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(No. CLXXI.) 21 VENDÉMIAIRE än 13. (Samedi 13 Octobre 1804.)

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HEURLU

HORAT., EPO. II.

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BURLUX qui loin du trouble où je me vois plongé,

De tout soin usuraire à jamais dégagé,

Ainsi que nos aïeux, dans un loisir champêtre,
Cultive avec ses boeufs le champ qui l'a vu naître.
La trompette jamais ne hâte son réveil;
Eloigné des combats, il se livre au sommeil;
Tranquille et sans effroi, sur le bord du rivage,
Il voit en sûreté les dangers de l'orage;
De la place publique, évitant les clameurs,
Il méprise des grands la pompe et les faveurs.
Tantôt, la serpe en main, coupant un jet stérile,
Il sait le remplacer par une branche utile;
Tantôt dans la campagne, on le voit marier
A ses pampres naissans l'orgueilleux peuplier.
Il aime à voir au loin, dans la vallée obscure,
Ses troupeaux mugissans errer à l'aventure;

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Il recueille le miel exprimé du rayon,

Il ôte à ses brebis le poids de leur toison.

Quand des fruits les plus doux l'automne couronnée, Elève dans les champs sa tête fortunée,

De son poirier chéri, qu'il goûte de plaisir

A détacher le fruit que ses soins font mûrir!
Il cueille des raisins que la pourpre colore;

C'est pour vous les offrir, ô vous! Dieux qu'il honore,
Sylvain, son protecteur, et toi, dieu des jardins,
Dieux simples comme lui, couronnés par ses mains.
Un chêne le reçoit sous son feuillage antique,
Ou sur l'épais gazon il trouve un lit rustique,
Quand il veut au sommeil abandonner ses sens;
Un ruisseau qui s'enfuit baigne ces lieux charmans;
Les oiseaux amoureux, habitans du bocage,

Se plaignent tendrement, chacun dans son langage;
Et d'une eau qui jaillit, le bruit harmonieux
Appelle du repos l'instant délicieux.

Mais quand du haut des cieux le maître du tonnerre
Répand avec les eaux la neige sur la terre,

Il déclare la guerre aux monstres des forêts,
Qu'entouré de ses chiens il pousse dans ses rêts;
Et la grue étrangère et le lièvre timide
Tombent dans ses filets avec la grive avide.
Ainsi, chaque saison lui fournit des plaisirs.
Que l'or a peu d'attraits parmi ces doux loisirs !
Pour former du bonheur une parfaite image,
Il possède une épouse industrieuse et sage,
Qui chérit ses enfans, soulage son époux,
Et remplit auprès d'eux les devoirs les plus doux.
Telle chez les Sabins, sous le ciel d'Appulie,
On voit de son époux une femme chérie.
Elle allume un brasier sur le déclin du jour,
Quand du travail des champs l'époux est de retour.
Elle enferme au bercail ses brebis innocentes,
Comprime entre ses doigts leurs mamelles traînantes;

Puis un vin de l'année est servi de sa main,
Et sans frais elle apprête un champêtre festin.
Qu'est-il besoin alors pour ces rians convives,
De l'huître que Lucrin fait naître sur ses rives,
Du turbot délicat, et du sarget lointain
Que la mer d'Orient voit nager dans son sein,
Et que les flots au loin, battus par les orages,
Pour orner nos banquets poussent vers nos rivages?
Non, des bords africains l'oiseau rare et fameux,
Des forêts d'Ionie un faisan savoureux,
Présentent moins d'attraits à mon palais facile,
Que l'olive cueillie à la branche fertile:
L'oseille m'est plus chère, et mon goût est flatté
De la mauve des champs utile à la sar té;
J'aime l'agneau qu'aux dieux on immole aveè joie,
Le chevreau qui du loup faillit être la proie.
Tandis que la gaîté préside à son repas,

Ses troupeaux vers l'étable arrivent à grands pas;
Accablés sous le joug qu'ils portent avec peine,
Ses bœufs traînent le soc qui vient d'ouvrir la plaine.
Autour de son foyer, étincelans de feux,

De nombreux serviteurs est un cercle joyeux.
L'usurier Alphius, en tenant ce langage,
Se repaît du bonheur d'aller vivre au village;
Aux Ides ser la place il retire son or,
Aux Calendes il cherche à l'y placer encor.

