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Songez qu'étant peint au pastel,

Un souffle pourrait le détruire.

La raison disait critique, et la rime a voulu satire. On peut redouter la censure des spectateurs, on ne doit pas leur supposer de disposition à la satire. Ce n'était pas aussi l'intention de l'auteur, et on l'a jugé sur l'intention, et non sur l'impropriété d'un mot: il n'a trouvé que des auditeurs bénévoles et très-empressés de l'applaudir. Ce sentiment aurait été unanime, si la pièce n'avait pas eu que!ques scènes de trop; mais au moment où on la croyait finie, on a été surpris de la voir rccommencer, et fàché que cette seconde fin ne valût pas celle qu'on avait pres

sentie.

Madame Dervile, chez un célèbre peintre flamand qui vient de mourir, a fait l'acquisition d'un portrait trouvé dans un coin de la maison, et dont le propriétaire n'était pas connu des héritiers: elle est folle de ce portrait, au point de vouloir courir le monde pour en chercher l'original, bien décidée à n'avoir jamais d'autre époux. Sa femme-de-chambre l'engage à substituer une réalité à cette chimère, et lui dit :

Pour moi, j'aime bien quand je dor

A m'amuser d'un joli songe ;

Mais je m'éveille, et c'est alors

Qu'il ne me faut plus de mensonge.

Madame Dervile a bien quelque goût pour Doligni, jeune et aimable colonel; mais après avoir jeté les yeux successivement et à diverses reprises sur lui et sur le portrait, elle s'écrie avec une sorte de douleur: « Pas le >> moindre rapport!» et se retire en soupirant et en disant, après un long regard promené sur le portrait : « Pourquoi » ne lui ressemble-t-il pas ! » Ce reproche, adressé au portrait, paraît de bon augure au valet du colonel, qui trouve

au reste son maître très-heureux de n'avoir qu'un rival en peinture. Doligni sait peindre: il prétend qu'il lui sera très-facile de retoucher ce portrait de manière qu'on puisse le prendre pour le sien. La soubrette tremble qu'il ne gâte un ouvrage dont sa maîtresse raffole. « Mais êtes-vous', dit-elle, bien sûr de votre pinceau? Je te le jure. C'est que ces talens de société me font trembler. »

Il se mocque de ses frayeurs, et réussit d'abord presque complétement. Madame Derville revient, tire le rideau qui cache le portrait, est frappée de la ressemblance, ne conçoit pas comment elle a pu lui échapper jusqu'alors. Sa femme-de-chambre soutient qu'il n'y en a point du tout; le valet veut lui imposer silence. « Laisse-moi faire, lai

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dit-elle à part, tu ne connais pas l'effet de la contradic» tion sur l'esprit des femmes. » Cependant il reste une disparité qui fache madame Derville; les yeux ne sont pas du tout les mêmes. On cherche à lui persuader qu'elle se trompe elle sort presqu'entièrement décidée pour le colonel. Celui-ci se hâte de donner aussi ses yeux au portrait, et va prier madame Dervile de venir le revoir. Si le dénouement qu'on attendait alors n'eût pas été reculé au lieu d'un succès apparent et de coterie, la pièce en eût obtenu un véritab'e: mais pendant que le colonel est sorti, le modèle du portrait accourt; c'était un élève du célèbre peintre. Il est venu chercher son portrait : il l'aperçoit trèsdéfiguré, et lui redonne ses traits. Je n'expliquerai pas comment il se trouve seul dans le salon, comment il a pu avoir le temps d'opérer un changement si prompt; tout cela est fort peu vraisemblable. La femme-de-chambre, qui n'arrive que lorsque tout est fiai, à son insu, pousse précipitaminent le fàchens dans une autre pièce où elle l'enferme.

Madaine Dervile paraît : elle va examiner de nouveau ces

yeux qui lui ont déplu, et ne reconnaît plus rien au portrait. On juge de son étonnement: il augmente bien davantage, quand elle aperçoit le peintre à une fenêtre, qui crie qu'on le délivre de captivité, et qui redemande son portrait, lequel doit servir, dit-il, à le racommoder avec sa femme. Madame Dervile, désabusée, épouse Doligni.

