retirer sur l'escadre de blocus. Mais les bannis ne s'en disposèrent pas moins au départ, et déjà ( 8 décembre) un grand nombre d'ouvriers français de Mexico, se rassemblait à la barrière de Vera-Cruz pour se mettre en marche vers cette ville, lorsque le chef de la bande fut appelé au palais du président où le ministre de l'intérieur, Pérado, lui signifia que des nouvelles récentes rendaient leur départ impossible. En effet, l'amiral Baudin avait répondu au refus de M. Bustamente, de ratifier la convention du 28 novembre, par une descente à main armée dans Vera-Cruz et l'avait mise hors d'état de défense (5 décembre). Néanmoins, après cette courte action où Santa-Anna avait été grièvement blessé et le général Arista fait prisonnier, le gouvernement avait fait placarder dans toutes les rues un rapport de Santa-Anna où ce général s'attribuait une victoire complète. Il prétendait qu'au moment où l'amiral avait envahi la ville, des arrangements se négociaient entre les deux gouvernements; que du reste, il avait forcé les Français à se rembarquer en les chargeant à la baïonnette; qu'il leur avait pris une pièce de huit; enfin, qu'ils avaient laissé plus de cent morts et une multitude de blessés dans les rues de la ville. « A la fin de mon existence, ajoutait le général, je ne puis m'empêcher de manifester la satisfaction que j'éprouve en voyant des commencements de réconciliation entre les Mexicains. Je donne mon dernier embrassement au général Arista avec lequel je me trouvais malheureusement fâché, et d'ici je l'envoie aussi au président de la république en témoignage de ma reconnaissance pour voir honoré au moment du danger, ainsi qu'à tous mes compatriotes que je conjure, au nom de la patrie qui est en si grand danger, de renoncer à leurs ressentiments, et de se réunir tous en formant un mur impéné m'a trable contre les envahisseurs français. Je demande aussi au gouvernement de ma patrie que mon corps soit enseveli dans le même endroit où j'ai été frappé, afin que tous mes compagnons d'armes sachent quelle est la ligne de bataille que je leur ai tracée. Je recommande enfin à mes compatriotes de ne pas tacher notre victoire en attaquant les personnes des Français sans défense qui, sous la garantie de nos lois, résident parmi nous. <<< Les Mexicains, oubliant toutes mes erreurs politiques, ne voudront pas me refuser le seul titre que je désire de laisser à mes enfants: celui de bon Mexicain. Dieu et la liberté ! » Tous les faits allégués dans cette déclaration n'étaient que mensonge. Néanmoins, le commandant de l'escadre française ne refusa pas l'honneur d'une réfutation aux assertions qui avaient trait à sa récente victoire; il avait, disait-il, annoncé d'avance au général SantaAnna que, par suite de la violation de la convention relative à Vera-Cruz, les termes de cette convention cessaient pour lui d'être obligatoires; que jamais il n'avait eu l'intention de mettre garnison dans la place; qu'il n'avait voulu que la désarmer. Ce but une fois atteint, l'amiral avait ordonné le rembarquement qui s'était exécuté tranquillement et dans le plus grand ordre ; c'était alors seulement que Santa-Anna avait paru sur le môle, à la tête d'une colonne qui n'avait point chargé à la baïonnette, mais avait engagé une vive fusillade contre les embarcations françaises qui se retiraient. Les Mexicains n'avaient rien pris et la perte des assaillants s'était élevée à huit hommes tués, dont trois seulement étaient restés sur le champ de bataille, et cinquante-six blessés, dont aucun n'avait été laissé dans la ville. Ainsi s'était accompli le coup de main de la Vera-Cruz, et le nouveau gouvernement mexicain pouvait comprendre que le représentant de la France était moins que jamais disposé à céder. Cependant l'exécution du décret d'expulsion n'avait été que retardée à Mexico; elle eut lieu le 10 décembre. Les Français furent dirigés en trois colonnes sur le port de la Vera Cruz. Leur marche n'avait pas été entravée jusqu'à cinq lieues de distance de Vera-Cruz, où quelques soldats de Santa-Anna se jetèrent sur le convoi, et s'emparèrent des chevaux et des charrettes. Il fallut donc franchir à pied, sous un ciel brûlant, la route sablonneuse qui restait à parcourir. L'amiral Baudin les reçut à bord de l'escadre, et pourvut aux moyens d'embarquement et de passage pour la Havane et la Nouvelle-Orléans. La situation de la république se compliqua de jour en jour; deux fois vaincue par l'étranger qui occupait ses ports, elle voyait la guerre civile continuer dans son scin et distraire ses forces. A Tampico les fédéralistes étaient devenus redoutables, et le mouvement militaire dirigé contre eux n'avait eu d'autre résultat que de leur permettre de sanctionner leurs principes par une victoire. Dans le combat qui avait eu lieu sous les murs de la ville sept cents hommes de l'armée centraliste étaient restés sur le champ de bataille, tués ou blessés. Le général Coss qui la commandait conjointement avec Pedrias et Canalizo avait pris la faite. Pedrias lui-même avait succombé, soit qu'il eût été frappé en cherchant à s'échapper, soit que, to mbé aux mains de ses ennemis, il eût été fusillé (6 décembre). A la même époque, le progrès du fédéralisme dans es esprits se faisait également remarquer à Mexico