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(Madame Menessier-Nodier a honoré et embelli les stances qui suivent d'une musique charmante.)

Oh! que son jeune cœur soit paisible et repose,
Que rien n'attriste plus ses yeux bleus obscurcis !
Pour elle le sourire et les larmes sans cause!
Pour moi les vrais soucis!

Pour moi le sacrifice et sa brûlante veille,
Le silence et l'ennui de ne rien exprimer,

Comme au novice amant qui croit que c'est merveille
Qu'on puisse un jour l'aimer !

Pour moi, lorsqu'en passant son frais regard m'attire
El dit avec bonheur : Ami, ne viens-tu pas ?
Pour moi, comme un fardeau, d'hésiter à lui dire
Mon cœur et ses combats;

De moins souvent mêler mon haleine à la sienne,
Et le soir, à l'abri du monde et des rivaux,
De n'oser éclairer sa tendresse ancienne
A des rayons nouveaux !

Pour moi de ne plus lire à sa face pâlie
Les signes orageux d'un céleste avenir!
Pour elle les trésors de la mélancolie,
La paix du souvenir;

Le bonheur souverain de gouverner une âme,
De la sentir à soi, muette, à son côté ;

Des gazons sous ses pas, et son pur front de femme
Dans la sérénité;

Un sommeil sans remords avec l'essaim fidèle

Et les songes légers d'un amour sans effroi !
Amour! abeille d'or! oh! tout le miel pour elle,
Et l'aiguillon pour moi!

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Ou du cœur sourd pour qui le chant N'est qu'un son vide;

Oh! s'il se peut, s'il est encore
Lieux où l'on fuie,

Dans des coins bleus parsemés d'or
Cachons la vie !

Moi, j'en sais un, bien bleu, bien pur,

Où Beauté siége,

Beauté sans fard, lis dans l'azur,

Candeur de neige;

Ou Reine ou Muse, essor de cœur
Et fantaisie !

Valmore y vient, comme une sœur
En poésie.

Là, chaque jour, je veux venir,
O Bien-aimée ;

Dans ton doux règne il faut tenir
L'âme enfermée;

Soumission, amour sans fin,

Joie ou martyre;

Pleurs sur les mains, pleurs sur un sein
Qui bas soupire.

Désert du cœur, en ces longues soirées
Qu'Automne amène à notre hiver sans fleur,
Que vous avez de peines ignorées,
De sourds appels, de plaintes égarées,
Désert du cœur!

Dans la jeunesse, alors que tout commence,
Avant d'aimer, l'impatiente ardeur

S'en prend au sort et parle d'inclémence ;
Alors aussi vous paraissez immense,
Désert du cœur!

On veut l'amour; on croit le Ciel barbare;
Tout l'avenir n'est qu'orage et rigueur;
Et l'on demande à l'horizon avare
Quel infini du bonheur vous sépare,
Désert du cœur!

Illusion! Courez, Jeunesse franche;

Rien qu'à deux pas, c'est le buisson en fleur;

Plus de désert! Mais, à l'âge où tout penche,
Est-il encor buisson ou rose blanche,
Désert du cœur?

Lenteur amère! attente inconsolée !
Oh! par delà ce sable au pli trompeur,
N'est-il donc plus de secrète vallée,
Quelque Vaucluse amoureuse et voilée,
Désert du cœur?

BALLADE DU VIEUX TEMPS.

A qui mettoit tout dans l'amour,
Quand l'amour lui-même décline,
Il est une lente ruine,

Un deuil amer et saus retour.
L'automne traînant s'achemine;
Chaque hiver s'allonge d'un tour;
En vain le printemps s'illumine :
Sa lumière n'est plus divine
A qui mettoit tout dans l'amour!

En vain la Beauté sur sa tour,
Où fleurit en bas l'aubépine,
Monte dans l'aurore et fascine
Le regard qui rôde à l'entour.
En vain sur l'écume marine
De jour encor sourit Cyprine :
Ah! quand ce n'est plus que de jour,
Sa grâce elle-même est chagrine
A qui mettoit tout dans l'amour!

(UN JOUR, QU'ON CROYAIT AVOIR TROUVÉ. }

Il est trouvé le bonheur et le charme,
L'Ange clément qui planait au berceau,
L'être adoré, dans l'enfance si beau,
Que bien souvent nous cachait une larme.
L'amour parfait et de tout temps rêvé,
II est trouvé!

Il est trouvé ce bien de tous les âges,
Le fruit du cœur, le frais rameau d'espoir,
Que dès douze ans je cherchais sans savoir
Dans tous les bois, par les sentiers sauvages.
Le nid d'amour sous la mousse couvé,

Il est trouvé!

Il est trouvé ce port que ma jeunesse
A poursuivi sur les flots agités,

Sous tous les vents et les feux irrités.

Plaisirs moqueurs, qui me trompiez sans cesse !
Le vrai signal, le bel astre levé,
Il est trouvé!

Il est trouvé l'ombrage où l'on repose,
Le droit chemin par le devoir tracé
Qu'un doux printemps si tard recommencé
Borde pour moi de sa plus jeune rose.
Le calme sûr au cœur trop éprouvé,
Il est trouvé !

Il est trouvé le bienfait de nature,

Le sein aimant qu'un Dieu nous vient rouvrir,
Ce qui permet de vivre et de mourir,
Ce qui fait croire, espérer sans murmure,
Et dire encor, même au terme arrivé :
Il est trouvé!

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