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ges ignorées des lois romaines, qui écartaient soigneusement tout ce qui eût gêné l'indépendance de la propriété.

Cette dégénérescence de la propriété franche fut le résultat de l'établissement et du développement rapide des bénéfices et des censives.

Ces deux espèces de possession différaient à plus d'un égard; mais elles se ressemblaient en ce point : que les possesseurs tenaient leur droit d'un propriétaire; qu'ils reconnaissaient perpétuellement cette propriété supérieure, la directe, pour me servir d'une expression féodale; qu'ils devaient à raison de leur tenure des redevances ou des services, enfin que leur possession n'était directement reconnue ni protégée par la loi nationale. Telle était la position des recommandés, des bénéficiaires et même des serfs à qui leur maître avait concédé une portion de son domaine.

J'ai parlé plus haut des services du bénéficiaire'. Quant aux redevances des hommes libres, concessionnaires de l'Église, des grands ou du roi, ils payaient, soit en services, soit en denrées, soit en argent, un cens tout à fait semblable à celui que payaient les colons 2, avec cette seule

' Sup., 1. VII.

Zellweger, dipl. 3 (ann. 825). Christi enim favente clementia ego Cozbertus abba congregationis Sancti-Galli: convenit nos una cum consensu fratrum nostrorum, ut illas res quas nobis

différence que cette redevance en argent était en général très-faible et plutôt l'aveu que le fermage du domaine.

Le paiement du cens, l'attache du concessionnaire au domaine, la dépendance de ses héritiers amenèrent la ruine fatale de la liberté des possesseurs; mais d'autre part cette assimilation des hommes libres aux colons, funeste aux premiers, grandit les seconds. Il se fit comme une moyenne entre la franchise et l'esclavage. A mesure que l'une baissa sous le poids de la misère et de la dureté des temps, l'autre s'éleva par la faveur du maître et prit de la stabilité par la possession du sol. La condition des colons, en s'assimilant à celle des hommes francs, se régularisa. Il s'établit sur le domaine du seigneur des coutumes qui rappelèrent en plus d'un point la loi des hommes libres et qui protégèrent la possession, comme cette loi protégeait le

Ribhoh et Roadhoh illorum jure proprietatis tradiderant pari consilio, in loco qui dicitur Suvveinperc (Schweinberg) eis iterum per precariam repræstare debuerimus, quod ita et fecimus. Ea videlicet ratione, ut annis singulis nobis inde censum persolvant, hoc est X modios de grano; et inter ambos unum integrum juchum arent, et in tempore messis II dies in laboris opere persolvant. Similiter et in tempore fœni secandi alios duos dies. Et sicut enim alii liberi homines servilia opera nobis exhibent, ita et illi, similiter et illorum cuneta de reliquo posteritas faciat legitime procreata. Actum præsens precaria in ipso monasterio publice præsentibus quorum hic signacula continentur. Ibid., diplôme 4.

T. I

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domaine. La censive, qui fut pour les hommes libres une réduction en servage, fut pour les colons la transition du servage à la liberté.

CHAPITRE VI.

Procédure des actions réelles 1.

Sur les questions de propriété les deux genres de preuves les plus usités, et non certes les moins bizarres, c'étaient le serment et le duel. La loi des Bavarois semble laisser aux parties le choix de s'accorder sur ce point 3. Celle des Allemanni

Philipps, Hist. d'Allem., I, 546 et ss. 2 Ann. Bened., II, 736. - Form. Gold., 85 (appendix, G bis); ibid., form. 90, 91, 92, 93, 94, 95; et le diplôme 98, Hist. du Languedoc, t. I, 124.

3 Lex Bajuv., XVII, 2. De his qui propriam alodem vendunt, vel quascumque res, et ab emptore alter abstrahere voluerit et sibi sociare in patrimonium, tune dicat emptor ad venditorem: Terram abstrahere mihi vult vicinus meus (aut quis fuerit). Et iste respondet: Ego, quod tibi donavi, cum lege integra et verbis testificatione firmare volo. Super septem noctes fiat constitutum. Si dicit, cum utrisque utræque partes conveniunt: Cur invadere conaris territorium quod ego juste jure hereditatis donavi? Ille alius contra : Cur meum donare debuisti, quod antecessores mei antea tenuerunt? Iste vero dicit: Non ita, sed mei antecessores tenuerunt, et mihi in alodem reliquerunt, et vestita est illius manus cui tradidi et firmare volo cum lege. Si statim voluerit, liberam habeat

ne connait que le duel '; celle des Bourguignons favorise le combat pour éviter le parjure 2.