GUILLON (de Nantes).

LE DERNIER DES BARDES

SUR LES RUINES DE MORWEN.

Imitation d'Ossian.

ACCABLE sous le poids des ans,
Arnar au loin portait ses pas tremblans.

Aucun souffle, aucun bruit n'agitait la bruyère,
Et les cris languissans du hibou solitaire,
Nonchalamment poussés sur des rochers déserts,
En sons lents et plaintifs s'exhalaient dans les airs.
Ce vaste calme et cette voix mourante,

Scène de tristesse et d'horreur,

Au cœur d'Armar auraient mis l'épouvante.... Mais un Barde jamais ne connat la terreur; Et lorsque les frimas exercent leur ravage, Armar retrouve un reste de courage, Et va, pressant ses pas par l'âge appesantis,

Gémir encor sur les débris

D'une ville riche et superbe,
Dont les murs, jadis l'ornement
D'un empire vaste et puissant
Etaient ensevelis sous l'herbe.

« Morwen, s'écriait-il, malheureuse cité,
» Toi qui près de Selma régnais avec fierté,
Quel désastre, ou quel bras animé par la haine
» De tes vastes débris au loin couvrit la plaine ?
» Est-ce la main du Temps qui t'a pu ravager?
» Est-ce....? Mais non, j'ai vu le perfide étranger;
» Je l'ai vu qui, conduit par le dieu du carnage,
» Répandait dans Morwen la mort et

ravage.

D Sifflez avec fracas, impétueux autans; » Sifflez, rappellez-moi ces funestes momens » Où l'étranger frappait et le fils et le père, >> Immolait les enfans dans les bras de leur mère; » Où les fils de Morwen, l'un sur l'autre écrasés, » Périssaient sous le poids de leurs toits embraséo; » Où son fleuve rapide aux mers épouvantées, » Roulait avec horreur des eaux ensanglantées (1), » Que de braves guerriers ces barbares soldats » N'ont-ils pas entassés dans la nuit du trépas !

(1) La Henriáde réclame cet hémistiche et le précédent. (Note de l'Editeur.)

» La Mort, la pâle Mort en déployant ses ailes,
» Etendait sur Morwen ses ombres éternelles.
» O Morwen, siége affreux de reptiles impurs,

» Dont le lierre des ans couvre aujourd'hui les murs !
» Où sont tes défenseurs ? De leurs noms, de leur gloire,
» Il ne reste donc plus qu'une triste mémoire !
» En vain, Bardes! j'ai vu briller entre vos mains
» Le glaive des combats, la lyre des festins.

» En vain, dans vos concerts célébrant leur victoire, » Vous placiez les héros au palais de la Gloire (1); » Mais vous, fils du Génie, ah quel funeste sort! » On ne chantera point vos exploits, votre mort. » Jamais dans vos tombeaux, dispersés sous la pierre, » Vous ne verrez du jour pénétrer la lumière. » Hélas! pourquoi faut-il que le fer destructeur >> Vous ait tous moissonnés au jour de sa fureur? » J'ai vu vos ossemens qu'au milieu de la plaine >> Consumait du Midi la dévorante haleine (2). 、 » Vous n'êtes plus.... Et ceux dont vous teniez le jour, » Et celles dont l'orgueil approuvait votre amour, >> Ne vous pleureront point.... Dans le sein de la terre >> Ils ne sont, comme vous, qu'une froide poussière. >> Moi seul j'appelle ici les amis que je perds,

» Et de cris impuissans je fatigue les airs."

» Pourrai-je vous survivre, objets de ma tendresse ?
» Non, je ne porterai point le fardeau qui m'oppresse.
>> Bientôt auprès de vous je vais le déposer;"

» Bientôt auprès de vous Armar va reposer. »

(1) On sait que les guerriers n'étaient admis dans le palais des Nuages, que lorsque les Bardes avaient célébré leurs actions.

(2) Le poète Rousseau a dit :

(Note de l'Auteur.)

Et des vents du Midi la dévorante haleine.

N'a consumé qu'à peine

Leurs ossemens blanchis dans les champs d'Ascalon,

(Note de l'Editeur.)

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