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De ces lettres de créance diffèrent les simples lettres de recommandation dont le souverain munit quelquefois son ministre pour des personnes qui n'ont pas le droit de légation (a), pour des princes ou princesses, pour les principaux ministres, et, dans quelques cas, pour le magistrat du lieu où le ministre doit résider (6).

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Tout ministre négociateur doit être muni d'un plein pouvoir sur la foi duquel on peut entrer avec lui en négociation. Un plein pouvoir général (a) ne dispense pas d'en donner encore de spéciaux lorsque le ministre est chargé d'une négociation particulière, pour faire voir s'il n'est autorisé qu'à écouter les propositions pour en faire rapport, ou à proposer, ou même à conclure; s'il a un pouvoir illimité ou limité; de même, quand il y a plusieurs plénipotentiaires, s'ils sont autorisés à agir séparément.

(a) Exemples à l'égard des ministres accrédités auprès des ci devant Provinces-Unies des Pays-Bas. Voyez cependant KLUIT, Hist. fœd., t. II, p. 545.

(b) ICKSTADT, De legatorum in civitatibus immediatis ac liberis residentium privilegiis ac juribus, Wurtzbourg, 1740, in-4, et dans ses Opuscula, t. II, p. 501.

(a) J'entends ici par plein pouvoir général celui qui ne détermine point l'objet particulier de la négociation. On appelle aussi quelquefois plein pouvoir général celui qui autorise le ministre à traiter avec toutes les cours avec lesquelles il y a lieu; c'est ce qu'on entend par actus ad omnes populos. Les exemples en sont rares: on en trouve dans DE TORCY, Mémoires, t. III, p. 65; dans LAMBERTY, Mémoires, t. VIII, p. 748; t. IX, p. 653. De ce genre approche le plein pouvoir que le premier consul, en France, donna, en 1800, à Augereau, pour faire la paix avec des princes de l'Empire. Voyez mon Recueil, t. VII, P. 472.

Le plein pouvoir peut être inséré dans la lettre de créance, ou dans une autre lettre, mais le plus souvent on dresse un plein pouvoir séparé, en forme de lettres patentes.

Les ministres qui ne sont pas envoyés immédiatement au gouvernement, mais à un congrès, une diète, etc., n'ont ordinairement point de lettres de créance (b), mais seulement un plein pouvoir qui leur sert de légitimation, et dont ils échangent les copies vidimées, ou les remettent entre les mains du médiateur, etc. (c).

Il est bien évident que le plein pouvoir rédigé par écrit, indiquant l'objet et les limites du mandat du ministre, constitue seul la base de la validité de ses actes. Les instructions qu'il a pu recevoir ne sont en principe destinées qu'à lui seul, à moins qu'elles ne soient explicatives du pouvoir, et que dans ce cas elles n'aient dû être communiquées par lui.

Un plein pouvoir spécial est nécessaire pour une négociation déterminée, alors même que le ministre serait antérieurement investi d'un plein pouvoir général.

On peut insérer le plein pouvoir dans la lettre de créance, ou dans une autre lettre, bien qu'il soit d'usage de dresser un plein pouvoir séparé sous la forme de patente.

Lorsque des ministres sont envoyés à un congrès ou à une diète, on ne leur remet pas de lettre de créance, mais seulement un plein pouvoir dont les copies sont échangées.

Pinheiro-Ferreira ajoute ce qui suit :

<< M. de Martens ne dit pas pourquoi le ministre plénipotentiaire autorisé, ainsi que son titre même l'indique, à traiter sur

(b) Exception touchant les ministres étrangers accrédités auprès de l'ancienne diète de l'Empire. Les ministres étrangers accrédités auprès de la Confédération germanique doivent présenter des lettres de créance à la diète de Francfort, qui en est l'organe.

(c) SNEEDORFF, Essai d'un style des cours, p. spec., chap. 1, art. 1, p. 187; de CallIÈRES, Manière de négocier, chap. xi; Bielefeld, Institutions politiques, t. II, p. 296.

toutes sortes d'affaires, a besoin de pleins pouvoirs spéciaux lorsqu'il doit entrer dans une négociation spéciale. Il était cependant d'autant plus nécessaire d'en donner la raison, que cette règle a une exception, et que cette exception à son tour devient une confirmation du principe sur lequel est fondé l'usage qu'il s'agit d'expliquer.

<< En effet, lorsqu'un négociateur, un ambassadeur, un envoyé, ou enfin tout agent diplomatique, se présente pour traiter des intérêts dont il se dit chargé, on ne saurait le recevoir, s'il ne produit pas des titres qui constatent sa capacité pour agir dans l'affaire en question, en sa qualité de mandataire du souverain dont il se dit le représentant.

