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aux colons, on trouve toujours des biens religieux et des terres communes1.

Les terres consacrées au culte, encore bien que considérables, puisque, au rapport d'Appien3, une portion de ces propriétés, vendue par ordre du sénat, suffit pour défrayer la guerre contre Mithridate, ne jouent pas néanmoins dans l'histoire de la propriété romaine un rôle assez important pour nous arrêter spécialement; ces biens d'ailleurs rentrent presque à tous égards dans la catégorie des biens de l'État ".

Occupons-nous donc seulement de ces deux grandes et capitales divisions de la propriété romaine:

1° Propriété de l'État (ager publicus);

2o Propriété privée, propriété du citoyen (ager privatus).

1

Pascua, compascua communia, pro indiviso. Frontin, de Limit. agror., ed. Goesius, p. 41.

2

Appien, Guerre de Mithr. c. 22.

3 Aggenus (ou plutôt Frontin), de Controv. agror., les place au nombre des biens de l'État. In Italia densitas possessorum multum improbe facit, et lucos sacros occupant, quorum solum indubitate populi romani est, etiamsi in finibus coloniarum aut municipiorum. Goes., p. 74. — Livius, VIII, 14. Niebuhr, t. II, 2o éd., p. 695.

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Les terres qui constituaient la propriété privée étaient limitées d'après certains rites empruntés aux usages étrusques. La religion protégeait le domaine du citoyen. Déplacer les limites d'un champ voisin, c'était un crime capital.

Cette délimitation était le cachet de la propriété civique, agri limitati, agri divisi, assignati; à la différence du domaine de l'État, dont les terres n'avaient d'autres limites que les limites naturelles, agri arcifinales *.

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' Rei agrariæ auctores cura W. Goesii. Amsterdam, 1674, in-4°. C'est pour la plus grande partie une réimpression des Auctores finium regundorum donnée avec d'excellentes notes par N. Rigault. Paris, 1614, in-4°.-Niebuhr, sur la Limitation. Appendice au t. II de son Hist. rom., 2o éd., p. 694 et ss. Occupatorii dicuntur agri, quos quidam arcifinales vocant; hi autem arcifinales dici debent, quibus agris victor populus occupando nomen dedit. Bellis enim gestis victores populi terras omnes ex quibus victos ejecerunt, publicavere, atque universaliter territorium dixerunt, intra quos fines jus ducendi esset. Deinde, ut quisque virtute colendi occupavit arcendo vicinum, arcifinalem dixit. Horum ergo agrorum nullum æs, nulla forma quæ publicæ fidei possessoribus testimonium reddat: quoniam non ex mensuris actis unusquisque miles modum accepit, sed quod aut excoluit aut in spe colendi occupavit, Quidam vero posses

Cette limitation des terres, qu'on y fasse attention, n'était pas un simple bornage fait sous la garantie de l'autorité et destiné à prévenir des contestations de voisinage, c'était une consécration religieuse de la propriété.

Fonder une colonie, par exemple, c'était une œuvre sacrée. Des magistrats spéciaux, nommés par une loi, assignaient à la colonie un territoire déterminé aux colons, les terres arables, qua falx et arater ierit; à la colonie, les bois, les pâtures, les landes destinés à la nourriture des bestiaux. Ces communaux, on ne les limitait pas, mais il en était autrement pour les terres des particuliers. Après les cérémonies sacrées, on partageait tout ce qui devait être domaine privé en centuries'. On subdivisait les centuries en

sionum suarum privatim formas fecerunt, quæ nec ipsos vicinis, nec sibi vicinos obligant, quoniam res est voluntaria. Hi tamen finiuntur terminis et arboribus notatis et antemissis et superciliis, et vepribus, et viis, et rivis, et fossis. Siculus Flaccus de Condit. agror, (Goes., p. 3). Voyez Aggenus in Frontin, (Goes,, p. 45). Livius, V, 55. Festus définit les possessiones presque en mêmes termes que Siculus définit les agri occupatorii: POSSESSIONES appellantur agri late patentes publici privatique; quia non mancipatione (en propriété) sed usu tenebantur, et ut quisque occupaverat collidebat (colebat? ou plutôt possidebat). Isidor, Origin. 15, 13, § 3, a puisé à la même source que Festus: Possessiones sunt agri late patentes publici privatique, quos initio non mancipatione, sed quisque ut potuit occupavit atque possedit, unde et nuncupati. - Niebuhr, II, 699.

