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qui il a eu à faire durant le cours de fes Négociations font encore pleines de vie, & feroient en état de démontrer par leur témoignage la fauffeté des faits qu'il avance, s'ils ne fe trouvoient pas conformes à la vérité. Enfin, la naiffance de Mr. DE MONTGON, l'éducation qu'il a reçue & fes rélations avec les perfonnes de la plus haute qualité, le mettent parfaitement à l'abri de tout foupçon d'imposture.

On recueille de plufieurs endroits de fes Mémoires, que fa famille eft une des plus confidérables d'Auvergne; que fon pere, qui mourut au mois de May de l'année 1730, étoit Lieutenant Général & Directeur Général de la Cavalerie & des Dragons; que fa qualité & fes emplois lui donnoient le droit d'afpirer au Cordon bleu,qui lui fut refufé par le Cardinal de Fleury; que fa Mère étoit de la Maifon d'Hudicourt fille du Marquis de ce nom Grand Louvetier de France, & Dame du Palais de Madame la Dauphine,Mere de Louis X; qu'il naquit à Versailles le 24 Septembre 1690, qu'il fut élevé à la Cour; que Mr. le Dauphin & Madame la Dauphine hönoroient fa Mère d'une bienveillance particulière; qu'ils dinoient fouvent chez elle, auffi bien que le Duc de Berri, avec quelques Dames de la Cour; qu'ils lui ont écrit un grand nombre de Lettres, remplies de témoignages de leur affection, qui font entre les mains de Mr. l'Abbé DE MONTGON, auffi bien que celles que lui écrivoientMadame la Ducheffe de Savoye, enfuite Reine de Sardaigne, Mère de Madame la Dauphine, Madame de Maintenon, Mr. le Duc Dumaine, &c. & dont on a inferé quelques-unes dans ces Mémoires; qu'après la

mort

mort de la Comteffe de Montgon, ces Dames obtinrent du Roi, que la moitié de la penfion, dont elle jouïffoit, paffât fur la tête de l'Abbé son fils; qu'il fe trouvoit riche de trente à trente-cinq mille livres de Rentes ; & qu'ayant embraffé l'état Ec cléfiaftique, il diftribua fes biens à fes parens, ne fe refervant qu'un revenu de huit mille cinq cens livres, y compris la penfion de mille écus qu'il tiroit de la Cour.

A juger des Talens naturels & acquis de Mr. DE MONTGON par fes Mémoires, l'on ne fauroit lui refufer beaucoup de délicateffe dans l'efprit & les fentimens, une grande dexterité pour réüffir dans les Négociations, & une forte d'érudition conforme à fon état.Peu de perfonnes auroient eu autant de fermeté, de patience, de modération & de grandeur d'amé, qu'il en a fait paroître dans fes malheurs. Quoiqu'il eût en main les preuves de fon innocence & de l'injuftice du Cardinal de Fleury, il a mieux aimé attendre fa juftification de fon Perfécuteur, qu'il fe flattoit de pouvoir faire revenir fur fon compte, que de ce qu'il pourroit publier lui-même. C'eft dans cette attente, que, pendant dix fept ans, il n'a ceffé de le folliciter de lui rendre la juftice qui lui eft dûe. Voyant le peu de fuccès de fes follicitations, il fe détermina enfin, fans doute par la confidération de la pensée de Cyprien, qu'on lit à la tête de fon Ouvrage, à travailler lui-même à fa juftification & à la rendre publique. Dans cette circonftance, il apprit la maladie du Cardinal de Fleury, qui lui fit fufpendre l'exécution de fon deffein. Il crut devoir faire une nouvelle tentative auprès de fon Eminence par le canal de l'Abbé Couturier, qui ne le quittoit

point.Elle fut auffi infructueufe que les précédentes. Aujourd'hui même, dit-il (a), il paroît clair rement qu'on voudroit, en violant à mon égard l'équité naturelle, que je foufcriviffe en quelque façon, à ma propre condamnation, afin que l'abus manifefte que le Cardinal de Fleury a fait envers moi de fon autorité, eût tout le prix & le mérite de la justice. Mais, à Dieu ne plaife! que je tra biffe fi indignement les intérêts de ma réputation, ni que jamais il foit dit que j'aye acheté,par une lâcheté méprifable, le frivole avantage de voir finir mon éxil, &, peut-être, le droit de rechercher à titre d'indulgence & de pardon, des graces,dont mes fervices & mes fouffrances pourront, j'espère, faire voir que je n'étois point indigne. C'eft la conféquence que l'Auteur tire du filence de Mr. de Maurepas à l'égard de la Lettre qu'il lui écrivit après la mort du Cardinal de Fleury, & des avis particuliers qu'il reçut à ce fujet. Elle le détermina à ne plus différer l'impreffion de fes Mémoires; & il en fit fucceffivement deux effais lefquls, ayant été défigurés dans l'impreffion il prit le parti de fortir du Royaume pour veiller lui-même à la nouvelle Edition qu'il en préparoit. Un nouvel orage, plus violent que tous les autres, qui s'éleva contre lui dans ce tems-là, l'obligea à quitter brufquement la France, pour le réfugier dans un des Cantons Proteftans de la Suiffe. C'eft là, comme il nous l'apprend lui-même (6), qu'il a fait imprimer les cinq Volumes de fes Mémoires que nous annonçons. Diverfes raisons l'ayant obligé à quitter ce féjour, il n'a pas eu le tems de finir

