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l'acquittement ou pour la condamnation. Et cependant ce système est le seul qui puisse permettre d'appeler les citoyens eux-mêmes à participer au jugement des procès criminels. Puisque le danger en est dans la désignation à volonté des commissaires, le correctif consistera dans les conditions et dans les garanties d'impartialité qui seront imposées par le mode adopté pour cette désignation;

4 Enfin, suivant la distribution qui en sera faite sur le territoire, mesure indispensable dans les Etats d'une certaine étendue, chaque juridiction se présentera avec un ressort local dans lequel sa puissance s'exercera et sera limitée : distribution au moyen de laquelle toutes les affaires du pays se trouveront régulièrement partagées, par fractionnement de lieux et de population.

CHAPITRE II.

ORGANISATION DES JURIDICTIONS PÉNALES SUIVANT NOTRE DROIT POSITIF.

§ 1er. Origine de l'organisation actuelle.

1704. C'est une étude intéressante que celle qui fait suivre, dans les diverses phases générales qu'a parcourues notre histoire, sous l'ère barbare, sous l'ère féodale, sous l'ère monarchique, l'histoire spéciale de notre organisation judiciaire, et particulièrement celle des juridictions pénales. Il faut, si l'on veut jeter plus de jour en ses idées dans cette étude, s'attacher à observer de quelle manière il était pourvu, sous chacune de ces phases, aux quatre fonctions que le raisonnement nous a fait distinguer à celle de rechercher et recueillir les preuves, à celle de juger, à celle d'exécuter, et enfin, auprès de chacune des autorités ou des personnes chargées de ces trois fonctions essentielles, à celle d'agir ou de requérir afin de les provoquer et de les mettre en mouvement. La première et la dernière de ces fonctions ont été longtemps abandonnées aux particuliers, personnes lésées, personnes accusées, chacune en son rôle, c'est-à-dire au seul intérêt privé, comme cela se pratique encore aujourd'hui pour les affaires civiles. Ce n'est qu'à mesure des progrès qu'a faits l'idée sociale, que le premier intérêt à la répression des délits, l'intérêt public de la société a été aperçu, s'est mis en saillie, en prédominance, et qu'il a été pourvu, au nom de cette société et au moyen d'autorités organisées à cet effet, à chacune des quatre, fonctions par nous signalées. Nous nous contenterons de renvoyer là-dessus au tableau sommaire que nous avons tracé de la marche, générale de ces institutions (ci-dess., no 56 et 58).

1705, La révolution de 1789, qui met fin à l'ancienne monarchie et, à la société d'autrefois, ouvre une phase nouvelle, dans laquelle l'organisation judiciaire actuelle prend naissance, cherche son as

siette, en subissant tour à tour l'influence des variations de système politique, et arrive enfin au point où elle se trouve aujourd'hui. Dans cette phase rénovatrice, de la Constituante jusqu'aux derniers jours de la Convention, ou, si l'on veut, des lois de cette première assemblée jusqu'au Code de brumaire an IV, en passant, comme époque de crise transitoire, sur les années de guerre civile et de déchirements intérieurs, nous marquerons une première période que nous appellerons période de destruction et de nouvelle fondation: destruction de l'ancien ordre des juridictions pénales; fondation première de l'ordre nouveau. - A la révolution de brumaire an VIII, sous la constitution d'abord consulaire et ensuite impériale, commence une seconde période de coordination et d'unité, dont l'esprit est d'accorder beaucoup plus au principe monarchique et à la direction prédominante du pouvoir exécutif. C'est le système construit alors, avec le surcroît de quelques additions ou modifications postérieures, apportées dans certains détails par le cours du temps et par la succession des événements politiques, qui composé l'organisation actuelle. Et cependant, comme le présent est toujours fils du passé, père de l'avenir, et qu'il y a pour l'ordre moral ainsi que pour l'ordre physique une loi de génération qui s'accomplit, l'œil de l'historien distinguera dans cette organisation actuelle ce qui appartient à nos institutions passées, aux premières fondations jetées par la Constituante, et enfin à l'action des régimes survenus depuis.

1706. En nous arrêtant à la dernière période, les lois principales que nous devons signaler comme servant d'assiette à notre organisation actuelle des juridictions pénales, sont les trois lois générales d'organisation judiciaire : celle du 27 ventòse an VIII ou 18 mars 1800 (loi sur l'organisation des tribunaux), celle du 20 avril 1810 (loi sur l'organisation de l'ordre judiciaire et l'administration de la justice); et celle du 8 août 1849 (loi relative à l'organisation judiciaire), qui n'a fait que confirmer l'organisation exis tante (1). Il faut y joindre les décrets réglementaires qui ont suivi ces lois générales; un grand nombre de lois, décrets ou or donnances sur des points particuliers de cette organisation, depuis la loi de ventôse an VIII jusqu'à nos jours, et surtout enfin les ar ticles du Code d'instruction criminelle qui y sont relatifs.

