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du peuple et l'objet de sa haine. L'un vit ériger 360 statues en son honneur. Le buste de l'autre fut promené en triomphe à Paris, dans les premiers jours de la révolution. Tous deux furent taxés d'orgueil et d'imprudence. Tous deux perdirent leur ascendant et leur autorité; le premier, parles armes de Poliorcètes; et l'autre, par l'éloquence de Mirabeau. Ainsi, Démétrius ne céda qu'à la force; Necker fut entraîné par la tempête qu'il avait excitée et qu'il ne sut pas diriger. La disgrace de ces deux hommes est un exemple frappant de l'ingratitude populaire. Démétrius, à son départ d'Athènes, fut condamné à mort par ce même peuple qu'il avait rendu heureux pendant dix ans. Necker, qui avait appelé les Français à la liberté, fut un moment privé de la sienne, lorsqu'il fuyait cette terre dont le bonheur avait été la plus constante de ses sollicitudes; et les invectives des plus affreux démagogues vinrent souvent troubler la tranquillité de sa retraite. Il semble que le premier montra, dans sa disgrace, plus de philosophie que le second. Il dit, en apprenant que ses statues avaient été renversées : on ne peut au moins m'enlever les vertus qui me les ont fait ériger. Necker abandonna le timion des affaires, avec un dépit non dissimulé; mais ce dépit n'était sans doute, que le chagrin de n'avoir pu faire tout le bien qu'il avait médité; ou de s'être trompé dans

les moyens de l'opérer. Quoiqu'il en soit, tous deux cherchèrent un asile loin des pays qu'ils avaient gouvernés; et par une conformité assez rare, mais glorieuse pour l'un et pour l'autre tous deux consacrèrent le loisir de leur retraite à composer divers ouvrages de morale, de politique et de littérature.

Démétrius réfugié en Egypte, y fut honorablement accueilli par le roi Ptolomée qui, juste appréciateur de son mérite, se plut à recevoir les conseils de ses lumières et de son expérience, dans l'art difficile de gouverner. Mais victime de sa franchise et de son attachement à ce prince, il fut mis à mort par ordre du cruel Philadelphe; et les démagogues d'Athènes virent avec joie un souverain acquitter leur vengeance.Necker trouva, il est vrai, le repos et la sûreté dans les champs hospitaliers de l'Helvétie; mais il n'y obtint aucune influence. Haï des royalistes français qui lui impu taient leur défaite, et des révolutionnaires exagérés dont il abhorrait les principes et les déportemens odieux à l'aristocratie de l'Europe; ne conservant, en un mot, que l'estime des vrais amis de la liberté, partout chargés de fers, ou réduits à un déplorable silence, il descendit en quelque sorte tout vivant au tombeau. S'il ne subit pas, comme Démétrius, une mort injuste et sanglante, la renommée, en lui annonçant les excès périodiques

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de la révolution, lui tint pendant dix années, si jose m'exprimer ainsi, le poignard sur le cœur. Pour un philosophe à sensibilité profonde, pour un homme d'état qui avait cherché son bonheur dans celui d'un grand peuple, la mort n'était rien au prix de ces cruelles angoisses. Enfin, il eut la douleur de survivre à une épouse digne de lui. Quelques consolations néanmoins embellirent les bords de sa tombe. Il entrevit, dans la visite dù héros de la France, un avant-coureur de cette justice, que lui rendra tôt ou tard l'opinion désabusée.

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DISCOURS

SUR LE COMMERCE, prononcé à la Séance publique du 28 août 1808, par M. le docteur JOYEUSE, Président.

MESSIEURS,

L'Académie avait proposé pour sujet de prix une question relative au commerce de Marseille; elle n'a point reçu de mémoire, sur cet objet intéressant. Tous les détails du commerce m'étant absolument inconnus, je n'ai pu suppléer au silence de tant d'habiles négocians que renferme notre cité; mais devant vous entretenir du commerce, et sentant toute son utilité, j'ai présumé que vous entendriez avec indulgence mes faibles idées sur une matière si étrangère à mes occupations.

De l'utilité du Commerce.

Puisque dans tous les pays dont les productions ne suffisent pas au nombre de leurs habitans on n'a d'autres moyens d'existence que Ja guerre ou le commerce le choix pour l'homme sage, ne peut être douteux; et l'éloge du commerce est une suite évidente de cette alternative.

Si nous considérons encore qu'il n'est aucun‘ pays, quelque fertile qu'il soit, où la population ne parvienne bientôt à en excéder les productions, nous conclurons qu'on a besoin partout de chercher, dans le commerce, des ressources, qui remédient sans crime aux inconvéniens d'une excessive population: je dis, sans crime, car vous n'ignorez pas les cruelles coutumes par lesquelles on en prévient les progrès, même dans des pays ferules et chez des peuples civilisés. Vous savez qu'à la Chine on expose les enfans, qu'a l'isle Formose et dans quelques isles de la mer Pacifique, ils sont à peine formés, qu'on les détruit dans le sein de leurs mères. Ailleurs... mais détournons nos regards de ces horribles usages.

On a reproché au commerce plusieurs inconvéniens; mais quelle est l'institution humaine qui n'en ait pas, et de quoi n'abuse pas notre

perversité ?

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Dans l'origine, c'est-à-dire avant que les nations soient assez dépravées pour porter la corruption dans toutes leurs institutions, commerce rapproche les peuples entr'eux ; il leur procure de nouvelles jouissances, il les attache au travail qui fait fleurir les arts et qui garantit de la misère et des vices inséparables de l'oisiveté, il adoucit les mœurs, favorise la popula

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