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mation du traité des 24 articles, cité à la fois dans le moniteur belge et dans un discours de la couronne, comme la bas du droit public de la Belgique.

Alors, apostrophant M. de Montalembert :

Quoi! s'écriait-il, vous déclarez qu'il n'y a plus de traité? Est-ce bien le parti qui a provoqué le traité et qui l'a sanctionné à tant de reprises diverses qui a le droit de tenir ce langage? S'il n'y a plus de traité, ditesnous donc sur quoi repose notre indépendance? »

M. le comte Molé soutenait que la France avait constamment défendu les intérêts de la Belgique, en adoptant pour principe de la politique l'exécution des traités, et citait à l'appui de ses assertions, toutes les luttes que nous avions entreprises pour elle.

Quant à la dissidence qui existait entre l'Angleterre et la France sur quelques points de la question belge, la cause en était naturellement dans les interêts nationaux des deux peuples et non dans la répugnance du gouvernement anglais pour l'alliance française. Le ministre, tout en usant d'une extrême réserve, terminait par ces remarquables paroles :

J'ai voulu seulement proclamer à la tribune, à la première occasion, le principe qui a dirigé la conduite du gouvernement dans cette grave affaire. On a traité un peu légèrement pent-être les conséquences que cette négociation pouvait éventuellement avoir, si elle arrivait à bonne fin. La question hollando-belge est la plus grave assurément de toutes celles qui peuvent être encore en suspens, et que la révolution a soulevées; elle porte dans ses flancs, pour l'Europe, la paix ou la guerre ; pour nous, la consolidation de nos alliances ou l'isolement. »

M. le comte d'Alton-Shée ayant annoncé qu'il avait des aveux à faire, un sentiment de curiosité générale se manifesta dans la Chambre. Il avouait qu'il avait eu tort de reprocher au ministère, dans la dernière session, d'être sans système et sans volonté. Puisque M. le président du Conseil avait affirmé que son système était tout entier dans ses actes; le noble pair, se bornant à examiner attentive.

ment les faits, se plaignait moins de ce que le traité de la quadruple alliance serait resté sans exécution, que de ce qu'il était interprété d'une manière évasive. La partie du discours de la couronne qui se rapportait à ce traité était donc purement illusoire. C'est ainsi qu'avec une police nombreuse et fort bien rétribuée nous étions parvenus à saisir 27 caissons et 60 chevaux sur un convoi de 600 chevaux qui se rendait en Espagne avec environ 120,000 fr. de numéraire. D'un autre côté, la princesse de Beira avait échappé à toutes nos recherches, ainsi que le prince des Asturies et le comte d'Espagne. Un grand nombre d'étrangers de distinction allaient, comme bon leur semblait, passer le temps de la guerre avec don Carlos, et revenaient ensuite prendre leurs quartiers d'hiver dans les salons de Paris. M. d'Alton doutait de la sincérité de nos relations amicales avec l'Angleterre, et n'avait trouvé même dans le discours royal que la froide assurance de l'estime de notre alliée.

:

A l'égard de la Suisse, il y avait lacune l'affaire Conseil et l'expulsion de Louis-Bonaparte l'expliquaient

assez.

Quant aux deux signes intérieurs qui restaient encore de la révolution de juillet, c'est-à-dire l'occupation d'Ancône et la création de la nationalité belge, l'un était effacé, l'autre allait disparaître. Enfin, l'orateur rapportait les jugements de Casimir-Perrier et de Napoléon sur Ancône, et n'approuvait pas plus l'évacuation que l'indifférence du pouvoir pour la Belgique et l'Espagne. Sa conclusion était que des paroles de blâme fussent insérées dans l'Adresse contre le système suivi par le Cabinet jusqu'à ce jour.

M. le baron de Morogues prit la parole dans un sens tout à fait inverse. A la vue de la prospérité de la France qui ne faique s'accroître depuis 1830, il pensait, comme le ministère, en trouver la cause et les moyens dans le jeu libre

sait

et régulier de nos institutions. Pénétré de cette idée, le noble pair désirait le maintien et le respect de la prérogative royale, et regardait toute coalition formée pour imposer au roi des ministres comme une grave atteinte à la charte constitutionnelle. En un mot, M. de Morogues voyait derrière les idéologies du jour, les idéologies républicaines, et derrière celles-ci, les idéologies antinationales, qui devaient nous conduire par l'anarchie à un despotisme inévitable; aussi voulait-il que, laissant de côté toute discussion sur la présidence réelle, et sur la prépondérance d'un pouvoir au détriment de l'autre, on se ralliât autour de la royauté : c'était dans l'intention d'atteindre ce but que le noble pair votait pour l'A

dresse.

