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Toutefois, ajoutait Sa Seigneurie, cette mesure est de la plus haute importance non seulement pour l'ile qu'elle devait régir, mais encore pour la consolidation des effets de la grande mesure de l'émancipation des noirs, votée par les deux Chambres avec empressement, et obtenue au prix d'énormes sacrifices. Dans ces circonstances, le vote de la Chambre des communes non seulement menace et détruit même tout l'avenir promis à cette mesure importante, mais encore il annonce clairement, de la part d'un grand nombre de membres des communes, un manque de confiance qui nous défend de conserver la direction des affaires du pays, à sa satisfaction et pour son bien. Ce vote nous enlève, en même temps, le droit d'adopter des mesures énergiques et importanles, impérieusement exigées par la situation, et qui cependant, si elles étaient adoptées, permettez-moi, mylords, de vous le dire, n'offriraient aucun danger pour nos possessions coloniales. En conséquence, mylords, cédant à ces considérations et à la force des choses, nous avons cru de notre devoir d'offrir à S. M. notre démission, et la reine a daigné l'accepter. Nous restons provisoirement en place, et nous continuerons à administrer les affaires de l'Etat, jusqu'à ce que de nouvelles combinaisons aient été adoptées, et que nos successeurs aient été désignés par la

couronne. »

Lord Brougham, tout en reconnaissant que le vote des communes était fatal au bill ministériei, qu'il pouvait même nuire à l'émancipation des noirs, ne pensait cependant pas qu'il pût en détruire le principe. Peuples et législateurs sont, disait le noble orateur, d'accord pour tenir à l'exécution de cette grande mesure, et elle sera toujours la condition vitale de tout ministère.

(Chambre des communes). Lord John Russell ajouta aux considérations développées, dans l'autre Chambre, par lord Melbourne :

• Il est évident, disait le ministre, que le bill soumis par nous à la Chambre, exigeait plus qu'un appui ordinaire, plus qu'une confiance limitée, et cependant le contraire a eu lieu. Que faire, dès lors ? En appeler à une nouvelle épreuve ? Mais sans doute que le vote eût été le même. Porter le bill à la Chambre des lords? Mais alors le cabinet eût paru vouloir se décharger sur elle de la responsabilité d'une si grande mesure. Il ne restait plus alors qu'à abandonner le bill. Mais dans quel état le ministère eút-il laissé les colonies et la Jamaïque en particulier? Les premières eussent imité peut-être celle-ci, et cette dernière eût puisé de nouvelles forces dans le vote de la Chambre des communes. Dans ces circonstances, le Cabinet n'avait pas dû prétendre plus long-temps à administrer le pays, et le ministère n'avait plus qu'à

exprimer sa reconnaissance à ceux des membres qui, pendant quatre années, signalées par de nombreuses épreuves, lui avaient prêté un généreux appui. »

Le ministère cédait donc aux exigences du gouvernement parlementaire. Un instant l'opposition torie montera les degrés du pouvoir; mais nous la verrons aussitôt se retirer par des raisons en apparence frivoles, mais conformes en réalité aux mœurs et aux habitudes politiques du pays.

CHAPITRE V.

Efforts infructueux de sir Robert Peel, pour constituer un Cabinet. Retour du Cabinet Melbourne. -Explications du chef de l'opposition torie. - Election d'un nouveau speaker. — Adoption du nouveau bill relatif à la Jamaïque. - Etat du pays à l'intérieur. — Les céréa- Les chartistes. Discussion à ce sujet, au dehors et dans les Chambres. Rejet de la motion de M. Villiers. Les chefs chartistes; leurs prédications. - Interpellations adressées au ministère,

les.

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au sujet des agitations des chartistes. Discussions. Proclamation de la reine. - Troubles de Birmingham. Discussions à ce sujet dans le parlement. — Augmentation de la force-armée. - Police locale. Police métropolitaine. Discussions à ce sujet, dans les

communes.

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MM. Atwood-Hume, O'Connell, sir Robert Peel et lord Russell. Les troubles se prolongent. Attaque de Newport, par les chartistes des montagnes. Echec qu'ils éprouvent. - Proposition d'un bill sur l'éducation nationale. Opposition des lords. Adresse présentée par eux à ce sujet à la reine. Réponse qui leur est faite. Proposition de M. Duncombe. Discussion: MM. Wakley,

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lord Russell, Rejet des résolutions proposées par M. Duncombe. Lettre de lord Russell aux électeurs de Strand. Motion de sir G. Grey sur le réform'bill, et tendant à élargir le cercle électoral. Autres propositions — Reproduction, par M. Grote, de sa proposition relative au scrutin secret. Adoption du bill relatif au droit de poste. Discussion dans les communes, au sujet des bateaux à vapeur transatlantiques. Opération. Finances. Consolidation de quatre millions de bons de l'échiquier. - Opinions exprimées à ce sujet par le chancelier. Discours de M. Villiers. - Emprunt contracté par la banque d'Angleterre auprès de la banque de France. → Mariage de la reine avec le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha.

