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J'aime bien mieux, pour moi, qu'en épluchant ses

herbes

Elle accommode mal les noms avec les verbes,
Et redise cent fois un bas ou méchant mot,
Que de brûler ma viande, ou saler trop mon pot:
Je vis de bonne soupe, et non de beau langage.
Vaugelas n'apprend point à bien faire un potage;
Et Malherbe et Balzac, si savans en beaux mots;
En cuisine, peut-être, auraient été des sots.
PHILAMINTE.

Que ce discours grossier terriblement assomme !
Et qu'elle indignité, pour ce qui s'appelle homme,
D'être baissé sans cesse aux soins matériels,
Au lieu de se hausser vers les spirituels !

Le corps, cette guenille, est-il d'une importance,
D'un prix à mériter seulement qu'on y pense?
Et ne devons-nous pas laisser cela bien loin?
CHRYSALE.

Oui, mon corps est moi-même, et j'en veux prendre soin:
Guenille, si l'on veut ; ma guenille m'est chère.
BÉLISE.

Le corps avec l'esprit fait figure, mon frère:
Mais, si vous en croyez tout le monde savant,
L'esprit doit sur le corps prendre le pas devant;
Et notre plus grand soin, notre première instance,
Doit être à le nourrir du suc de la science.

CHRYSALE.

Ma foi, si vous songez à nourrir votre esprit,
C'est de viande bien creuse, à ce que chacun dit;
Et vous n'avez nul soin, nulle sollicitude
Pour...

PHILAMINTE.

Ah! Sollicitude à mon oreille est rude; Il sent étrangement son ancienneté.

BÉLISE.

Il est vrai que le mot semble bien affecté.

CHRYSALE.

Voulez-vous que je dise un peu ce que je pense?

Car il est temps enfin de rompre le silence.

De folles on vous traite, et j'ai fort sur le cœur...
PHILAMINTE.

Comment donc !

CHRYSALE (à Bélise.)

C'est à vous que je parle, ma sœur Le moindre solécisme en parlant vous irrite; Mais vous en faites, vous, d'étranges en conduite. Vos livres éternels ne me contentent pas ; Et, hors un gros Plutarque à mettre mes rabats, Vous devriez brûler tout ce meuble inutile, Et laisser la science aux docteurs de la ville; M'ôter, pour faire bien, du grenier de céans Cette longue lunette à faire peur aux gens, Et cent brimborions dont l'aspect importune; Ne point aller chercher ce qu'on fait dans la lune, Et vous mêler un peu de ce qu'on fait chez vous, Où nous voyons aller tout sens-dessus-dessous. Il n'est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, Qu'une femme étudie et sache tant de choses.

Former aux bonnes mœurs l'esprit de ses enfans, Faire aller son ménage, avoir l'œil sur ses gens, Et régler la dépense avec économie,

Doit être son étude et sa philosophie.

Les femmes d'à présent sont bien loin de ces mœurs: Elles veulent écrire et devenir auteurs.

Nulle science n'est pour elles trop profonde;

Et céans, beaucoup plus qu'en aucun lieu du monde ;
Les secrets les plus hauts s'y laissent concevoir,
Et l'on sait tout chez moi, hors ce qu'il faut savoir.
On y sait comme vont lune, étoile polaire,
Vénus, Saturne et Mars, dont je n'ai point affaire ;
Et, dans ce vain savoir, qu'on va chercher si loin,
On ne sait comme va mon pot, dont j'ai besoin.

Mes gens
à la science aspirent pour vous plaire,
Et tous ne font rien moins que ce qu'ils ont à faire:
Raisonner est l'emploi de toute ma maison,
Et le raisonnement en bannit la raison.

L'un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire,
L'autre rêve à des vers quand je demande à boire ;
Enfin, je vois par eux votre exemple suivi,
Et j'ai des serviteurs, et ne suis point servi.
Une pauvre servante, au moins, m'était restée,
Qui de ce mauvais air n'était point infectée,
Et voilà qu'on la chasse avec un grand fracas,
A cause qu'elle manque à parler Vaugelas !
Je vous le dis, ma sœur, tout ce train-là me blesse :
Car c'est, comme j'ai dit, à vous que je m'adresse.
PHILAMINTE.

Quelle bassesse, ô ciel! et d'âme et de langage!
BÉLISE.

Est-il de petits corps un plus lourd assemblage,
Un esprit composé d'atomes plus bourgeois ?
Et de ce même sang se peut-il que je sois !
Je me veux mal de mort d'être de votre race;
Et, de confusion, j'abandonne la place.

