l'histoire de notre ancien droit civil ne serait plus à faire. II. Laurière ne fut pas seul à s'occuper de l'histoire du droit; à côté de lui il faut citer, parmi ceux de ses contemporains qui ont envisagé le droit du point de vue historique, Brussel, dont l'examen de l'usage général des fiefs est classique; Salvaing; Secousse, le conti De l'Origine du Droit d'amortissement, Paris, 1692, au privilége. nuateur des ordonnances; Loger, auteur d'un mémoire sur l'origine du droit français1; Fleury, dont la petite histoire est encore ce que nous avons de mieux comme histoire littéraire de notre ancienne législation; La Thaumassière, Basnage, Brodeau, trois de nos meilleurs jurisconsultes coutumiers. N'oublions pas non plus ces grands collecteurs d'antiquités qui nous ont sauvé les trésors du moyen âge, Baluze, Dachery, Mabillon et Ducange, cette fontaine de science où tout le monde a puisé. III. Mais si les recherches particulières furent poussées avec une ardeur et un succès remarquables, il faut avouer néanmoins que sous le rapport de la vivacité et de la profondeur des aperçus,—de l'unité et de l'ensemble des idées, du sentiment vrai de l'époque féodale, les savans du grand règne furent loin de cette école de jurisconsultes qui, au seizième siècle, a jeté sur la France un éclat qu'on n'a point encore effacé 2. En tête de la Bibliothèque des Coutumes, publiée par Laurière et Berroyer. Paris, 1699, in-4°. * Je dirai même plus : les écrivains du siècle de Louis XIV ne Aux noms glorieux des Dumoulin, des d'Argentré, des Pithou, des Charondas, des Coquille, des Loyseau, des Bodin, des Pasquier, le siècle du grand roi n'oppose qu'un seul beau génie, Daguesseau ; je ne parle pas de Domat, c'est un admirable philosophe, ce n'est point un jurisconsulte. IV. Je m'explique cette infériorité. C'est aux époques de lutte, quand, l'anarchie étant dans les esprits non moins que dans les affaires, l'édifice social s'ébranle et menace ruine, c'est alors que toutes les intelligences sérieuses, ne sachant où se prendre au milieu de l'universelle incertitude, se rattachent au passé, mettent à nu la base de l'édifice, et remontant curieusement le sillon des âges écoulés, demandent au droit et à l'histoire les leçons de l'expérience pour raffermir et renouveler ces fondemens ébranlés : le siècle alors appartient aux jurisconsultes. valent pas les jurisconsultes du siècle de Louis XIII, Galland, Caseneuve, Hauteserre (Alteserra), qui, deux siècles avant de Savigny, a prouvé la persistance du droit romaju pendant le moyen âge, et J. Godefroy, l'admirable commentateur du Cod Theodosien, |