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(M. Edouard Turquety ayant adressé à l'auteur les vers suivants, on se permet de les insérer ici, malgré ce qu'ils ont d'infiniment trop flatteur: les poëtes sont accoutumés, on le sait bien, à se dire de ces douceurs entre eux, sans que cela tire à conséquence.)

A SAINTE-BEUVE.

Ami, pourquoi tant de silence?
Pourquoi t'obstiner à cacher
L'hymne brillante qui s'élance
De ton cœur prompt à s'épancher.

Déserte pour un jour la prose;
Réveille, après un long sommeil,
Ton doux vers plus frais que la rose
Au premier baiser du soleil.

Dis à l'oiseau de rouvrir l'aile;
Laisse de sillon en sillon

S'égarer la vive étincelle

Que l'on nomme le papillon.

Rends-nous ton chant rempli de flamme,
Ton chant rival du rossignol;

Permets aux brises de ton âme

De nous embaumer dans leur vol.

Et, puisque tu le peux, ramène
Auprès de nous l'aimable cours
De la poétique fontaine
Que tu voudrais céler toujours.

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Les temps sont lourds, les temps nous pèsent;
Que devenir sous ces linceuls,

Si les plus doux chanteurs se taisent,
Ou ne chantent que pour eux seuls?

Si dans la solitude aride,

Qui n'a ni calme ni saveur,
Il n'est pas un ruisseau limpide,
Il n'est pas un palmier sauveur?

Oh! viens, doux maître en rêverie,
Viens reprendre ton beau concert;
Ne reste pas, puisqu'on t'en prie,
A t'épanouir au désert.

Fleur odorante, fleur sonore,
C'est trop te refermer; tu dois
A ceux qu'un ciel brûlant dévore
Ton frais parfum, ta fraîche voix.

Tu leur dois ton hymne hardie
Plus suave de jour en jour,
Et l'incessante mélodie

De ton âme qui n'est qu'amour!

ÉDOUARD TURQUETY.

RÉPONSE.

Mon cœur n'a plus rien de l'amour, Ma voix n'a rien de ce qui chante. Ton amitié me représente

Ce qui s'est enfui sans retour.

Il est un jour aride et triste
Où meurt le rêve du bonheur :
Voltaire y devint ricaneur,
Et moi, j'y deviens janséniste.

Ce qu'on appelle notre vol

Ne va plus même en métaphore; Nos regards n'aiment plus l'aurore, Et l'on tuerait le rossignol.

Oiseau, pourquoi cette allégresse,
Orgueil et délices des nuits?

Ah! ce ne sont plus mes ennuis,
Que ceux où ton chant s'intéresse !

Soupir, espoir, tendre langueur,
Attente sous l'ombre étoilée !
Par degrés la lune éveillée
Emplit en silence le cœur.

Pour qui donc fleurissent ces roses, Si ce n'est pas pour les offrir? Charmant rayon, aulant mourir, Sans un doux front où tu te poses!

Tous les ruisseaux avec leurs voix

Que sont-ils sans la voix qu'on aime?
Ce ne fut jamais pour lui-même
Que j'aimai l'ombrage des bois.

Dans les jardins ou les prairies,
Le long des buis ou des sureaux,
Devant l'ogive aux noirs barreaux,
Comme au vieux chêne des féeries;

Même sous l'orgue solennel,
Au seuil de la chaste lumière,
Même aux abords du sanctuaire
Où toi, tu t'es choisi le ciel,

Dès l'enfance mon seul génie
Ne poursuivit qu'un seul désir :
Un seul jour l'ai-je pu saisir?
Mais tout vieillit, l'âme est punie.

Et tes doux vers lus et relus
N'ont fait qu'agiter mon mystère :
Quoi done! aime-l-on sur la terre,
Depuis que, nous, nous n'aimons plus?

STANCES.

(Il y faudrait de la musique de Gluck.

Laissez-moi! tout a fui. Le printemps recommence ;
L'été s'anime, et le désir a lui;
Les sillons et les cœurs agitent leur semence.
Laissez-moi! tout a fui.

Laissez-moi! dans nos champs les roches solitaires, Les bois épais appellent mon ennui.

Je veux, au bord des lacs, méditer leurs mystères, Et comment tout m'a fui.

Laissez-moi m'égarer aux foules de la ville;
J'aime ce peuple et son bruit réjoui;
Il double la tristesse à ce cœur qui s'exile,
Et pour qui tout a fui.

Laissez-moi! midi règne, et le soleil sans voiles
Fait un désert à mon œil ébloui.
Laissez-moi! c'est le soir, et l'heure des étoiles;
Qu'espérer ? tout a fui.

Oh! laissez-moi, sans trêve, écouter ma blessure,
Aimer mon mal, et ne vouloir que lui.
Celle en qui je croyais, celle qui m'était sure...
Laissez-moi! tout a fui.

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