potestatem; sin autem, postea super tres dies aut quinque aut certi septem ea ratione firmet. Per quatuor angulos campi, aut designatis terminis, per hæc verba tollat de ipsa terra, val aratrum circumducat, vel de herbis, aut ramis, silva si fuerit : Ego tibi tradidi et legitime firmabo per ternas vices. Dicat hæc verba, et cum dextera manu tradat : cum sinistra vero porrigat wadium huic qui de terra ipsa eum mallat, per hæc verba : Ecce wadium tibi do quod terram tuam alteri non do, legem faciendo. Tunc ille alter suscipiat wadium et done! illum vicessoribus istius ad legem faciendam. Si causa fuerit inter illos pugnæ, dicat ille qui wadium suscepit: Injuste territorium meum alteri firmasti (id est faswirotos). Ipsum mihi debes reddere, et cum duodecim solidis componere. Tunc spondeant pugnam duorum, et ad Dei pertineat judicium. Sin autem, cum sacramento se defendat, id est cum duodecim quod suam terram injuste non firmaret alteri, nec suæ ditioni restituere deberet, nec cum duodecim solidis componere. Hist. du Languedoc, I!, dipl. 93.

1 Tit. 84, sup.

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Lex Burg., tit. 45. Multos in populo nostro et pervicatione rausantium et cupiditatis instinctu ita cognoscimus depravari ut de rebus incertis sacramenta plerumque offerre non dubitent et de cognitis jugiter perjurare. Cujus sceleris consuetudinem submoventes præsenti lege decernimus, ut quotiens inter homines nostros causa surrexerit, et is qui pulsatus fuerit, non deberi a se quod requiritur, aut non factum quod objicitur, sacramentorum obligatione negaverit, hac ratione litigio eorum finem opportebit imponi. At si pars ejus, cui oblatum fuerit jusjurandum, noluerit sacramenta suscipere, sed adversarium suum, veritatis fiducia, armis dixerit posse convinci, et pars diversa non cesserit, pugnandi licentia non negetur; ita ut unus de eisdem testibus, qui ad danda convenerant sacramenta, Deo judicante confligat : quoniam justum est, ut si quis veritate rei incunctanter scire se dixerit, et obtulerit sacramentum, pugnare non dubitet. Quod si

A ces moyens barbares vinrent de boune heure, et sous l'influence de la civilisation chrétienne, se joindre des mesures plus humaines, telle que la preuve par la croix ', et d'autres plus sensées, telle que la preuve par écrit 2, destinée à remédier aux dangers de l'absence, de la mort ou de la versatilité des témoins 5.

Dirai-je enfin que l'assemblée du canton, présidée par le comte, avait seule qualité pour juger les procès d'héritages, et que ces Barbares, nos maîtres en ce point, avaient senti qu'il est deux choses qu'un citoyen ne peut remettre

testis partis ejus, quæ obtulerit sacramentum, in eo certamine fuerit superatus, omnes testes qui se promiserant juraturos, trecenos solidos mulctæ nomine, absque ulla induciarum præstatione, cogantur exsolvere. Verum si ille qui renuerit sacramentum fuerit interemptus, quidquid debebat de facultatibus ejus novigildi solutione pars victoris reddatur indemnis, ut veritate potius quam perjuriis delectentur. DATA SUB DIE V. KAL. JUNIAS, LUGDUNI, ABIENO V. C. CONS.

'Grandidier, Histoire de l'Église de Strasbourg, II, diplóme 69. (App. H.)

Lex Ripuar., LIX. La preuve par écrit remplace dans cette loi la preuve par le duel. — V. aussi Lex Alam., tit. 1. — Lex Bajuv., tit. 1, c. 1; tit. 15, c. 2, c. 13.

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Voyez un plaid de cette espèce (Goldast. Form., 99; appendix 1) et le diplôme cité par Bignon. — Marculf, appendix, form. 1. Voyez aussi le plaid du monastère de Farfa de l'an 1014, Ann. Bened., IV, 704; le jugement en faveur de Daniel, archevèque de Narbonue, contre le comte Milon, et le plaid tenu à Nimes par le conite Raymond en l'an 890. (Appendix I bis.)

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