1707. Toutefois le système d'organisation des juridictions pé nales, tel qu'il nous régit aujourd'hui, n'était pas encore construit dans la loi générale du 27 ventôse an VII: il ne date véritablement, dans son ensemble, que du Code d'instruction criminelle de 1808, combiné avec la loi du 20 avril 1810 et avec le Code pénal de 1810. Nous avons déjà dit comment les travaux de codification pénale se trouvèrent longtemps arrêtés par les difficultés de cette

(1) Loi du 8 août 1849. Art. 1er. Sont maintenus les cours et tribunaux actuellement existants et les magistrats qui les composent.

organisation; comment, dès qu'on eut trouvé un expédient conciliateur propre à résoudre ces difficultés, la codification pénale put prendre fin; et comment enfin, dès que la nouvelle organisation, décrétée et installée dans son personnel, fut prête à fonctionner, le Code d'instruction criminelle et le Code pénal, promulgués déjà depuis quelque temps, commencèrent à être exécutoires tous les deux, à partir du 1er janvier 1811 (ci-dess., no 150 et 152).

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1708. Les deux idées dominantes de cette organisation de 1810 sont en première ligne, l'unité de justice, soit civile, soit criminelle; et en seconde ligne, la hiérarchie, identique pour chacune de ces applications, puisqu'il ne faut y voir que des fonctionnements différents d'une seule et même justice. Ces deux idées, d'unité et de hiérarchie, manquaient toutes les deux dans les institutions judiciaires de la Constituante et de la Convention. Il existait bien, dans ces institutions, certains rapports entre la justice civile et la justice pénale, mais mal noués et aboutissant en somme à l'isolement, surtout pour les tribunaux criminels, chargés de la répression des crimes. Quant à la hiérarchie, la crainte de voir s'élever dans de nouvelles compagnies un esprit judiciaire et des prétentions semblables à celles des anciens parlements, avait fait morceler les juridictions et éviter la création de tribunaux supérieurs propres à former les hauts degrés de cette hiérarchie. La loi du 27 ventôse an VIII y avait pourvu en créant les tribunaux d'ap pel, qui prirent plus tard le nom de cours d'appel en vertu du sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804), puis celui de cours impériales, en vertu de la loi de 1810; mais cette création était restée étrangère à la justice criminelle. L'œuvre d'assimilation, sauf quelques variantes commandées par la différence des intérêts, fut opérée par cette loi de 1810. Nous ferons remar quer que cette idée d'unité de la justice est celle qui se rencontre dans les plus anciennes origines de nos institutions judiciaires; car dans les malla ou placita de l'ère barbare, puis dans les assises de l'ère féodale, se vidaient également et les procès civils et les procès criminels. Il nous faut voir comment elle a été réalisée dans chacun des rouages de notre organisation actuelle. Ces rouages, dans les juridictions de jugement, par lesquelles nous commencerons, suivent la division tripartite des délits et des peines: juridictions pour les contraventions de simple police, ou tribunaux de simple police, juridictions pour les délits de police correctionnelle, ou tribunaux de police correctionnelle, juridictions pour les crimes, ou cours d'assises.

§ 2. Tribunaux de simple police.

1709. Le même tribunal qui, sous le nom de justice de paix, occupe le dernier rang dans la justice civile, sous le nom de tribunal de simple police, occupe aussi le dernier rang dans la

justice pénale. -Cette juridiction n'est composée que d'un seul juge, et c'est le même qui, qualifié, là de juge de paix, ici de juge de simple police, y fonctionne en ces deux attributions. Il siége au chef-lieu de chaque canton.

Mais, en outre, par souvenir de ce qu'a été, dans sa première organisation sous la Constituante, la police municipale; afin, en premier lieu, de rapprocher cette juridiction inférieure du sein de chaque population communale, et en second lieu, d'y accorder à la municipalité une certaine part, le maire, dans chaque commune non chef-lieu de canton, peut former encore un tribunal de simple police, où il peut fonctionner comme juge (1). Cette juridiction, en désaccord avec le système d'organisation de la justice civile, contient en outre plusieurs anomalies, dont la plus grave est qu'on y voit la même autorité, le maire, investie à la fois de deux pouvoirs peu compatibles, d'un côté de faire les arrêtés de police, et de l'autre de juger les contraventions à ces arrêtés qu'il a faits. Mais comme elle n'a qu'une compétence facultative, les maires en fait, constaté par nos statistiques, s'abstiennent généralement de l'exer

(1) Décret sur l'organisation judiciaire du 16-24 août 1790.« Art. 1er. Il y aura dans chaque canton un juge de paix, et des prud'hommes assesseurs du juge de paix.›

Loi du 29 ventôse an IX. « Art. 1er. Les assesseurs des justices de paix sont supprimés: ils cesseront leurs fonctions du moment où les juges de paix des nouveaux cantons seront installés.

Art. 2. Chaque juge de paix remplira seul les fonctions, soit judiciaires, soit de conciliation ou autres, qui sont attribuées aux justices de paix par les lois actuelles.