Le baron Pélet de la Lozère ne partageait pas l'avis de l'honorable préopinant. A côté de la prospérité matérielle, il voulait une administration sage qui en assurât la durée, et il n'apercevait à l'extérieur que le relâchement successif de nos alliances. Des quatre pays qui, depuis 1850, étaient devenus nos alliés naturels, l'Angleterre, la Suisse, la Belgique et l'Espagne, nous avions abandonné les uns ; les autres nous avaient abandonnés. A l'intérieur, où était le repos dont le discours du trône faisait mention? Partout, régnaient l'incertitude et la désunion. On devait donc ménager les hommes que l'empire et la révolution avaient créés; mais on ne pouvait y parvenir en cherchant à les diviser, et en continuant à gouverner, sans principes, dans un but d'intérêt privé.

Ici s'arrêta la discussion générale de l'Adresse.

M. Cousin, après quelques mots seulement, jetés en passant sur un système de gouvernement qui lui paraissait devoir amener la guerre, signalait, et comme membre de l'université, et comme pair de France, le retour des prétentions du clergé. Pour prouver qu'aucun motif d'inimitié n'animait ici son langage, il rappelait les paroles

qu'il avait prononcées en 1855, pour défendre les frères de la doctrine chrétienne.

L'orateur arrivait ensuite aux scandales de Clermont, au refus de sépulture faite à la dépouille mortelle de M. le comte de Montlosier, pair de France, l'auteur du Mémoire à consulter, et le défenseur du clergé à la constituante:

Dans quel temps vivons-nous, s'écriait-il? Sommes-nous bien réellement après la révolution de juillet? Rheims et Lyon n'avaientils pas été également le théâtre de troubles graves amenés par le zèle imprudent des prêtres ?>

M. Cousin se plaignait en outre de l'infraction au décret constitutif de l'université, de 1808, en ce qui concernait l'enseignement dans les facultés de théologie :

Le bruit se répand, ajoutait-il, que saint Acheul se relève de ses cendres, et qu'il se forme depuis quelque temps, à Paris même, au centre de l'autorité, un institut au noviciat de jésuites.

« Ces maisons étaient-elles connues du ministre de l'intérieur, et tolérées par lui conformément aux lois ? Ou bien l'enseignement qu'on y professait avait-il été soumis à l'examen du grand maître de l'université et du conseil royal de l'instruction publique ? A cette seule condition, la domination ecclésiastique aurait un frein, la loi une garantie, et les justes craintes des amis éclairés de la religion se raient dissipées.»

M. le garde des sceaux se présenta pour répondre à cette interpellation. Il repoussait d'abord comme vaines les craintes de son adversaire, et donna, relativement à l'état de nos affaires extérieures, une explication détaillée des principes professés par le gouvernement à l'égard du clergé. A son avis, le droit de contrainte n'appartenait à personne. Pourtant, il reconnaissait des cas où l'autorité ecclésiastique devenait responsable de l'usage qu'elle faisait de ses pouvoirs spirituels; alors, l'intervention du gouvernement était légitime, et il en référait au conseil

d'état, comme on le faisait en ce moment même pour l'affaire de Clermont.

M. le ministre ne niait pas les envahissements du clergé dans le domaine universitaire, mais il doutait de leur gravité. La congrégation de Saint-Acheul, qui avait éveillé tant de défiances, était dissoute et la maison fermée; on ne pouvait, sans exagération évidente, comparer ces faits aux empiétements des jésuites sous la restauration. Du reste, ajoutait M. Barthe, si le gouvernement veut que la religion soit respectée, il veut aussi maintenir le clergé dans les limites que les lois lui ont imposées.

Dans l'opinion de M. Villemain, ces explications n'atténuaient pas suffisamment la gravité d'un tel fait. La juridiction du conseil-d'état était au moins inutile dans cette circonstance; la prévoyance de l'administration aurait dû prévenir un pareil abus. Sous le rapport de la surveillance légale à exercer en présence de la liberté religieuse, comme sous le rapport de l'enseignement et de la loi civile, il n'était pas, à ses yeux, de question plus sérieuse que celle qui venait d'être soulevée.

M. le garde de sceaux reprenant la parole, cherchait à justifier son administration, et demandait qu'on lui permit de ne pas entrer dans de plus grands détails avant la décision du conseil-d'état.

M. le comte de Montalembert, s'élevant à son tour contre les opinions de MM. Cousin et Villemain, prétendait que le gouvernement ne pouvait obliger l'église à faire des prières pour qui que ce soit; que la prière est un acte libre et purement spirituel, qui ne se laisse pas réglementer; et enfin, qu'en pareille circonstance, la juridiction du conseil-d'état, ni celle de la cour royale ne pouvait être invoquée; l'honorable pair demandait si l'église seule n'aurait point de part aux bienfaits de la révolution de

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