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pouvait ébranler sans impiété. Quand Fulvius mit à mort son fils, le complice de Catilina, pas une seule voix ne s'éleva pour lui contester ce droit sanglant'.

Une telle puissance ne se pouvait soutenir devant ce despotisme impérial, à qui toute association portait ombrage, parce que toute association est une résistance. Auguste reconnut aux fils de famille soldats un droit de propriété distinct sur ce qu'ils avaient acquis à la guerre et leur permit de disposer par testament de ce peculium castrense 2. Ce privilége, confirmé par Nerva, par Trajan, Adrien l'accorda également aux vétérans retirés du service.

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Reconnaître au fils de famille une propriété

Fuere tamen extra conjurationem complures, qui ad Catilinam initio profecti sunt. In his erat Fulvius, senatoris filius : quem retractum ex itinere parens necari jussit, dit froidement Salluste, Bellum Catilinarium, cap. 39. Avant Fulvius, Cassius avait tué son fils, dont l'éloquence agitait la république ( Val. Max., V. 2); Fabjus Eburnus (Quinctil., Declam., III) et Scaurus (Val. Max., V. 2), avaient aussi mis à mort leurs enfans.

2 Ulp., XX, 10. Filius familias testamentum facere non potest, quoniam nil suum habet, ut testari de co possit; sed divus Augustus constituit ut filius familiæ miles de co peculio quod in castris adquisivit testamentum facere posset. Inst. Justin., lib. II, tit. 12, pr. Quibus non est permissum facere testamentum. Juvénal, sat. XVI, v. 51.

Solis præterea testandi militibus jus
Vivo patre datur.

sur laquelle son père n'avait aucun droit', c'était lui constituer une personnalité distincte, qui devait amener l'anéantissement de ce domaine paternel. Trajan contraignit un père qui maltraitait son fils à l'émanciper et, à la mort du fils, exclut le père de sa succession3. Adrien condamna à la déportation un père qui, dans une partie de chasse, avait tué un fils incestueux: « C'était agir, dit le prince, non comme un père, mais comme un brigand3.» Alexandre Sévère remit aux magistrats le prononcé de la peine dictée par les parens. Constantin mit au rang des parricides le père qui porterait la main sur son

'Papinien, I. 12, de Castrensi peculio.- Inst. Just., II, 12, pr.

2 L. ult. Si a parente quis manum. sit. D., XXXVII, 12. Papinianus. Divus Trajanus filium, quem pater male contra pietatem afficiebat, coegit emancipare, quo postea defuncto pater ut manumissor, bonorum possessionem sibi competere dicebat ; sed consilio Neratii Prisci et Aristonis ei propter necessitatem solvendæ pietatis denegata est.

L. 5. ad L. Pompei. de parricid.-Marcien. D. Hadrianus fertur quum in venatione filium suum quidam necaverat, qui novercam adulterabat, in insulam eum deportasse, quod latronis magis quam patris jure eum interfecit; nam patria potestas in pietate debet, non atrocitate consistere.

'L. 13, § ult. de re milit. Dig., XLIX, 16. L. 3, de patria pot.C., VIII, 46. L.2. D., ad L. Corneliam de sicariis. XLVIII, 8; L. 11, in fine D., de liberis et posthumis heredibus, XXVIII, 2.

fils; le magistrat seul eut qualité pour prononcer 2.

La fortune du fils devint indépendante comme sa personne. Adrien força le père de restituer à son fils une succession fidéicommissaire 3. Mille pécules divers, s'assimilèrent au pécule des camps. Constantin attribua directement au fils la propriété de la succession maternelle, bona materna, l'usufruit restant au père ; Arcade et Honorius lui donnèrent la succession des descendans maternels, bona materni generis ®. Théodose leur avait assuré déjà la propriété des lucra nuptialia'.Enfin Justinien leur donna la pro'L. un., de his qui par. vel lib. occid., C., IX, 17.

1 L. un., de Emend. propinq., C., IX, 15.-Thomasii Diss. de usu pract. tit. Inst. de Patria pot., I. 22, sqq., p. 9, sq. et la dissertation de Bynkershoek, citée sup., ch. II.