Code d'instruction criminelle. Liv. 2, tit. 1er, ch. 1er. Des tribunaux de simple police. Art. 138. La connaissance des contraventions de police est attribuée au juge de paix et au maire, suivant les règles et les distinctions qui › seront ci-après établies. »

§ 1er. Du tribunal du juge de paix comme juge de police. Art. 139. Les › juges de paix connaîtront exclusivement... etc.

Art 140. Les juges de paix connaîtront aussi, mais concurremment avec les maires, de toutes autres contraventions commises dans leur arrondissement. Art. 141. Dans les communes dans lesquelles il n'y a qu'un juge de paix, il » connaîtra seul des affaires attribuées à son tribunal : les greffiers et les huissiers › de la justice de paix feront le service pour les affaires de police.

Art. 142. Dans les communes divisées en deux justices de paix ou plus, le › service au tribunal de police sera fait successivement par chaque juge de paix, ⚫ en commençant par le plus ancien; il y aura, dans ce cas, un greffier particulier pour le tribunal de police.

› Art. 143. Il pourra aussi, dans le cas de l'article précédent, y avoir deux > sections pour la police: chaque section sera tenue par un juge de paix; et le › greffier aura un commis assermenté pour le suppléer.

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§ 2. De la juridiction des maires comme juges de police. Art. 166. Les › maires des communes non chefs-lieux de canton connaîtront, concurremment avec les juges de paix... etc.

Art. 169. Le ministère des huissiers ne sera pas nécessaire pour les citations aux parties: elles pourront être faites par un avertissement du maire... etc. » Art. 170. Il en sera de même des citations aux témoins, etc.

Art. 171. Le maire donnera son audience dans la maison commune, etc.,

cer; de telle sorte que, même sous le rapport pratique, rien ne s'opposerait à ce qu'elle fût supprimée. Ces deux sortes de tribunaux de simple police parallèles, placés en concurrence sur une certaine portion de territoire, ont besoin, pour ne pas se trouver en conflit, d'un règlement exceptionnel qui partage entre eux la compétence. C'est ce qu'a fait le Code d'instruction criminelle dans les articles 139, 140 et 166.

Les tribunaux de simple police relèvent hiérarchiquement, pour l'appel, dans les cas où cet appel est admis, des tribunaux d'arrondissement jugeant en police correctionnelle; de même que les tribunaux de justice de paix relèvent de ces mêmes tribunaux d'arrondissement jugeant en matière civile. Ce sont, de part et d'autre, les mêmes juridictions en des offices divers, et c'est la même hiérarchie (1).

§ 3, Tribunaux de police correctionnelle ou tribunaux correctionnels.

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1710. Ce sont les tribunaux d'arrondissement qui occupent le second rang à la fois dans la justice civile et dans la justice pénale, et qui fonctionnent en ces deux attributions: pour l'une sous le nom de tribunal civil, pour l'autre sous celui de tribunal cor rectionnel. - Cette juridiction siège à chaque chef-lieu d'arrondissement. Les jugements ne peuvent y être rendus par moins de trois juges. Dans les tribunaux dont le personnel n'est pas assez nombreux pour se diviser en plusieurs chambres, ce sont les mêmes juges qui siégent à de certains jours comme tribunal civil, et à d'autres comme tribunal correctionnel. Dans ceux qui se divisent en plusieurs chambres, une de ces chambres, ou plus s'il le faut, est spécialement chargée des affaires de police correctionnelle. Mais comme tous les juges ont également la plénitude des deux juridictions, un roulement annuel doit avoir lieu de manière qu'ils passent consécutivement dans les diverses chambres (2).

(1) Code d'instruction criminelle, § 3. De l'appel des jugements de police. Art. 174. L'appel des jugements rendus par le tribunal de police sera porté au tribunal correctionnel... etc. »

(2) Loi du 27 ventôse an VIII. ■ Art. 6. Il sera établi un tribunal de première a instance par arrondissement communal.

Art. 7. Les tribunaux de première instance connaîtront en premier et dernier ressort, dans les cas déterminés par la loi, des matières civiles; ils connaîtront également des matières de police correctionnelle; ils prononceront sur l'appel des jugements rendus en premier ressort par les juges de paix.

Art. 16. Les jugements de tous tribunaux de première instance ne pourront être rendus par moins de trois juges. *

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Décret du 30 mars 1808, contenant règlement pour la police et la discipline des cours et tribunaux. « Art. 46. Le président d'un tribunal de première instance composé de plusieurs chambres, présidera celle à laquelle il voudra s'attacher: il présidera les autres chambres quand il le jugera convenable.

› Art. 50. Il se fera chaque année un roulement, de manière que tous les juges fassent consécutivement le service de toutes les chambres. S'il y a plosieurs vice-présidents, ils passent aussi tous les ans d'une chambre à l'autre. (Il faut conférer avec cet article l'ordonnance postérieure du 11 octobre 1820, sur

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