Images de page
PDF
ePub

M. MENU. Nos petites conditionnes !

M. COCLET. Tout justement, me tante, nous sommes des femmes de conditionne.

M. Cor. Je n'en doute pas à votre air. Puis-je savoir à quelles aimables dames j'ai l'honneur de parler? M. MENU. Oui, oui ; je suis lady Kerkmerott. M. COCLET. Et moi, lady Bibembrock.

M. Cor. (à part.) Voilà de drôles de noms. (haut.) Ces dames sont-elles dans l'intention de prendre des leçons de langue française ?

M. MENU. Eh! pourquoi ça, je vous prie? Est-ce que je parle pas bienne joliment le langue française? M. Cor. Si fait." (Il chante.)

Avec des bouches si jolies,

On doit parler très-joliment.

M. MENU. Voilà de les galanteries.

M. COP. Vous aurez chez moi l'avantage de réunir lė logement, la table et la langue.

M. COCLET. Vous êtes professer?

M. COP. Yes, professer d'englisch pour le Français. M. MENU. Eh bien, alors vous serez bonne.

M. COP. Je serai bonne !...Nous avons ici...

M. MENU. Vous serez bonne pour ma niaize qui le parle extrêmement peu.

M. Cor. Milady Kerkmerott, permettez-moi de vous reprendre sur la prononciation; vous venez d'appeler Milady Bibembrock votre niaize; c'est nièce qu'il faut dire.

M. MENU. C'est niai, voyez-vous.

M. Cor. (prenant une prise.) Nièce, par un é ou

vert.

M. MENU. Par un é ouvert, je croyais plutôt que c'était par le bouche ouverte, pour dire nièce.

M. Cor. Non, un é avec un accent.

M. MENU. Un accent sur le nez ?

M. Cor. (à part.) J'y perdrai mon latin. (haut.) Je vous expliquerai cela dans un autre moment.

M. MENU. Messer l'hôte, je désirerais vous dire quelque chose dans le particulier.

M. Cor. Je suis à vos ordres, milady.

M. MENU. (bas à M. Copeau.) Je vais éloigner le petite. (à M. Coclet.) Miss, tenez-vous un petit peu à l'écart.

M. COCLET. Moi, me tante.

M. MENU. Yes. (voyant que M. Coclet ne s'éloigne pas.) Entendez-vous ce que je vous disais, je vous priai de vous tenir un petit peu à l'écart.

M. COCLET. (s'éloignant.) C'était bien désagréable, je pouvais pas entendre. (Il retourne la tête comme les enfans qui boudent.)

M. MENU, qui s'en aperçoit. A-t-on vu une petite raisonneuse comme ça, je vais gronder.

M. COP. (à M. Menu.) Ah! milady.

M. MENU. (à M. Copeau.) J'ai le droit de gronder, et je gronderai. (Il baragouine soi-disant l'anglais, à M. Coclet.) Messer l'hôte...est-ce que me nièze et moi, nous rester absolument seules avec vous dans cette maison ?

M. COP. Je n'ai pas compris un mot, veuillez répéter. M. MENU. Je demandais si me nièze et moi, rester seules avec vous dans cette maison.

M. COP. J'entends, vous ne voulez pas être seules chez moi ?

M. MENU. Nonne.

M. Cor. Vous ne serez pas seules, j'ai ma nièce aussi qui aura l'honneur de vous tenir compagnie. M. MENU. Je voulais le voir toujours le petit nièce ...par un é ouvert. (à M. Coclet.) Levez-vous.

M. Cor. (allant à la porte de sa nièce.) Aspasie...(revenant.) elle n'est pas encore prête, mais elle viendra tout à l'heure, j'ai de plus quelques voisines fort aimables qui seront enchantées, miladys, de faire votre société.

M. COCLET. Bien, bien, faites venir tout de suite les petit voisines.

M. Cop. Je cours les inviter de votre part. (Il va à la porte de Fusin.) M. Fusin !...

SCÈNE XII.

Les Mêmes, M. FUSIN.

M. FUSIN. Me voilà.

M. Cor. Je sors, mon ami, faites-moi le plaisir de rester près de ces dames: je vous préviens que ce sont des miladys.

M. FUSIN, (ôtant son chapeau.) Il fallait donc me dire cela, je n'aurais pas gardé mon chapeau devant des miladys.

M. Cor. Je reviens à l'instant, faites comme si j'y étais.

M. FUSIN. Allez, allez, n'ayez pas peur.

(M. Copeau sort.)

