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mestique, et quand l'enfant l'a franchi, il va, lui aussi, fonder une nouvelle famille, politiquement étrangère à celle qu'il abandonne; il est comme la femme romaine, familiæ et caput et finis.

Dans un pays où la famille est ainsi constituée, la législation domestique, dans son rapport avec la propriété, n'est point difficile à écrire liberté complète pour la personne et les biens de l'enfant dès qu'il est en àge de les défendre, succession fondée sur le lien du sang et l'affection présumée du défunt, confusion de tous les biens qui lui sont échus dès qu'ils se réunissent dans sa main; en un mot, et pour abréger, législation démocratique, individuelle, telle que le code civil nous l'a faite.

D'autres fois au contraire, à la naissance des sociétés, et là où l'aristocratie domine, la famille est un des élémens politiques de l'État. L'État n'est qu'une fédération de familles, petites sociétés indépendantes, dont le chef est à la fois le magistrat, le pontife et le capitaine. Une telle famille ne se dissout point tant que vit le chef; à sa mort, le fils prend la place du père, et le lien se conserve encore quand plusieurs générations écoulées ne laissent plus de l'origine commune qu'un souvenir lointain, conservé par la communauté de noms et de sacrifices'.

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Tels furent les gentiles des Romains, tels les clans d'Écosse.
Cic., Top., c. 6. Gentiles sunt qui inter se eodem nomine

Dans un pareil système, c'est bien moins lelien du sang qui constitue la famille que le lien politique; et l'individu, en dépit des droits qui nous paraissent les plus sacrés, est impitoyablement sacrifié à cette nécessité publique.

C'est à ce point de vue qu'il faut se placer pour comprendre ces lois romaines, qui de prime abord nous paraissent dures, sauvages, contraires aux principes naturels. Ainsi se conçoit cette toute-puissance du père de famille, maître et juge domestique de tous les siens, avec droit de vie et de mort'; ainsi, s'explique la préférence des mâles, la tutelle perpétuelle des femmes, l'exclusion de leurs descendans (cognati) des biens de l'aïeul paternel, l'exclusion du fils même une fois sorti de la famille, et l'assimilation absolue de l'enfant adoptif à l'enfant naturel, car la famille romaine c'est dans la république un petit État qui a son organisation, son culte et ses lois particulières. Qui n'est point membre de cette

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sunt; — qui ab ingenuis oriuudi sunt quorum majorum nemo servitutem servivit, - qui capite non sunt diminuti. Festus. Gentilis dicitur et ex eodem genere ortus, et is qui simili nomine appellatur, ut ait Cincius: Gentiles mihi sunt qui meo nomine appellantur. L. 195, § 2, D., d. V. S.

Seneca, Controv., II, 3. de Beneficiis; III, 11.-Suétone, Claud., c. 16.

2 D., de V. S., 196, § 1. Feminarum liberos in familia earum non esse palam est, quia qui nascuntur patris non matris familiam sequuntur.

société sainte n'a pas plus de droits civils ou politiques dans la famille que l'étranger dans Rome.

Gardons-nous de juger ces législations avec nos idées d'aujourd'hui, nous qui subordonnons la famille et l'État même à l'individu, car ces législations ont eu leur grandeur et leur nécessité. Et n'oublions pas que si la démocratie semble plus favorable au libre développement de l'individu et à l'aisance du plus grand nombre, le gouvernement des grandes familles, par sa persévérance, son esprit de suite et sa ténacité, semble peut-être mieux fait que la démocratie pour la grandeur et la puissance de l'État; témoins Rome, Venise et Londres.

CHAPITRE II.

Du chef de la famille (paterfamilias) ‘.

Dans les premiers siècles de Rome, la famille forme un lien politique et religieux très-étroit, Plusieurs familles sorties d'une même souche forment une gens, plusieurs gentes, une curie.

'Sur cette puissance du père de famille V. Bynkershoek, de Jure occidendi vendendi et exponendi liberos in Opp., t. 1, p. 318 et ss. Il donne au père de famille un plein droit de pro

La famille se résume tout entière dans la personne de son chef, le paterfamilias; les biens et les personnes sont dans son domaine absolu; il est seul le maître et seul indépendant (sui juris). Paterfamilias appellatur qui in domo dominium habet, dit le jurisconsulte'.

Tous les autres membres de la famille sont soumis à son pouvoir domestique; la femme est in manu, les enfans et les esclaves in potestate. Toute chose acquise par l'une ou l'autre de ces personnes appartient au chef de famille. Nulle propriété ne peut résider dans les mains de ces personnes soumises au domaine d'autrui qu'autant que le veut bien souffrir le père de famille. Femmes, enfans, esclaves, ce sont des instrumens dont il se sert pour acquérir, rien de plus2.

priété sur ses enfans, ils sont sa chose (res mancipi). L'opinion de Bynkershoek, adoptée par Heineccius, Ant. rom., l. 1, 1. IX, § 1, est aujourd'hui généralement rejetée par les jurisconsultes, qui font du paterfamilias le chef mais non pas le propriétaire de la famille ; cette seconde opinion nous paraît fort contestable pour ce qui concerne les premiers siècles de Rome. Voyez cependant Zimmern, R. G., t. I, § 179. Character, der potestas patria und dominica.

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Ulp., L. 195, § 1, de V. S. D., L. 16.

2 « Les lois romaines ordonnent que les enfans soient sujets et » esclaves de leurs pères; les enfans ne sont pas les maîtres de » leurs biens, ce sont les pères jusqu'à ce que les enfans soient » mis en liberté à la façon des esclaves véritables. » Of P νομοθεται τοὺς παῖδας υποχείριους καὶ δούλους τῶν πατέρων καὶ ένουσιν εἶναι καὶ τὴς ουσίας των παιδιών με κυριεύειν τοὺς παῖδας, ἀλλὰ τοὺς πατέρας, ἕως ἂν ελευθερίας οἱ παῖδες

Et ces personnes même ne sont rien devant lui; le fils n'a pas plus de droit contre son père que l'esclave contre son maître'. Le père peut, en l'émancipant, anéantir à son gré le lien de famille, sans que l'État s'interpose; il peut, chose incroyable, exposer son fils, le tuer, le vendre comme son esclave, comme sa bête, comme sa chose. Son droit est absolu. Quod jus proprium est civium romanorum, dit Gaius 2, fere enim nulli alii sunt homines qui talem in filios suos habent potestatem qualem nos habemus.

CHAPITRE III.

Du fils de famille et de son pécule *.

Cette toute-puissance du père de famille sur la personne et les biens de son fils se conserva dans sa vigueur pendant la république ; c'était une de ces bases politiques de l'État que nul ne

katä toùç ágyupwvýtous. Sextus Empiricus, Pyrrhon. Hypot.,

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1. 64. D., de Condit, indeb., XII, 6. Bucher, R.

der Forderungen, §5.

2 Inst., I, 55.

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· Schweppe, R. G.,

* Zimmern, R. G., t. I, § 186, 190. $375. Gans, Erbrecht, t. II, p. 318 et ss.

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