(a) Tom. I. Préf. pag. 18. (b) Tom. V. pag. 487.

finir fon Ouvrage,qu'il promet de continuer avec toute la diligence poffible après fon arrivée au lieu où il fe propofe de paffer le refte de fes jours: Aurette, il fe loue beaucoup de fon Libraire & de la beauté de l'Edition de fon Livre, &, pour preuve de fon contentement à cet égard, il en a figné tous les Exemplaires de fa propre main ; ne reconnoiffant pour les véritables Mémoires, que ceux qui feront munis de ce feing.

Le Roi d'Espagne Philippe Vyant abdiqué la Couronne en faveur de fon Fils Louis I,fedé termina de paffer le refte de fes jours dans la retrai. te & dans les divers exercices de dévotion, que fa piété lui fuggéreroit. Frappé de ce bel Exemple de détachement du Monde & de mépris pour les Grandeurs mondaines, Mr. l'Abbé de MONTGON écrivit au P. Bermudez, Confeffeur de ce Prince, pour en obtenir par fon moyen la liberté de s'attacher à fon fervice le refte de fes jours; fans autre vûe que celle d'être de plus près le témoin de fes vertus, & de trouver, par fon exemple, un moyen de fe foutenir dans les bonnes réfolutions qu'il avoit prifes. Cette Lettre eut tout le fuccès qu'en pouvoit efpérer fon Auteur. Le Roi ordonna au P. Bermudez de s'informer du P. Lig nières, Confeffeur du Roi de France, fi toutes les preuves, que l'Abbé de MONTGON avoit expofées de fa vocation & de fa naiffance, étoient véritables. La réponse du P. Lignières s'étant trouvée conforme, le P. Bermudez écrivit à notre Abbé, que le Roi agréoit fa proposition, & qu'il ne pouvoit fe difpenfer de paffer en Espagne pour faire plaifir à ce Monarque, qui confervoit bien le fouvenir de la Famille de MONTGON & de

la

la place que la Comteffe fa Mère avoit chez Ma dame la Dauphine.

Il ne manquoit plus, pour le départ de Mr. DE MONTGON,que l'agrément de laCour de France, Il écrivit au Cardinal de Fleury qui n'étoit enco re alors qu'Evêque de Fréjus, pour l'obtenir du Roi & du Duc de Bourbon. Il lui répondit qu'on avoit d'abord trouvé quelques inconvéniens à lui accorder la permiffion qu'il demandoit; mais que, fur fes repréfentations, on la lui avoit donnée, défirant feulement qu'avant fon départ il vint à la Cour, où l'on feroit bien aife de lui parler.

3

En arrivant à Fontainebleau, où la Cour étoit alors, Mr. de Montgon y apprit que le Roi d'Efpagne, Louis I étoit mort de la petite verole à Madrid le 31 Août 1724; & que le Roi Philippe, preffé par les représentations & les inftances de fes Sujets,s'étoit déterminé à reprendre laCouronne, Cet événement imprévû dérangeoit totalement le plan de notre Abbé, qui, par le Confeil du Cardinal de Fleury, écrivit au P. Bermudez, pour le •prier de lui apprendre les intentions du Roi au fujet de fon voyage. Sa réponse fut que S. M. fouhaitoit qu'il ne le perdît point de vûe; & qu'il fe mît en chemin quand il jugeroit à propos.

En communiquant cette réponse au Cardinal de Fleury, l'Abbé de Montgon lui demanda les paffeports néceffaires pour fon voyage. Mais, aulieu de lui répondre, fon Eminence chercha par un filence affecté, des renvois & des délais d'environ fix mois, à lui faire comprendre que ce Voyage en Espagne ne lui faifoit pas plaifir. Il fit plus: le P. Bermudez ayant écrit à Mr. de Montgon, que le Roi lui deftinoit l'em

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