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taient pas encore à ce moment bien connus, dut ajouter à l'irritation qui régnait entre les deux gouvernements : le capitaine d'un brick de guerre anglais, la Colombine, étant entré dans le Zaïre (fleuve du royaume d'Angola, sur la côte d'Afrique), aurait capturé en même temps des navires trouvés en contravention avec le décret du 10 décembre 1856, ainsi que d'autres contre lesquels on n'aurait pas eu à faire valoir le même prétexte. Mais il ne se serait pas arrêté là : il aurait coulé bas les navires après les avoir canonnés et en avoir enlevé les équipages.

Ajoutez à ces causes de mésintelligence, celles que devaient faire naître encore les réclamations déjà anciennes, des légionnaires anglais qui avaient servi dans les armées portugaises, et les menaces ( car ce n'était pas autre choses) articulées à ce sujet à la tribune par lord Palmerston: « Si, disait Son Excellence (communes, 10 août), tous les efforts du gouvernement anglais échouent, il faudra qu'il avise à trouver d'autres moyens pour obtenir justice.»> Tels étaient les rapports presque hostiles entre les deux pays. Il semblait cependant que le changement de ministère qui substituait en Portugal une administration nouvelle à celle du baron de Sabroza, trop favorable à la traite, dût ramener le gouvernement à des principes plus humains, et rétablir la bonne harmonie entre deux peuples si long-temps alliés et unis d'intérêt (voyez l'article Portugal).

C'est à ce point de vue de l'Angleterre dans ses rapports avec les autres nations que nous avons à nous occuper ici de la lutte engagée entre le sultan et son vassal le pacha d'Egypte. Après la bataille de Nezib, les membres du Cabinet déclarèrent que l'accord de la France et de l'Angleterre était parfait sur la question..... ; que d'autre part l'Autriche, la Prusse et la Russie avaient manifesté le désir sincère et formel d'amener une pacification qui

épargnât à l'Europe les suites d'une telle guerre (Chambre des communes, 9 juillet. Déclaration de lord Palmerston).

« Nous espérons, disait à la Chambre des lords le chef du Cabinet (discours de lord Melbourne, 20 août ), 'maintenir l'intégrité du territoire ottoman et la puissance du sultan; mais ce résultat ne peut être atteint que par la coopération des cinq grandes puissances décidées à agir énergiquement, et c'est là ce que nous espérons. >> Ces paroles concordaient en effet avec l'espèce d'armistice amené entre les parties belligérantes par la note collective signée le 27 juillet, par les représentants des cinq puissances (voyez l'article Turquie ).

Les nouvelles négociations allaient donc nécessairement amener la solution de ce grand problême politique qui cachait les futures destinées de l'Orient et les véritables relations de l'Occident.

L'accord de deux puissances, la Grande-Bretagne et la France, l'une essentiellement intéressée dans le débat, l'autre placée par la nature des choses dans une heureuse position d'impartialité, paraissait surtout nécessaire, et cependant la diversité des intérêts sur d'autres points, quelques incidents singulièrement groupés par le hasard semblaient devoir affaiblir et peut-être compromettre l'alliance, rare dans leur histoire, qui rapprochait les deux peuples. Il était naturel d'abord que l'on s'émût des événements du Mexique et de Buenos-Ayres. Toutefois, le langage du gouvernement britannique sur ce double sujet fut presque toujours amical, rassurant. C'est ainsi que le ministère, accusé par les membres de l'opposition d'avoir tenu dans les affaires du Mexique une conduite imprudente, d'avoir négligé même les intérêts anglais dans ces parages, repoussa victorieusement cette accusation, en même temps qu'il ne craignait point de reconnaître que la France, sur Ann. hist. pour 1839.

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Lushington, Grote, l'exprima ouvertement (Chambre des communes, 19 mars). Les honorables membres s'inquiétaient de même de voir les forces françaises dirigées contre Buenos-Ayres. Sir Robert Peel revint alors à ses observations premières, et lord Palmerston reproduisit la réponse déjà faite au représentant de Tamworth, que l'escadre anglaise n'avait dû avoir pour objet que d'intervenir officieusement entre les parties belligérantes. Au surplus, la motion de lord Sandon fut retirée par son

auteur.

