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LA RÉSURRECTION DE LA GRÈCE.

Toi qui peins à nos yeux les fêtes de l'Elide,
Les coursiers affranchis du frein injurieux,
Emportant vers le buț un char victorieux,
Et la Grèce assemblée, aux successeurs d'Alcide
Prodiguant les honneurs promis aux demi-dieux;
O Pindare! combien, aux sommets d'Aonie,
Ta lyre enfanterait de sublimes accords,
Si ton ombre, échappée à l'empire des morts,
Planait sur l'antique Ionie,

Et si tu voyais le génie

Ressaisir pour

les arts un sol déshérité,

L'arracher à la barbarie,

Et lui rendre sa gloire avec sa liberté!

Long-temps ( tu l'ignorais peut-être)
La Grèce sous le joug d'un maitre
Courba son front humilié:

Son nom lui survivait... d'elle seule oublié,
Aux lieux où fut jadis Athène,

Parcourant les débris qui hérissent la plaine,

Le voyageur a lu ces mots:

A Périclès, à Démosthène.

Le voyageur s'arrête, il saisit ses pinceaux ;
Mais soudain, effrayé d'une rumeur lointaine,
Il se tourne, et s'enfuit à l'aspect de la chaîne
Que les Grecs à pas lents traînent sur ces tombeaux.

Ta patrie infortunée,
Veuve d'Epaminondas,

Gémissait sans espoir, aux flammes condamnée;
Mais, au défaut de soldats,

Ton nom, vainqueur du trépas,

Dans les mains d'Alexandre, amoureux de ta gloire,
Eteignit ses flambeaux, désarma sa victoire.
Thèbes n'est plus... ta lyre d'or

Fut brisée autrefois par un soudan barbare,
Et son ignorance avare

De ses débris muets augmente son trésor.

Omar, au sein d'Alexandrie," Engloutit en un jour vingt siècles de génie, D'un calife arrogant le ministre odieux Opprime la Troade,

Foule du Panthéon les bronzes glorieux

Et la cendre de Miltiade.

C'est peu; dans ses festins, des vases précieux
Ravis au temple de Diane

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Offrent à l'infidèle une liqueur profane,

Et son faste irreligieux

Outrage sans pudeur et les arts et les dieux.
La Minerve du Nord, à vaincre accoutumée,
Voulut de l'Orient détrôner les Césars;
Les cent voix de la Renommée
Publièrent au loin que l'empire des Czars
S'étendrait jusqu'à l'Idumée.

Catherine parlait... La terreur de son nom
Alarma le Bosphore et Gustave et la France,
Quand sa royale main, sur les murs de Kerson,
Ecrivit :
: « C'est ici le chemin de Bizance. »
'Mais je vois l'héritier de ses vastes états
De Catherine accomplir la pensée;

De Sparte renaissante heureux Léonidas,
Un grand héros lui rend sa splendeur éclipsée ;
Et l'aigle des Germaius, et les fiers léopards,
De nos drapeaux ligués rivaux sans jalousie,
Font pâlir le croissant, qui s'enfuit vers l'Asie,
Loin de ses bataillons épars.

Oui, d'un sommeil de fer lá Grèce enfin s'éveille;
La voix de Démosthène a frappé mon oreille....
Que vois-je?... Phidias, Pindare, Anacréon
Sortent de leurs mausolées,

Et d'un long deuil consolées,
Les Muses près d'Apollon
En cercle sont rassemblées
Au sommet de l'Hélicon.

DEMOSTHENE.

Périsse le tyran qui, du poids de sa chaîne,
Voudrait de Salamine accabler les vainqueurs!
J'atteste vos aïeux, nobles enfans d'Athène !
Vous n'avez point failli, quand de vos oppresseurs
Vous avez défié la phalange inhumaine.

Osez en croire Démosthène,

O peuple! rappelez votre antique vertu ;
Songez à Marathon, et Philippe est vaincu,

PHIDIAS.

Jupiter descend sur la terre ;
D'un signe il ébranle les cieux :
Mortels cachés dans la poussière,
Adorez le maître des dieux!
-Mais je l'entends déjà qui tonne...
Mon génie alarmé s'étonne
A l'aspect de ses traits divins;
Et, de son succès confondue,

Mon audace baisse la vue

Devant l'ouvrage de mes mains.

ANACRÉ O N.

Belles vierges de la Crète,
Sur le cristal de ces eaux
Entrelacez les rameaux
Qui protégent ma retraite !
Esclaves couronnez de fleurs

Cette coupe où frémit la liqueur pétillante !
– La rose et le pectar de leurs douces odeurs
Apportent à mes sens la vapeur enivrante.

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Mais de ces lieux Lycoris est absente...
Non, je l'entends: esclaves, fuyez tous.

- Ma Lycoris, que tes baisers sont doux!

Ne crains rien; cet ormeau nous prête son ombrage:

L'Amour plus loin veille pour nous,

Et, caché près de ce bocage,

Il a tendu son arc pour chasser les jaloux
Qui voudraient soulever ce rideau de feuillage.

PINDARE.

Quoi! l'airain est muet! qu'il sonne!... Ces guerriers Accourent à nos yeux, assiégent la barrière.

Héraut, vois-tu pas ces coursiers

Impatiens de franchir la carrière,

Frémir, mordre le frein, de momens en momens
Appeler le signal par leurs hennissemens !
Ouvrez, ouvrez la lice, et que la Grèce entière
Garde au triomphateur ses applaudissemens!
Entendez, maîtres de la terre,

Tous ces morts immortels dont j'empruntai la voix.
Toi surtout, qui d'Achille as passé les exploits,
Affranchis le tombeau d'Homère.

Ses månes seraient consolés

Si quelque Muse, un jour, sur sa tombe ignorée,
Venait chanter les dieux de l'Olympe exilés.

Dithyrambes.

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