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Rends Athène à Pallas, Paphos à Cythérée,
Rends unë patrie aux beaux arts;

Ils sont les frères de la Gloire;

Achève; il n'appartient qu'au favori de Mars
D'élever dans la Grèce un temple à la Victoire.

Mais que dis-je les arts, reconquis par ton bras,
Fleurissent aux bords de la Seine:

Laisse couler en paix l'Euphrate et l'Eurotas.
Héritiers de Rome et d'Athène,

Irons-nous donc chercher dans de lointains climats
Des Apelle, des Phidias,

Des Sophocle, des Démosthène ?

Et vous aussi, Français, vous fûtes grands comme eux
Rivaux souvent vainqueurs de ces hommes fameux,
Corneille, le Poussin, Girardon, la Bruyère,
Racine, Montesquieu, Fénélon et Voltaire !
N'accusons pas les dieux par des regrets jaloux :
Nous devons à la Grèce envier son Homère;
Mais le ciel, de ses dons libéral envers nous,
Lui refusa Buffon, La Fontaine et Molière.
Long-temps de sa route écarté

L'astre des nations, dans une nuit d'orage,
Roula son disque ensanglanté ;
Un dieu dissipe le nuage,
Le ciel a repris sa clarté.
O France! quel siècle de gloire

Devant toi vient de se rouvrir!

Ose embrasser ton avenir:

Il doit de tes erreurs absoudre la mémoire.
Appelés par les arts, le Germain et l'Anglais
Accourent en foule à tes fêtes,

Et, troublés un instant au bruit de tes conquêtes,
Célèbrent le vainqueur qui leur donna la paix.

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De chêne et de laurier enlaçons nos cheveux :
Ce n'est qu'à l'homme libre à chanter ses conquêtes;
Jamais du despotisme il n'écouta les vœux.
Ah! si vous en doutez, volez aux murs d'Athènes :
Demandez la tribune où tonna Démosthènes,
Ce lycée où Platon daigna former des rois,
Ces jeux où de Pindare on adorait la voix,
Courez à ce théâtre, à cette illustre scène
Où Sophocle, Euripide ont disputé le prix,
O divin Apollon! à mes regards surpris
De ton double coteau fais jaillir l'flypocrène.
Lisez-moi, fille de Mycène,

Du chantre d'Ilion les immortels écrits;
Que je l'admire encor dans la ville d'Hélène,
Est-ce là cette Mytilène,

Ce séjour enchanteur des Grâces et des Ris?
Lesbos, de ta Sapho redis-moi le délire:
Cythère, couvre-moi de tes berceaux fleuris;
Théos, de ton vieillard que j'entende la lyre.
Vain espoir! tout se tait! un silence de mort,
Le silence de l'esclavage,

Interprête muet des volontés du sort,
Pèse sur des débris que l'ignorance outrage.

Des talens et de la vertu

Un stupide Ottoman recueille l'héritage; Et sa verge insolente écrit sur le rivage: « Avec la liberté, la Grèce a disparu. »

Grandes ombres de Salamine,
A quoi servit votre valeur?
Pindare, ta lyre divine

N'a plus que des sons de douleur.
Pleurons leur gloire fugitive;
Mais quelle corde assez plaintive
Pourra répondre à leur malheur?

Ah! plutôt que nos chants consacrent leur mémoire !
Le temps n'a point détruit Platée et Marathon;
J'en jure par les vers, les arts et la victoire.

L'Olympe a reconnu leur gloire,

Et de leur récompense a chargé l'Hélicon.

Le Génie, au double vallon,
De l'immortalité déposa les richesses.

C'est surtout aux fils d'Apollon

Qu'il aime à prodiguer ses fécondes largesses;

C'est par eux qu'à son vol il donne un noble essor;
C'est par eux qu'en sa chute il se relève encor.
Aussi l'enfant du Pinde est sacré sur la terre:
Bellone le protége au milieu des combats;
Mars, touché de sa voix, le ravit au trépas,
Et les dieux sur son front suspendent leur tonnerre.
Heureux dans son exil, et libre dans les fers,
Il défend aux tyrans d'attenter à sa vie.

Du champ de ses aïeux dépouillé par l'envie,
Pour domaine il a l'univers;

Et lorsqu'entraînant tout dans le torrent des âges
Le néant s'enrichit par d'illustres naufrages,
Du sort capricieux il brave les revers;

Et, calme au milieu des orages,

Sur l'abîme des temps il plane avec ses vers.

D'une illusion soudaine

Mes sens seront-ils trompés?
Ah! d'une image incertaine
Mes yeux ne sont point frappés.

Oui, de l'immortel domaine

Je ravirai les trésors;

Et d'une espérance vaine
Les nymphes de l'Hypocrène
N'ont point flatté mes accords.

Où suis-je ! quel transport m'agite!
Quel songe égare mes esprits!
Arion, au sein d'Amphitrite,
S'offre-t-il à mes yeux surpris!
Par un prodige véritable,
Les dieux réalisant la fable,
Renouvellent l'antiquité.
L'avenir pour moi se déroule,
Et chaque siècle qui s'écoule
Me parle d'immortalité.

Voyez-vous ce vaisseau qui, flottant sur les ondes,
Des états de l'Aurore accourt victorieux ?

Dominateur des mers, explorateur des mondes,
Sur la vague orgueilleuse il semble atteindre aux cieux.
Les despotes captifs, les richesses de l'Inde,
Ce prix des longs travaux repose dans ses flancs,
Mais un trésor plus rare, honneur sacré du Pinde,
Le chantre heureux des Castillans,

Le Camoëns, assis sur un noble trophée,
Au milieu des héros, des belles et des rois,
La lyre en main, nouvel Orphée,

De ces Jasons nouveaux consacre les exploits.

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