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CHAPITRE XIV.

De la forme du précaire.

Qui veut voir dans toute sa naïveté comment l'Église s'enrichissait par le précaire lise la soixante-dix-septième formule de Goldast '.

<< Chacun doit faire ce dont l'avertit la loi de l'É>> vangile, disant : « Donnez et on vous donnera. >> >> Au nom de Dieu, nous Luitulf et Merolf, et >> Zaozzo et Piscolf, fils de Marulf, nous avons >> reconnu devant le comte Cozpert et devant l'as>> semblée de notre canton que notre père Ma>> rulf a donné toute sa propriété et toute sa for>> tune au monastère de Saint-Gall 2, construit >> dans le canton d'Arbon, où repose le corps du >> saint; et que nous-mêmes, après nous être dé>> vêtus de tout le bien paternel, nous en avons >> investi Vuolframm, moine et envoyé de l'abbé, >> par trois jours et par trois nuits, et que nous >> sommes rentrés ensuite dans ce bien par le >>> bienfait des moines. Et ensuite, d'après la con

1 Canciani, II, 445. Appendix D.

Sur ce monastère de Saint-Gall, voyez Zellweger, Geschichte der Appenzellischen Volkes, t. I, p. 52 et ss ; t. III, diplomes, nos 1-20.

>>vention faite, nous les frères, fils de Marulf, >> avec l'assentiment du comte Cozpert et devant >> l'assemblée du canton, nous avons trans>> porté de nos mains tout notre avoir et l'héré>> dité paternelle au monastère susdit, par les >> mains de Vuinidhar, doyen et moine. Ce trans»port a été fait à charge de rendre au monas>>>tère les services que nous aurions rendus au >> roi et au comte à raison de cette terre, et de te>>>nir cette terre en bénéfice des moines par charte » de précaire. Et si nos enfans et leurs descen>> dance veulent faire ainsi que nous, qu'ils s'acquittent du service de la terre et qu'ils la >> tiennent en bénéfice des moines; sinon qu'ils la >> rendent. Et voici ce que notre père Marulf, et >> nous ses quatre fils dénommés avons donné au >> monastère tout ce que nous avons dans le >> canton de Nibelgau, champs, bois, manoir, >>cour, case, friches, prés, pâtures, chemins, >>>eaux et cours d'eau, notre part dans la marche » de Nibelgau. Et nous transportons entièrement » tous ces biens aux conditions dessusdites et à >> charge de payer pour cens ce que nous pourrons >> attraper de bêtes farouches, et de rendre au >> monastère les services que les autres habitans >> du canton rendent au comte..... >>

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Cette formule est une tradition solennelle faite en présence du comte. C'est le transport de la propriété libre, de l'alleu, et sa transformation

en propriété bénéficiaire. Un tel changement intéressait trop vivement les hommes libres pour qu'elle pût se faire en dehors de l'assemblée cantonale; mais de l'Église au donateur, le contrat se faisait, dans la forme romaine, par une double lettre ', dont les formules abondent dans les anciens recueils, faits par des moines qui songeaient avant tout aux intérêts du couvent. La main des moines se reconnait aussi dans ces malédictions terribles dont le donateur accable à l'avance quiconque osera jamais réclamer l'héritage donné à l'Église :

J'adjure mes héritiers, par celui qui est et qui doit venir un jour, qu'ils ne fassent guerre »> ni mal engin à cause de cette donation; mais » qu'ils défendent ma fille et la congrégation >> en guerre comme en justice. Qui fera autre>>ment, qu'il ait sa part avec Dathan et Abiron; >> que ses péchés ne lui soient remis ni dans ce » monde ni dans l'autre. Qu'il soit ainsi! qu'il » soit ainsi ! »

'La charte du donateur se nomme precaria, celle de l'évêque præstaria. Appendix de Marculf, form. 27, 28, 41, 42. Formulæ antiquæ Alsaticæ, form. 1, 2. Canciani, II, 402. Appendix E.

* Diplomata Mirœi, t. I, p. 146. Donation du comte Eberhard au monastère de Mourbach, Annal. Bened., t. II, p. 702: Si quis vero, quod futurum esse non credimus, si ego ipse, aut aliquis heredum aut proheredum meorum, aut ulla opposita persona, vel etiam quislibet homo præsentem paginam, vel hæc

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CHAPITRE XV.

Belles paroles de Charlemagne.

A cette époque de ténèbres, quand chacun cherchait de tirer à soi quelque lambeau du sol et quand des membres infidèles de l'Église se laissaient aller par imitation du siècle à une avidité déshonorante, il est beau de voir briller

acta mea, quæ ego devoto animo pro æterna retributione feci et firmare rogavi, infringere conaverit, vel attemptare aut minuere præsumpserit, imprimitus iram omnipotentis Dei et omnium sanctorum vel angelorum ejus offensionem incurrat, sed et cunctæ Ecclesiæ catholicæ excommunicationem, et ab omni populo christiano se extraneum, et pœnam illam, quam Dathan et Abiron aperta terra deglutivit, viventesque eos infernus absorbuit; vel damnationem quam Judas Scariothis, qui Christum tradidit et suspensus crepuit medius, sic diffusa viscera ejus igne æterno perenniterque intereat; vel Sodomorum interitu qui sulphureo igne flammante consumpti sunt, et diem judicii experiendum damnandorumque omnium iniquorum consummandum se exhorrescat ; et insuper si Deum timere noluerint, judicantes principibusque cum.... auri libras centum, argenti talenta centum, similiter coactus exsolvat, et quod repetit non vindicet: et hæc facta mea omni tempore firma et inviolata permaneant cum stipulatione subnixa.

Voyez encore Marculf, lib. 11, form. 1. -Veniam consequatur quando consecuturus est et diabolus; form. 3, etc. Hist. du Languedoc, II, dipl. 78.

comme une vive lumière la raison et la sagesse de Charlemagne :

<< Ont-ils quitté le siècle ceux qui, chaque jour, >> cherchent par tous moyens et de toutes façons à >> augmenter leurs propriétés, promettant la béa>> titude du céleste royaume, menaçant du sup>> plice éternel de l'enfer, et sous le nom de Dieu » ou de quelque saint, dépouillant le riche et le » pauvre, qui sont de nature simple, moins fins » et moins rusés. Ils déshéritent les héritiers lé

>> gitimes et les poussent ainsi par la misère aux >>> mauvaises actions et aux crimes; car pour ces » malheureux dépouillés de la succession pater>> nelle le vol et le brigandage deviennent une » nécessité.

>> Ont-ils quitté le siècle ceux qui, poussés par >> l'avarice, pour acquérir ce qu'un autre possède, >> achètent à prix d'argent le parjure et le faux >> témoignage et se choisissent pour avoué ou » prévôt, non point un homme juste et craignant >> Dieu, mais quelque individu cruel, cupide, se >> riant du parjure et qui cherche non point » comment, mais combien il peut acquérir.

» Que dire de ceux qui, sous prétexte d'a>>mour de Dieu et des saints, ou des martyrs, » ou des confesseurs, s'en vont promener de >> place en place leurs saintes reliques, construi>> sent une église à chaque déplacement et exhor>> tent les fidèles à leur donner leurs biens?

T. I.

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