NOTES SUR LES FEMMES SAVANTES.
1 Si fait, yes, I do.

2 Si fait, yes, I will.

3 Traînés dans les ruisseaux des halles, taken from Billingsgate.

SCÈNE DE L'AMOUR MÉDECIN,

COMÉDIE DE MOLIÈRE.

SGANARELLE, riche bourgeois, AMINTE, LUCRÈCE, M. GUILLAUME, M. JOSSE.

SGAN. Ah! l'étrange chose que la vie! et que je puis bien dire, avec ce grand philosophe de l'antiquité, que qui terre a, guerre a, et qu'un malheur ne vient jamais seul! Je n'avais qu'une femme, qui est morte.

M. GUI. Et combien donc en vouliez-vous avoir ? SGAN. Elle est morte, monsieur Guillaume. Mon ami, cette perte m'est très-sensible, et je ne puis m'en ressouvenir sans pleurer. Je n'étais pas fort satisfait de sa conduite, et nous avions le plus souvent dispute ensemble; mais enfin la mort rajuste toutes choses. Elle est morte, je la pleure. Si elle était en vie, nous nous querellerions. De tous les enfans que le ciel m'avait donnés, il ne m'a laissé qu'une fille, et cette fille est toute ma peine: car enfin, je la vois dans une mélancolie la plus sombre du monde, dans une tristesse épouvantable, dont il n'y a pas moyen de la retirer, et dont je ne saurais même apprendre la cause.

Pour moi, j'en perds l'esprit, et j'aurais besoin d'un bon conseil sur cette matière. (à Lucrèce.) Vous êtes ma nièce; (à Aminte.) vous, ma voisine; (à M. Guillaume et à M. Josse.) et vous, mes compères et mes amis, je vous prie de me conseiller tout ce que je dois faire.

M. Jos. Pour moi, je tiens que l'ajustement est la chose qui réjouit le plus les filles ; et si j'étais que de vous, 1 je lui achèterais dès aujourd'hui une belle garniture de diamans, ou de rubis, ou d'émeraudes.

M. GUI. Et moi, si j'étais à votre place, j'achèterais une belle tenture de tapisserie de verdure, ou à personnages, que je ferais mettre dans sa chambre, pour lui réjouir l'esprit et la vue.

AMIN. Pour moi, je ne ferais pas tant de façons. Je la marierais fort bien, et le plutôt que je pourrais, avec cette personne qui vous la fit, dit-on, demander, il y a quelque temps.

Luc. Et moi, je tiens que votre fille n'est point du tout propre pour le mariage. Le monde n'est point son fait; et je vous conseille de la mettre dans un couvent, où elle trouvera des divertissemens qui seront mieux de son humeur.

SGAN. Tous ces conseils sont admirables, assurément; mais je les trouve un peu intéressés, et trouve que vous me conseillez fort bien pour vous. Vous êtes

vre, monsieur Josse, et votre conseil sent son me qui a envie de se défaire de sa marchandise. Vous lez des tapisseries, monsieur Guillaume, et vous avez aine d'avoir quelque tenture qui vous incommode. i que vous aimez, ma voisine, a, dit-on, quelque ination pour ma fille; et vous ne seriez pas fâchée a voir femme d'un autre. Et quant à vous, ma re nièce, ce n'est pas mon dessein, comme on sait, narier ma fille avec qui que ce soit, et j'ai mes raipour cela; mais le conseil que vous me donnez de hire religieuse, est d'une femme qui pourrait bien haiter charitablement d'être mon héritière univere. Ainsi, messieurs et mesdames, quoique tous vos seils soient les meilleurs du monde, vous trouverez à, s'il vous plaît, que je n'en suive aucun.

NOTES SUR L'AMOUR MEDECIN. Si j'étais que de vous, if I were you. Tenture de tapisserie, a suit of hangings.

Vous êtes orfèvre, M. Josse. Cette réplique de anarelle a fait proverbe.

SCENES DU SICILIEN,

ou,

L'AMOUR PEINTRE.

COMÉDIE DE MOLIÈRE.

PERSONNAGES.

DON PEDRE, gentilhomme sicilien.

ADRASTE, gentilhomme français, amant d'Isidore. ISIDORE, Grecque, esclave de Don Pèdre.

DON PEDRE, ADRASTE, DEUX LAQUAIS.

D. PEDRE. Que cherchez-vous, cavalier, dans cette aison?

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