L'arrivée de ce peintre a produit le plus mauvais effet, et excité un murmure universel. On a senti que madame Dervile ne pouvait balancer entre un peintre vulgaire et un charmant colonel à qui même elle avait déjà en quelque sorte rendu les armes. Cet incident a paru absolument épisodique, et rien n'est plus ennuyeux qu'un épisode, surtout quand il est placé à la fin d'ane pièce. Il y a dans celle-ci de l'esprit, de la grace, de la finesse; mais elle ne peut se soutenir qu'avec des retranchemens et des corrections que nous croyons faciles à faire. Elle a été très-agréablement jouée par mesdames Hervey et Desmares.

ANNONCES.

Quvrages mis en vente chez LE NORMANT, depuis le 10 nivose an XII (1er janvier 1804).

Il Edition revue, corrigée et considérablement augmentée, du Dietionnaire de la Fable, eu Mythologie Grecque, Latine, Egyp tienne, eltique, Persane, Syriaque, Indienne, Chinoise, Mahométane, Kabbinique, Slavonne, Scandinave, Africaine, Américaine, Iconologique, etc; par Fr. Noël, inspecteur-général de P'instruction publique. Deux vol. in-8°. de 800 pages chacun, imprimés en petit-texte, sur deux colonnes, et ornés d'une figure allegorique gravée d'après le dessin de Girodet. L'exécution typographique de cet ouvrage est magnifique. Prix: 21 fr., et 26 fr. par la poste.

II Edition revue, corrigée et augmentée, des Ephémérides, politiques, littéraires et religieuses, présentant pour chacun des jours de l'année, un tableau des événemens remarquables qui datent de ce même jour dans l'histoire de tous les siècies et de tous les pays, jusqu'au premier janvier 1803; par Fr. Noël, et M. Planche, institue' teur à Paris. Douze vol. in 8°. Prix: 36 f., et 42 f. par la poste. Le dernier volume est terminé par une Table alphabétique générale des matières contennes dans les douze volumes.

Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, par J. J. Barthélemy, en sept vol, in-18, et orné du portrait de l'auteur. Edition impuinée

par Didot jeune, avec la plus scrupuleuse exactitude sur la quatrième et dernière édition in-, revue et augmentée par Barthélemy, dans les dernières années de sa vie. Les caractères gravés et fondus exprès, lui donnent une netteté d'impression qui la rend agréable même à la yue la plus délicate. Prix: 16 f., et 24 f par la poste.

OEuvres d'Homère, avec des remarques; par P. J. Bitaubé membre de l'Institut national. Quatrième édition de l'Iliade, et trosième édition de l'Odyssée. L'Iliade est précédée de Réflexions sur Homère et sur la Traduction des Poètes, ornée d'un beau portrait d'Homère, et du bouc'ier d'Achille, gravés par Saint-Aubin. L'Ody. sée est précédée d'Observations sur ce poëme, et de Réflexions sur la Traduction des Poètes. Six vol. in-8°.. imprimés avec le pl grand soin et sur très-beau papier. Prix: 30 fr., et 36 fr. par la post Cette édition, conforme à la précédente in-18, tant pour le fond que pour le style, a sur elle l'avantage d'avoir été revue en entier par l'anteur, d'après le texte, avec toute l'exactitude dont il est capable; et ce nouvel examen l'a engagé à faire à sa traduction plusieurs corrections importantes et des additions à ses remarques.

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Lecons de Littérature et de Morale, ou Recueil en prose et en vers, des plus beaux morceaux de notre langue, dans la littérature des deux derniers siècles; ouvrage classique adopté par le gouvernement, pour les lycées et les écoles secondaires; par Fr. Noël, inspecteur-général de l'instruction publique, et Fr. Delaplace, tous deux ci-devant professeurs de belles-lettres dans l'Université de Paris. Deux vol. in-8°, Prix 9 fr., et 12 fr. par la poste.