avec un caractère peu rassurant pour le gouvernement de Bustamente. En effet le président s'était vu forcé par la marche des choses d'appeler au ministère l'ancien président Gomes Pedraza, fédéraliste prononcé ; et bientôt le peuple manifesta, d'une manière non équivoque, sa sympathie pour les réformes qui, dans son espérance, allaient être proclamées à la faveur de cette administration nouvelle. Le 12, de nombreux rassemblements curent lieu dans le palais et sur la place pour interroger l'intention du gouvernement qui du reste flottait incertain entre la volonté des Chambres et les désirs de la population. Les groupes croissaient sans cesse aux cris de Vive la fédération! vive la liberté ! vive la constitution sans tache ! vive la charte sacramentelle de 1824! meure le centralisme! Toutes les cloches de la cathédrale sonnaient, et la grande majorité des citoyens partageant l'enthousiasme populaire inondait les rues de la ville. En même temps, on se portait unanimement vers la demeure du président. Lå se renouvelèrent, avec plus de violence, les protestations qui avaient éclaté sur tous les points, et Bustamente luimême dut bientôt se montrer à son balcon et crier : Vive la fédération! vous aurez la fédération! Immédiatement la foule satisfaite se dirigeait vers le couvent de Santo-Domingo, où l'ex-ministre Valentin Gomez Farias, ardent démocrate, était emprisonné depuis trois mois. De toutes parts on entendait les cris répétés de: Vive à jamais notre père Farias! nous voulons le serrer dans nos bras! Les portes du couvent allaient être brisées, lorsqu'un chef de la commandance générale se présenta pour donner ordre au commandant du poste de se rendre aux vœux du peuple, et de mettre l'ex-ministre en liberté. Cependant la nuit couvrait déjà cette fête populaire ; on s'empressa d'acheter des flambeaux et d'illuminer les alentours de la prison, et quand Farias parut sur un balcon il fut salué avec transport. Mais ce n'était là que le commencement de son triomphe. Il descendit avec le citoyen Jose Maria Alpuche e infante, prisonnier comme lui et condamné pour la même cause. Nul effort ne pat contenir la foule, dit un journal fédéraliste: elle se précipitait avec ardeur sur Farias, elle l'embrassait et lorsqu'elle ne pouvait se procurer cette satisfaction, elle lui touchait la figure, un bras, le cou, le chapeau et puis elle se retirait contente. La multitude fut si grande quei redoutant qu'il n'étouffàt, on eut la précaution de le faire monter dans une voiture où il pénétra non sans de grandes difficultés. M. Alpuche fut placé dans une autre voiture : le peuple détela les mules et se mit lui-même à traîner les deux voitures..... Depuis le plus humble domestique jusqu'aux capitalistes. aux fonctiounaires, aux militaires, etc., etc., tous ne formaient qu'une masse compacte et uniforme; tous criaient: Vive à jamais la constitution! vive notre libérateur M. Farias! notre père, l'unique homme qui nous ait fait du bien! l'unique homme qui nous chérisse! celui qui veut notre bien et non le sien propre, le seul qui mérite les bénédictions de la république. La foule qui traînait les carrosses en triomphe, traversa les rues de Santo-Domingo et Empedradille, Flateras, la Palma, los portalos de Agostinos et los Flores; elle passa près du palais, et là le peuple souverain fit une halte pour s'écrier de nouveau: Vive à jamais la constitution! vive la liberté ! vive l'illustre, le grand Farias! Meure le centralisme ! périssent les sept lois de Cuernavaca! On a déjà livré Ulloa, nous ne voulons pas qu'on livre la république! « Le peuple se rendit de là jusqu'à la rue fermée de la monnaie, ou demeure M. Farias, et en passant devant le poste nommé poste d'Ordre, il s'écria: Vive l'armée mexicaine! Vive la constitution de 1824 1 Vive notre père Farias! Maintenant nous aurons de bonnes écoles, comme auparavant, et de bons maîtres qui nous enseigneront bien, et ne nous maltraiteront pas parce que nous sommes pauvres. « Sur toute la route M. Farias fut salué par les personnes des deux sexes qui se trouvaient aux balcons. Cette circonstance eut lieu dans toutes les maisons, à l'exception de celles des Espagnols, lesquels se tinrent enfermés. Le peuple ayant obtenu la liberté de M. Farias, se dirigea sur la maisou du général Urrea, ce vaillant fédéraliste. Voici le général Urrea! Vive le sauveur de la république, le soutien de la fédération, le vainqueur de l'imposteur César! Vers les neuf heures du soir, les groupes se divisèrent en pelotons et se retirèrent dans leurs logis, sans commettre aucun désordre. Personne ne fut menacé; jamais il n'y eut plus de sécurité pour les propriétés, et la tronpe que l'on avait placée dans différents endroits n'eut rien à faire. « Le peuple a déjà pris sa résolution, continuait l'auteur de cet article, et dès aujourd'hui (15 décembre) que je commence à examiner avec attention les habitants des faubourgs, je m'aperçois qu'il y règne une fermentation terrible. Il y a de la décision et de quoi la soutenir. Tout le monde est unanime à dire : Nous voulons la pure fédération! Toute résistance est inutile, ou bien le sang coulera par torrents. » Mais en définitive, les troupes étaient restées fidèles au gouvernement, et c'était là un fait important. Toute |