« Mais, d'un autre côté, l'autre négociateur, ou le ministre d'État, ou bien le souverain à qui il a à remettre ses lettres de créance ou ses pleins pouvoirs, ne sauraient être compétents pour juger de l'authenticité du diplôme qui leur est présenté. En outre, tous les moyens de vérification, quand même ils seraient praticables, entraîneraient des retards nuisibles aux intérêts mêmes qui font l'objet des négociations. On y procède donc de bonne foi, et on se borne à juger de l'authenticité du diplôme d'après les caractères extérieurs dont il est revêtu. Mais pour pouvoir montrer en tout temps sur quelles preuves on a donné son assentiment à la capacité du négociateur avec qui on a traité, garde par devers soi le titre vidimé qui doit faire foi de la légalité de l'acte.

on

<«< S'il arrive que la négociation doive avoir lieu entre le ministre accrédité à une cour et le secrétaire d'État, organe vis-à-vis de lui des volontés du souverain du pays, toutes sortes de conventions et de traités peuvent être conclus entre eux sans qu'il y ait besoin de pleins pouvoirs spéciaux, quoique rien n'empêche qu'il n'y en ait, et même on est dans l'usage d'en produire des deux côtés toutes les fois qu'il s'agit de traités ou de conventions d'une certaine importance.

<< Mais lorsque l'agent étranger a à traiter avec un négociateur à cet effet nommé, il faut qu'il y ait échange de pouvoirs, et par conséquent il est dans la nécessité d'en avoir de spéciaux, qui lui seront envoyés par son gouvernement. »

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Le ministre doit encore être muni, de la part de son souverain, d'une instruction, tant générale, touchant la conduite à tenir envers la cour près de laquelle il est envoyé, envers les autres membres du corps diplomatique, etc., que particulière, relative à l'objet de sa mission (a). Mais, outre les premières instructions dont il est chargé, toutes les dépêches qu'on lui adresse sont autant d'instructions ultérieures, quoique encore on lui envoie quelquefois dans le cours de la négociation de nouvelles instructions formelles. Dans la règle, ces pièces ne sont destinées que pour le ministre seul. Quelquefois on lui envoie des instructions ostensibles, et d'autres qui sont secrètes. C'est à la sagesse du ministre à juger ce que, sans ordre de sa cour, il peut confidentiellement communiquer aux ministres des cours amies. Enfin on doit remettre au ministre la double clef pour chiffrer et déchiffrer (b).

« L'usage des chiffres n'est pas sans inconvénients, dit Pinheiro-Ferreira, et il peut y en avoir de deux sortes. La première, c'est que lors même qu'on ne pourra point parvenir à déchiffrer la dépêche du ministre étranger, on sera fondé à croire qu'il transmet à son gouvernement des informations dont il croit nécessaire de dérober la connaissance aux autorités du pays; ce qui n'est pas le moyen le plus propre à le recommander auprès d'elles.

(a) On trouve des modèles de telles instructions dans les Mémoires de WALSINGHAM, t. I, p. 260 et suiv.; dans les Mémoires du comte D'ESTRADES. en plusieurs endroits; dans AITZEMA, Zaaken van Staet and Oorlogh, etc. Sur la manière de les dresser, voyez PUTTER, Juristische Praxis, t. I, p. 232; BECK, Versuch einer Staatspraxis, p. 245.

(b) Voyez KLUBER, Kryptographik, Tübingen, 1809, in 8.

« L'autre sorte d'inconvénients, c'est que l'envoyé, comptant sur le secret du chiffre, se permet d'écrire ce qu'il n'aurait pas osé imprudemment confier au papier, sans la sécurité que ce moyen lui inspire. Mais cette sécurité est la plupart du temps trompeuse; car, sans compter les facilités que les gouvernements ont d'apprendre dans chaque pays ce que les ministres résidents en pays étrangers écrivent à leurs gouvernements, il est rare que tôt ou tard la clef du chiffre que l'envoyé croyait en toute sûreté n'ait été découverte et communiquée aux gouvernements intéressés à en faire l'acquisition.

« Nous devons cependant excepter les chiffres basés sur des conventions qui, étant faciles à retenir par cœur, n'ont besoin d'aucune clef, ni ne sont sujettes aux risques d'une indiscrétion; comme, par exemple, si les deux personnes qui doivent correspondre s'accordaient à choisir pour base de leur chiffre le Télémaque d'une certaine édition pour y prendre dans telle ligne de telle page qu'on voudra les vingt-six lettres de l'alphabet, en indiquant chaque fois, au commencement de la lettre, la page et la ligne où on l'a pris.

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