1

! Festus. V. Centuriatus ager. Le partage se faisant

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jugera, on assignait à chaque colon sa mesure limitée, et on dressait de ce cadastre un rôle (as,

suivant des tracés réguliers, il restait souvent des lisières en dehors des centuries. Ces lisières (subseciva) faisaient partie du domaine de la colonie ou continuaient d'appartenir à l'ager publicus. C'était le sol le plus fréquemment usurpé, car ces lisières étaient communément peu considérables, et toujours à la portée des colons. Vespasien inquiéta toute l'Italie quand il voulut revendiquer et vendre ces lisières usurpées; il fut obligé de s'arrêter devant les plaintes qui s'élevaient de toutes parts, et Domitien, qui abandonna ees terres aux possesseurs, fut déclaré le bienfaiteur de l'Italie (Aggenus de Controv, agror. Goes., 68, 69). Une inscription nous a conservé un rescrit de Domitien qui termine une contestation élevée par deux colonies voisines au sujet de ces subseciva; elle est assez rare et curieuse pour n'ètre point déplacée ici.

Imp. Cæsar divi Vespasiani F. Domitianus Augustus, pontifex Max. Trib. potest. Imp. II. Cos. VIII. Designat. VIIII. P. P. salutem dicit.

IIII viris et decurionib. Faleriensium ex Piceno. Quid constituerim de subsecivis, cognita causa inter vos et Firmanos ut notum haberetis huic epistolæ subici jussi.

P. Valerio Patruino..... Cos. XIIII kal. Augustus. Imp. Cæsar divi Vespasiani F. Domitianus August. adhibitis utriusq. ordinis splendidis viris, cognita causa inter Falerienses et Firmanos pronuntiavi quod subscriptum est.

Et vetustas litis quæ post tot annos retractatur a Firmanis adversus Falerienses vehementer me movet, cum possessorum securitate vel minus multi anni sufficere possint, et divi Augusti diligentissimi et indulgentissimi erga Quartanos suos principis epistola qua admonuit eos ut omnia subseciva sua colligerent et venderent quos tam salubri admonitioni paruisse non dubito, propter quæ possessorum jus confirmo. Valete. D. XI. kal. aug. in Albano.

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forma) destiné à maintenir la perpétuité de la propriété civique'. La colonie alors était fondée à tout jamais 2.

Cette assignation, cette délimitation qui faisait de l'ager publicus une propriété privée, était le but de toutes les LOIS AGRAIRES. Jamais chez les Romains il ne fut question de lois portant atteinte au domaine des citoyens. Une loi semblable eût été plus qu'une violation des droits de la propriété, droits respectés par tous les législateurs, c'eût été un indigne sacrilége: la religion était là qui protégeait contre toute attaque le champ du citoyen et le tombeau de ses pères 3.

'La propriété limitée était invariable; l'alluvion ne lui appartenait pas. L. 16. D. de Adq. rer. dom. L. 1, § 6. De Fluminib. D. XLIII, 12.

2 Deduxisti coloniam Casilinum quo Cæsar ante deduxerat. Consuluisti me per litteras... posses ne ubi colonia esset, eo coloniam novam jure deducere. Negavi in eam coloniam quæ esset auspicato deducta, dum esset incolumis, coloniam novam jure deduci: colonos novos adscribi posse rescripsi. Tu autem insolentia elatus, omni auspiciorum jure turbato, Casilinum coloniam deduxisti, quo erat paucis annis ante deducta, ut vexillum tolleres et aratrum circumduceres: cujus quidem vomere portam Capuæ pæne perstrinxisti, ut florentis coloniæ territorium minueretur. Cic., Philipp., II, 40.

C'est à Niebuhr qu'il faut reporter la gloire d'avoir su découvrir ce qu'étaient ces lois agraires jusqu'à lui si mal connues. Rom. Gesch., t. II, p. 146 et ss. Vom gemeinen Feld und dessen nutzung.

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