Si ces reproches des diverses nuances de l'opposition n'étaient point fondés, il était constant du moins que tous les partis prenaient ombrage des progrès que la marine faisait chez les autres puissances. La France et la Russie attiraient surtout les regards des membres du parlement alors que le ministère paraissait parfaitement rassuré. Dès le commencement de l'année, des productions de pièces relatives à l'état de la marine avaient été instamment réclamées. Dans la séance des lords du 22 février, l'auteur d'une motion de ce genre, lord Colchester, avait exprimé l'opinion que les forces de la marine étaient insuffisantes; que l'on pourrait à peine, en cas de guerre, compter sur dix ou onze vaisseaux en état de porter la grosse artillerie nécessaire, et partant, que la Grande-Bretagne, s'il arrivait qu'elle fût attaquée par une armée étrangère, se trouverait privée de moyens de défense.

Lord Minto avait répondu au nom du Cabinet: Le noble lord ne voyait pas pourquoi au sein d'une paix profonde on mettrait la marine sur un pied de guerre que ne commanderait point le besoin de repousser une invasion. La marine est ce qu'elle doit être dans cette situation. Elle compte dans la Méditerranée neuf vaisseaux de ligne. Dix sont employés d'un autre côté, et neuf sont en disponibilité dans l'intérieur. Le ministre établissait ensuite

par la comparaison des années précédentes (1835, 36-5738), que depuis la première de ces années, la marine royale avait été renforcée d'une manière remarquable. A cette époque, on ne comptait pas au-delà de neuf vaisseaux de ligne, aujourd'hui il en existe dix-neuf. On a parlé de la France, ajoutait lord Minto; on a prétendu qu'elle avait trente ou quarante vaisseaux de ligne en service actif: cette assertion est loin d'être exacte. Dans l'état amical de nos relations avec la France, la force numérique de cette puissance n'est pas de nature à inspirer de sérieuses inquiétudes. Le ministre de la marine ne partageait pas davantage celles que faisait concevoir l'activité de la marine russe. Ce n'est, en effet, qu'à l'aide d'efforts continus, que cette puissance qui n'est point maritime parvient à se créer des forces navales. Si plausibles qu'elles dussent paraître, ces explications n'avaient point satisfait lord Melville: comme lord Colchester, il reprochait surtout au ministère d'avoir dégarni les côtes du pays. A son tour, lord Hardwick, sans demander que l'on mît en mer autant de bâtiments que le font la France et la Russie, avait cependant blâmé, et appelé même d'un autre nom l'économie intempestive qui, selon l'opposition, présidait à l'administration de la marine.

Enfin, lord Melbourne avait répondu à toutes ces attaques, que le Cabinet qu'il dirigeait avait la conscience d'avoir rempli, dans l'administration de cette branche du service public tout son devoir; que si la France et la Russie avaient cru devoir donner à leur marine plus de développement, ce n'était pas une raison pour que l'Angleterre rivalisât avec ces puissances, au risque même d'épuiser ses ressources; qu'au surplus les dangers dont on parlait n'existaient point; que si en effet une guerre devait éclater, ce ne serait jamais sans déclaration préa

lable, et qu'il serait temps alors d'adopter les dispositions commandées par la situation.

Le ministère ne l'avait cependant pas emporté : l'esprit national avait triomphé et la production demandée avait été accordée.

La critique dont en cette occasion le matériel de la marine avait été l'objet, s'était étendue également à son personnel, quoique avec moins de vivacité. Ainsi s'explique l'augmentation du nombre des matelots, réclamée par M. Charles Wood, et dont nous avons parlé ci-dessus; ainsi s'expliquent encore les deux motions de sir E. Codrington, le vainqueur de Navarin, et qui tendaient l'une, à supplier la reine d'augmenter les pouvoirs des commissaires de l'amirauté; l'autre, à faire déclarer qu'il ne pourrait plus être demandé de réduction sur le service naval (6 mars, 23 avril).

Il est important d'examiner dans quel esprit on envisageait la question de la marine dans la Chambre des communes lorsqu'il présenta la demande d'un crédit pour l'augmentation du personnel (5 et 6 mars), comme lorsqu'il combattit la motion de sir E. Codrington (23 avril), le secrétaire de l'amirauté, M. Ch. Wood, au sentiment duquel s'associait l'amiral Adam, établit que l'administration actuelle avait si peu négligé les intérêts de la marine, qu'elle avait augmenté de 5,000 h. le personnel, que le ministère Peel avait diminué de 2,000. M. Wood s'attacha surtout à rectifier les erreurs auxquelles l'appréciation des marinès étrangères avait donné lieu. C'est ainsi qu'au lieu de 37 vaisseaux de ligne attribués à la France, cette puissance n'en aurait en réalité que 22 en mer et 27 sur le chantier. De même la Russie n'aurait encore, malgré son désir d'en élever le nombre à 45, que 45 vaisseaux de ligne, comme en 1817. Répondant en particulier à l'amiral Codrington, M. Wood déclara que la

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