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serf fugitif, comme voleur de sa propre per

sonne '.

Si le colon avait quelques-uns des droits de l'homme libre, le lien qui l'attachait au sol rendait sa condition pire que celle de l'esclave: l'esclave avait l'espoir de la liberté, le colon ne pouvait être affranchi ni séparé du sol dont il faisait partie. Le clergé et la milice, ces deux grandes exceptions privilégiées où se réfugiait tout ce qui restait de force morale ou d'énergie physique, étaient interdits aux colons 3. Justinien alla même jusqu'à leur défendre de prescrire leur liberté, loi sauvage qui òtait à ces malheureux le seul bonheur de la misère, l'espérance 1.

A la liberté près, leur condition était peut-être moins fàcheuse que celle des paysans libres; le patron ne pouvait les détacher du sol, qu'ils suivaient dans les mains du nouvel acquéreur. Ils n'avaient à payer qu'une rente fixe, modérée, et que le maître n'avait pas le droit d'élever ".

'L. 1, C. Th., de fugitiv. Colon.-L. 23, C J., de Agricolis, XI, 47.

2 L. un. de Colon. Thrac.-C. J., XI, 51. L. 7, de Agric., XI, 47.

Sur cette législation, qui a varié, voyez L. 1, C. J. de Episcopis, L. 16, 37, ibid. ex Novelle, 123, ch. 4, 17.

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Trop souvent par malheur le fait démentait le

droit.

CHAPITRE XIX.

Du domaine du prince et de l'Emphythéose 2.

Quand le trésor du prince (fiscus) remplaça le trésor du peuple (ærarium), les biens de la république devinrent les biens de l'empereur ; les fundi fiscales, fundi rei privatæ remplacèrent l'ager publicus; le nom fut différent, la chose fut la même. La concession ne paraît pas non plus avoir sensiblement varié; ce fut toujours une location perpétuelle qui prit sous les empereurs chrétiens une forme plus décidée sous le nom d'Emphythéose.

Ces biens domaniaux étaient immenses: les biens particuliers des princes s'incorporaient au domaine dès leur avénement à l'Empire; les

'Greg. Magni, Ep. I, 44; V. 35.

2

Winspeare, p. 102 et ss.

- Dominicy, de Prærogativa allodiorum, p. 75. — A. Vuy, de Originibus et natura juris Emphyteutici Romanorum. Heidelberg, 1838, et l'analyse que j'ai donnée de ce mémoire, Revue de législation et de jurisprudence, tome IX, page 393.

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biens vacans', les successions caduques, et, plus que tout le reste, les amendes et les confiscations accroissaient sans cesse le domaine impérial. M. Naudet a compté vingt-neuf chefs criminels qui emportaient la confiscation, parmi lesquels, un seul, celui de lèse-majesté, ce crime des innocens, comprenait dans son élasticité tous les cas que pouvait rèver le caprice ou l'avidité de l'empereur. La législation romaine fut toujours entachée de ce vice de rapacité et d'avarice. On inventait mille prétextes d'extorquer les grands patrimoines; c'était un trafic perpétuel entre la cupidité du prince et l'infamie des délateurs.

Ces terres du domaine impérial, qui s'exploitaient par locations perpétuelles, étaient sujettes aux tributs comme les biens des particuliers, c'est dire que la culture en devint impossible; ce fut alors que parut l'Emphythéose, location privilégiée qu'on mit en avant pour tirer parti des domaines du fisc. Il y avait dans l'Empire un nombre immense de terres désertes, le fisc s'en emparait, leur donnait de la valeur en les affran

'De jure Fisci. D., XLIX, 14.—C. J., X, 1.

2 Tacite, Ann., IV, 3; Hist., 1, 2.

Naudet, Des changemens opérés dans l'administration de l'empire romain sous les règnes de Dioclétien, de Constantin et de leurs successeurs jusqu'à Julien, 2 vol. in-8o, Paris, 1817, t. I, p. 195.

Pline, Paneg., cap. XLII.

chissant des charges accablantes qui pesaient sur les terres des citoyens, et essayait ainsi de recréer une richesse perdue'.

Les terres étant la valeur la plus commune, ce fut avec des terres qu'on commença de solder des services ou des dépenses publiques. On donna des terres aux légions des frontières, espèce d'Emphythéoses où le service militaire remplaça le cens en argent; on donna des Emphythéoses à charge de construire à Constantinople des maisons qui embellissent la ville. L'Église eut le privilége de payer avec des terres ses dettes, quelle qu'en fût la nature; en un mot l'Emphythéose, dans les derniers temps de l'Empire, joua le rôle de certains bénéfices chez les peuples barbares et de la Censive au moyen âge.

Ce rapport de l'Emphythéose et de la Censive, qui n'a pas échappé à quelques-uns de nos bons feudistes, à Chantereau-Lefèvre par exemple, est assez curieux pour que nous entrions à cet égard dans quelques détails.

Ainsi que la Censive, l'Emphythéose ne pouvait s'aliéner qu'avec le consentement du propriétaire, du judex par exemple, représentant

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De collatione fundorum patrimonalium et Emphyteul. C.J. . XI, 64; L. 1, L. 2 2.

2

L. 1, de

L. 1, L. 2, de extraord. mun., C. Th. XI, 16. Ilin. muniendo, XV, 3. — L. 1, de Pascuis, et Godefroy, ad.

L. 1, C. Th., XI, 16.

les droits du fisc. Ce propriétaire avait un droit de préférence, le retrait, comme disent les coutumes; c'était encore le propriétaire qui mettait en possession, qui ensaisinait le nouvel Emphythéoté, et il avait, comme le seigneur foncier, un droit de vente (un laudemium) que Justinien fixa à deux pour cent. La loi 3, C. J., iv, 66, qui établit toutes ces prescriptions, ne serait pas déplacée dans un coutumier du moyen âge '.

1

1 L. 3, C. de jure Emphyt., IV, 66. Justinianus A. Juliano, PP. § 1. Minime licere Emphyteuta sine consensu domini meliorationes suas aliis vendere, vel jus Emphyteuticum transferre. § 2. Sed ne hac occasione accepta, domini minime concedant Emphyteutas suos accipere pretia meliorationum quæ invenerunt, sed eos deludant, et ex hoc commodum Emphyteuta depereat, disponimus attestationem domino transmitti, et prædicere quantum pretium ab alio revera accipi potest. Et si quidem dominus,hoc dare maluerit, et tantam præstare quantitatem quantam ipse revera Emphyteuta ab alio recipere potest, ipsum dominum omnimodo hæc comparare. Sin autem duorum menSium spatium fuerit emensum, et dominus hoc facere noluerit, licentia Emphyteutæ detur, ubi voluerit, et sine consensu domini meliorationes suas vendere; his tamen personis quæ non solent in Emphyteuticis contractibus vetari ad hujusmodi venire, emptionem.

§ 3. Necessitatem autem habere dominos, si aliis melioratio secundum præfatum modum vendita sit, accipere Emphyteutam : vel si jus Emphyteuticum ad personas non probibitas sed concessas et idoneas ad solvendum Emphyteuticum canonem transponere Emphyteuta maluerit, non contradicere, sed novum Emphyteutam in possessionem suscipere, non per conductorem vel per procuratorem, sed ipsos dominos per se, vel per litteras suas, vel (si hoc non potuerint vel noluerint) per depositionem in hac quidem civitate apud V. C. magistrum censuum, vel præsen

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