Il Edition du Répertoire des Loix et des Arrétés du Gouvernement, depuis 1789 à l'an 11, par ordre alphabétique, chronologique, et par classement de matières; par Guillaume Beaulac, ancien avocat. Un vol. in-8°. de plus de 700 pages; ouvrage indispensable à tous les gens de loi. Prix: 8 f., et 10 f. 50 c. par la poste.

Analyse, ou Nouveau Dictionnaire de l'Enregistrement, Timbre et Hypothèques, où l'on a réuni, par ordre aiphabétique et par colonnes comparatives, la quotité des droits et les dispositions de toutes les loix qui ont paru sur ces matières, depuis la loi du 19 décembre 1790, jusqu'à celle du 27 ventose an 9 inclusivement. On y a joint toutes les de cisions et solutions données sur ces différentes loix, tant par les ministres que par l'administration des domaines, jusqu'au premier vendemiaire an 12; avec un petit traité sur les poursuites et instances, concernant le recouvrement des droits. Ouvrage divisé en trois parties: la première traite de l'enregistrement; la deuxième du timbre; la troisième des hypothèques. Par C. F. L. Belot, de Langres. Prix : & f., et 9 f. 50 c. par la poste.

Plusieurs journaux ont annoncé, dans le temps de sa publication' le roman d'Auguste Lafontaine, intitulé: Nouveaux tableaux de famille, ou la vie d'un pauvre ministre de village allemand et de ses enfans (1). Cette première édition a été promptement épuisée. La seco de qui paraît depuis quelque temps, semble destinée au même succès. Elle a été revue et corrigée par le traducteur, madame Isabelle de Montolieu, auteur de Caroline de Lichtfield.

(1) Cinq vol. i-12. Prix: 9 fr., et 12 fr. par la poste.

A Paris, chez le Normant, et à Genève, chez Paschoud, libraize.

NOUVELLES DIVERSE S.

:

Constantinople, 10 octobre. L'ambassadeur de France eut, il y a deux jours, une conférence avec le grand-visir, dans laquelle ii lui déclara qu'il avait l'ordre formel d'insister sur la prompte reconnaissance de S. M. l'empereur des Français. Le lendemain, ce premier ministre de la Porte communiqua à S. Exc. la réponse du sultan elle portait que, par des considérations particulières, S. H. différerait, pour le moment, d'envoyer de nouvelles lettres de créance à son ambassadeur à Paris; et que, du reste, elle n'avait rien de plus à cœur que de conserver l'amitié de son allié naturel. Cette réponse n'ayant pu satisfaire le ministre de France, il remit à la Porte une note écrite, dans laquelle il déclarait qu'il ne pouvait rester plus long-temps comme ambassadeur auprès d'une cour qui ne reconnaissait pas formellement le nouveau titre de son souverain; qu'en conséquence, s'il ne plaisait à la Porte d'envoyer sous trois jours à son ministre à Paris, des lettres de créance pour cette reconnaissance,, il se trouverait forcé, d'après les ordres qu'il avait reçus, de quitter Constantinople sans aucun délai. Aussitôt après, M. le maréchal Brune demanda des passeports pour partir le 12.

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Hier, M. l'ambassadeur a convoqué tous les Français qui se trouvent à Constantinople, et leur a annoncé son départ prochain, en ajoutant que M. Ruffin resterait à Constantinople en qualité de chargé d'affaires, et que ce changement n'aurait aucune influence sur les relations commerciales qui subsistent entre la France et la Turquie.

La déclaration énergique du ministre de France a mis la Porte dans le plus grand embarras. Le divan doit s'assembler de nouveau pour délibérer sur cet objet. On a tout lieu de croire que, malgré l'influence étrangère, le grand-seigneur reconnaî ra la nécessité d'un acte dont presque toutes les puissances de 1 Europe lui ont donné l'exemple, et qu'enfin il fera céder les considérations particulières à l'intérêt de son empire.

Cependant on mande de Hambourg que, s'il faut en croire des lettres du 13 octobre, arrivées en cette ville de Constantinople, par voie extraordinaire, l'ambassadeur français était réellement parti la veille.

Suede. On lit dans plusieurs journaux cet extrait d'une

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