[ocr errors]

PRÉCIS DU RESTE DE LA PIÈCE.

Les Anglaises pour rire dans une longue conversation qu'elles ont avec M. Fusin, l'engagent à passer en Angleterre où ses talens comme peintre ne tarderont pas à lui procurer une brillante fortune; elles s'offrent à lui donner des lettres de recommandation pour plusieurs personnes de distinction. Tout frappé de cette idée notre ar· tiste renonce à Aspasie, et se dispose à partir immédiatement pour Londres. Les fausses Anglaises se font bientôt après connaître, et M. Fusin, qui s'aperçoit qu'on l'a joué, veut renoncer à son voyage et renouer son engagement avec Aspasie, mais M. Copeau le prie de se taire et lui recommande d'aller en Angleterre faire fortune, et M. Coclet lui renouvelle son offre de lui donner des lettres de recommendechione.

NOTES SUR LES ANGLAISES POUR RIRE. Comédie-Vaudeville, a comedy interspersed with

songs.

2 Du flotté, bois à brûler, venu à flot par la rivière, float-wood.

3 Ladre pour ladrerie, stinginess.

• Maître ès arts, master of arts. Es est une contraction de la préposition En et de l'article Les.

5 Parler à la cantonade, à un personnage qui n'est pas vu des spectateurs.

• Le piquant de cette scène consiste dans les fautes que font les Miladys, ainsi on n'a rien changé au langage de ces dames.

'Si fait, yes, you do, or, you do indeed.

SCÈNES DE LA PETITE VILLE,

COMÉDIE DE M. PICARD.

MADAME GUIBERT.

Flore, Flore, Flore. Voyez un peu si cette petite fille me répond, et cependant la chose est assez importante. Flore.

SCENE SUIVANTE.

MADAME GUIBERT, FLORE

FLO. Me voici, ma mère.

Mad. G. Mais venez donc, mademoiselle, quand on vous appelle.

FLO. Mais, ma mère, je donnais à manger à votre serin.

Mad. G. Il s'agit bien de mon serin; voilà de bien plus grandes affaires; écoutez-moi. Vous voilà grande, en âge d'être mariée.

FLO. Oui, ma mère.

Mad. G. Je n'ai rien négligé pour votre éducation, et vous ferez vraiment honneur à celui qui vous épou

sera.

FLO. Oui, ma mère.

Mad. G. Mais vous savez, et je vous l'ai souvent répété, cette petite ville est un terrein ingrat pour les filles à marier; des originaux, des gens grossiers, des imbéciles, des sots, des mauvais plaisans: ce n'est qu'à Paris qu'on peut établir comme il faut une demoiselle. J'avais projeté de vous envoyer passer quelque temps chez mon frère à Paris, et je ne doute pas que vous n'y eussiez trouvé plus d'un parti convenable.

FLO. Oui, ma mère.

Mad. G. Grâce au ciel, j'espère que vous n'aurez pas besoin de faire ce voyage. Mon frère est un homme charmant; le voilà qui m'envoie, avec des lettres de recommandation, un jeune héritier de trente mille livres de rente.

FLO. De trente mille livres de rente, ma mère !

Mad. G. Il vient loger ici avec son ami; c'est un jeune homme très-aimable; il a de l'esprit, des connaissances, il aime la musique, et j'espère que vous aurez beaucoup d'inclination pour lui.

FLO. Oui, ma mère.

Mad. G. C'est à vous à développer devant lui toutes vos grâces, tous vos moyens de plaire, à faire briller votre esprit, votre conversation, vos talens, votre éducation.

FLO. Oui, ma mère, mon éducation.

Mad. G. Ils vont revenir; il s'agit de faire en sorte que le premier coup-d'œil soit à votre avantage. Mais, comme vous voilà faite ! je vous ai défendu de mettre du rouge, excepté pour aller au bal; mais...quand on est aussi pâle, et d'ailleurs, quand c'est par les conseils de votre mère, il n'y a pas de mal: attendez, une légère nuance sied si bien aux jeunes personnes.

FLO. Oui, ma mère.

Mad. G. (en mettant du rouge à sa fille.) Souvenezvous bien, ma fille, que la décence et la modestie sont la plus belle parure d'une demoiselle ; la meilleure dot qu'elle puisse apporter...Mais comme vous êtes engoncée dans votre corset! mettez-vous à la grecque, puis

« PrécédentContinuer »