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Papinien, libro XI. Quæst., . 50, ad S. C. Trebelliano. D., XXXVI, 1.

'L. 1, § 15. D., de Collat. bon., XXXVII, 6. Furent considérés comme pecule quasi castrense, le traitement des magistrats, celui des palatini, des assessores, des officiales du préfet du prétoire, les honoraires des avocats, les acquisitions des membres du clergé, etc. Voyez Zimmern, R. G., t. I, § 188 et J. Godefroy, ad, 1. 2. C. Th., I, 2. L. 3. C. Th., II, 10.

L. 1, C., de bonis maternis, VI, 60. Res, quæ ex matris successione, sive ex testamento, sive ab intestato fuerint ad filios devolutæ, ita sint in parentum potestate, ut utendi fruendi dumtaxat habeant in diem vitæ facultatem, dominio videlicet earum ad liberos pertinente. J. Godefroy ad tit. C. Th., de bonis maternis.

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* L. 2, C. J., VI, 60.

'L. 1, c. 9. De bonis, quæ liberis in potestate patris cons

titutis ex matrimonio vel alias adquiruntur, VI, 61.

priété de tout ce qu'ils acquerraient, sans distinction. Le droit de domaine du père se transforma en usufruit; le père n'eut plus que l'administration et la jouissance de ces biens venus du dehors (peculium adventitium); le fils fut proprié– taire. La révolution était accomplie, les considérations d'équité naturelle l'avaient emporté sur les anciennes considérations politiques; la famille romaine n'existait plus.

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CHAPITRE IV.

De la tutelle des femmes '.

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Dans l'origine, les femmes romaines, comme presque toutes les femmes de l'antiquité étaient soumises pendant toute leur vie à la tutelle des agnats: elles ne pouvaient ni aliéner, ni s'engager, ni tester sans leur autorisation. Ce n'était point une précaution législative pour les préserver de leur faiblesse ou de leur inexpérience 3, c'était une institution politique, qui avait pour but

Cujas, Obss., VII, 11. —Savigny, Beytr., zur Gesch. der Geschlechts curatel, dans son journal, t. III, p. 328 et ss. Zimmern, R. G., t. I, §§ 244, 245.

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- Cic., Pro Flacco, c. 39, Saumaise, De modo usurarum, c. 4, c. 10. Meursius, Att. lect., III, 24.

* Gaius, I, 193.

* Gaius, I, 190

d'empêcher les biens de sortir de la famille '. La tutelle était toute dans l'intérêt des agnats; un mineur même était tuteur d'une femme. C'était si bien une valeur dans leurs mains qu'ils en pouvaient céder l'exercice et qu'à la mort du cessionnaire la tutelle leur faisait retour 2. Leur pupille n'avait point d'ailleurs d'action contre eux, car elle n'était pas sui juris : comme l'enfant, comme l'esclave, elle était en pouvoir d'autrui 3.

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Cette incapacité des femmes réagissait sur la propriété et la rendait imprescriptible quand elle avait été aliénée sans l'autorisation du tu

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Gaius, I, 192. Sane patronorum et parentum legitime tutelæ vim aliquam habere intelliguntur eo quod hi, neque ad testamentum faciendum, neque ad res mancipi alienandas, neque ad obligationes suscipiendas auctores fieri coguntur, præterquam si magna causa alienandarum rerum mancipi obligationisque suscipiendæ interveniat; eaque omnia ipsorum causa constituta sunt, ut quia ad eos intestatarum mortuarum hereditates pertinent, neque per testamentum excludantur ab hereditate, neque alienatis pretiosioribus rebus susceptoque ære alieno minus locuples ad eos hereditas perveniat.

2 Gaius, I, 168, 172.

3

Gaius, I, 191.0

Cic., Top., c. 4.

Boethius, ad Top., lib. II, p. 302 (ed. C. Orelli). Quid enim officere potest, ne secundum mulieris nunquam capite diminutæ tabulas possessio deferatur? Id scilicet, quod ea, quæ testamentum confecerat, sui non fuerat juris, quod idem et de pueris et de servis dici potest. Illorum enim ælas, illorum conditio in alterius sita est potestate. Cic., pro Murena, cap. 12, — Livius XXXIV, 3.

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