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CHAPITRE III.

Possessiones.

En droit, ce domaine de l'État était imprescriptible'. La république ne pouvait concéder que la jouissance, jouissance essentiellement révocable tant qu'une loi agraire ou une vente publique faite par les questeurs n'avaient pas fait entrer le sol, en le limitant, dans la classe des propriétés privées 2.

En fait, il fallut respecter cette jouissance à mesure qu'elle fut consacrée par le temps. La menace d'une révocation jetait la république en des agitations perpétuelles. Ces lois agraires, c'était l'épée de Damoclés à la merci du premier

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Jurisperiti negant illud solum quod P. R. esse cœpit ullo modo usucapi a quoquam mortalium posse. Et est verisimile. Aggenus Urbic. de Controv. agror. (Goes., p. 69). — L. 12, $2.-De public. in rem. D. VI, 2.— L. 4, Fin. regund.; c. Th. II, 26.

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Quæstorii dicuntur agri, quos ex hoste captos populus romanus per quæstores vendidit. Ibi autem limitibus institutis, laterculis 50 jugerum effectis, venierunt. Quem modum 50 jugerum decem actus in quadratum per limites demensi efficiunt, unde etiam limites Decumani sunt dicti. Siculus, de Condit. agror. (Goes., p.14).-V. Hyginus, de Condit. agror. (Goes., p., 205). -Savigny, Besitz, p. 176, ad. not.

ambitieux'. Le droit de l'État était incontesté; mais cette longue possession, à l'ombre de laquelle s'étaient formés tant d'intérêts, avait aussi sa légitimité. Cette terre, les possesseurs l'avaient fécondée par de longs travaux, enrichie par des plantations, embellie par des édifices.Souvent ils l'avaient achetée. - Là étaient les tombes de leurs aïeux. C'était l'héritage paternel, -la dot des femmes, celle des enfans, - le gage des créanciers 3. Que de titres! aussi par la force des choses, et tout en gardant son nom, la possession se transforma en véritable propriété. C'est l'histoire constante des longues

tenures.

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Cette division des domaines a laissé des traces profondes dans la législation romaine; et sans une nette idée de ce qu'était la possession de l'ager publicus, il est impossible de comprendre ce que fut plus tard la possession des terres privées. Les lois romaines relatives à la possession ont été des énigmes jusqu'à ce que Savigny en eût révélé le secret *.

' Liv. VI, 11... Agrariis legibus, quæ materia semper tribunis plebis seditionum fuisset.

Qui agrum Recentoricum possident vetustate possessionis se, non jure, misericordia senatus, non agri conditione defendunt, nam illum agrum publicum esse fatentur; se moveri possessionibus, amicissimis sedibus, ac diis penatibus negant oportere. Cic., de lege agrar., § 21 et 31. L. 11, de Evict. D. XXI, 2. 3 Appien, Guerre civile, I, 10.

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'Son traité de la possession est sans contredit la plus belle

Le détenteur de l'ager publicus se trouvait dans une double position: — à l'égard de l'État, à l'égard des tiers.

Pour l'État, l'individu n'était que détenteur; sa jouissance était un simple usage, une posses→ sion (usus, possessio), et non point un droit de propriété (dominium) 1; son titre était toujours précaire et révocable.

Mais à l'égard des tiers, sa jouissance était protégée par le préteur, cette voix vivante des lois. La possession du détenteur se trouvait ainsi dans le commerce, garantie qu'elle était par le magistrat. C'était comme une espèce de propriété, transmissible par vente, par donation, par succession; le droit était différent; le fond pratique des choses était le même.

monographie dont le droit romain ait été l'objet. Nous citons la cinquième édition. Giessen, 1827, in-8°.

'Festus. Possessio est, ut definit Gallus Aelius, usus quidam agri, aut ædificii, non ipse fundus, aut ager. Non enim possessio est e rebus quæ tangi possunt, neque qui dicit se possidere, is suam rem potest dicere. Itaque in legitimis actionibus nemo ex jure Quiritium possessionem suam vocare audet, sed ad interdictum venit ut prætor his verbis utatur: Uti nunc possidetis, eum fundum Quo de agitur quod nec vi, nec clam, nec precario alter ab altero possideatis, ita possidetis. Adversus ea vim fieri veto.

Javolenus. Possessio ab agro juris proprietate distat : quidquid enim apprehendimus, cujus proprietas ad nos non pertinet, aut nec potest pertinere hoc possessionem appellamus; possessio ergo usus, ager proprietas loci est. L. 125, D. de V. S.

Quoiqu'on put disposer de sa possessio aussi librement que de son dominium, il y avait néanmoins une grande différence dans les formes, différence qui nous avertit que les deux natures de domaine ne sont point contemporaines, et que ce fut à une époque plus rapprochée que se fit sentir le besoin de protéger par l'édit du préteur tous ces mille rapports naissant chaque jour des concessions multipliées de l'État. C'est ce que M. de Savigny a parfaitement démontré1.

CHAPITRE IV.

Des lois agraires.

Rome nous apparaît divisée dans l'origine en

deux classes:

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d'une part la plėbe, infime, misérable, divisée; de l'autre les grandes familles patriciennes, maîtresses du sol et du pouvoir.

Les patriciens s'attribuaient la jouissance exclusive de l'ager publicus 2; et assez semblables

'Savigny, Besitz, § 12, a. Niebuhr, Rom. Gesch. t. II, p. 168 el ss.

2 Livius, IV, 51, 53. — Denis d'Hal. VIII, 70, 73, 74. X, 32, 37. — Cassius Hemina. Quicumque propter plebitatem agro publico ejecti sunt, ap. Nonn. Marcell, II, 619.

aux seigneurs féodaux, ils accordaient quelque portion de ces terres à leurs cliens'; concession toute précaire, révocable à la volonté du donateur 2. La plébe, au contraire, n'avait droit qu'à la jouissance de quelques pâturages laissés

en commun.

État de choses profondément injuste, puisque l'impôt (census) pesait ainsi plus lourdement sur le pauvre que sur le riche. Le patricien en effet s'affranchissait presque toujours de la dime qu'il devait pour prix et pour aveu de la concession domaniale, et d'autre part ne payait point l'impôt à raison de ces possessiones, si, comme il y a tout lieu de le croire, l'on ne comptait pour le cens que la propriété quiritaire".

'Patres senatores ideo appellati sunt, quia agrorum partes attribuebant tenuioribus, ac liberis propriis, dit Paul l'abréviateur de Festus.

2 C'est de ce point de vue que Savigny explique la théorie du précaire romain, qui, sans cette interprétation, n'est qu'un contrat tout à fait énigmatique. Besitz, § 12a et 42.

Festus. Censui censendo agri proprie appellantur qui et emi et venire jure civili possunt. Prædia (dit Scaliger sur ce passage) censui censendo dicebantur ea, quæ essent mancupi: quæ habebant jus civile: quæ subsignari apud ærarium, apud censorem possent, ut auctor est Cicero in ea pro Cœcinna, neque possessiones, id est agri, qui non mancipatione sed usu tenebantur censui censendo dici poterant, neque hoc nomine in censum dicari.

La première partie de cette note est prise de l'Or. pro Flacco, c. 32. La seconde, qui serait décisive, je ne l'ai point trouvée dans l'Or, pro Cœcinna.

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