Quand, dans un pays, les opinions sont nettement tranchées, les partis franchement dessinés, les crises ministérielles sont de peu de durée, et l'administration appartient, tout d'abord, aux hommes qui représentent l'opposition triomphante. Sir Robert Peel paraissait donc naturellement appelé à constituer avec ses amis un nouveau ministère. En effet, le chef des toryes avait présenté une liste de candidats où figuraient les personnages éminents

qui partageaient ses principes: Lord Lyndhurst, le comte d'Aberdeen, lord Stanley, lord Ellenborough, sir James Graham, sir Henri Hardinge, M. Charles Goulburn, enfin, le duc de Wellington qui se serait contenté de soutenir le Cabinet de son nom et de son influence. Cette liste eût sans doute été agréée ; mais un incident, qui partout ailleurs semblerait au-dessous de la gravité des choses politiques, vint rompre toutes les négociations et ramener àla tête du pouvoir le ministère démissionnaire. Dans les habitudes constitutionnelles du pays, un Cabinet nouvellement constitué doit pénétrer en quelque sorte, de son esprit, tous les fonctionnaires, même ceux qui remplissent auprès de la personne du chef de l'Etat des emplois purement intérieurs. Jusqu'où ce droit se pouvait-il étendre ? Telle était la question à résoudre en ce moment. D'après les explications dont nous allons rendre compte, sir Robert Peel aurait voulu l'appliquer même aux dames-d'honneur de la reine. La sœur de lord Morpeth et la femme de lord Normanby étaient attachées en cette qualité à la personne de la souveraine. Devaient-elles se retirer? Sir Robert le demanda. Nous allons entendre ce grand orateur déduire lui-même ses raisons et rattacher habilement à des considérations d'un ordre plus élevé, cette question palatiale qui, sans cela eût été indigne d'occuper l'attention de l'histoire.

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Et d'abord faisons remarquer que les chefs de l'ancienne administration ne crurent pas devoir prendre l'initiative des explications. Il convenait en effet à l'auteur de l'incident d'éclairer le pays sur les causes qui y avait donné lieu : seulement, dans la séance des communes du 15 mai, lord John Russell annonça que « l'essai tenté par le très-honorable baronnet pour l'organisation du ministère ayant été infructueux, la reine avait bien voulu lui permettre d'exposer les circonstances qui avaient amené cet insuccès. »

Le noble lord annonçait ensuite à la Chambre qu'il ferait à son tour connaître les raisons déterminantes de la reconstitution du précédent ministère.

Sir Robert Peel prit aussitôt la parole. Après avoir assez longuement développé les circonstances dont nous venons de parler et les démarches qu'il avait cru devoir faire, l'honorable membre donna lecture d'un billet, écrit le 10 mai par la reine, et qui était ainsi conçu :

La reine ayant examiné la proposition qui lui a été faite hier par sir Robert Peel de renvoyer les dames de sa chambre, ne peut consentir à adopter une mesure qui lui paraît contraire à l'usage et qui répugne à ses sentiments. »

Sir Robert répondit à ce billet par un autre où il insista en particulier, sur ce que, dans l'état actuel des choses, le nouveau Cabinet avait besoin d'un témoignage public non équivoque de la confiance de S. M., et ce témoignage devait résulter du consentement que la reine donnerait aux changements proposés dans les emplois de sa maison.

Jamais l'accomplissement de cette condition n'avait paru plus nécessaire au chef de l'opposition tory:

« J'étais prêt, disait cet homme d'Etat, à accepter ces fonctions (de ministre dirigeant), mais pouvais-je regarder autour de moi sans m'apercevoir que l'intérêt de Sa Majesté et du pays exigeait que j'obtinsse tout l'appui désirable pour faire marcher le gouvernement? Quelles étaient les questions sur lesquelles mon attention devait se diriger en premier lieu ? La Jamaïque, le Canada, l'Inde, appelaient ma sollicitude et commandaient l'adoption immédiate de certaines dispositions législatives. J'examinai de même l'état du pays à l'intérieur, ainsi que des provinces. D'ailleurs, indépendamment des devoirs inhérents aux fonc. tions de premier ministre, y eut-il jamais une époque où les conjonctures aient rendu d'autres qualités plus nécessaires? Je croyais aussi qu'il était de mon devoir, vu l'agitation qui règne dans ce pays et le danger qu'aurait amené un redoublement d'effervescence, de faire tous les efforts imaginables pour gouverner avec le concours du parlement actuel. Une dissolution me paraissant impolitique, j'aurais débuté avec une minorité dans les communes, cela est évident.

Pouvais-je laisser à l'écart ce point important? Dans cette position,

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