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» sans doute à attendre des leçons de vertu que le philo»sophe cherche à jeter dans la société ; mais les généra » tions se succèdent, les hommes vertueux de tous les » siècles applaudiront à ses efforts; et ne fit-il qu'un » prosélyte à la vertu, il aura honoré sa carrière. » Ainsi, quoique le dernier siècle ait fait, selon M. Raymond, des pas immensesda ns la science rationnelle, on ne peut espérer la réforme des mœurs que pour les générations futu→ res, encore cela est-il très-incertain. L'opinion de l'orateur, et cet aveu qui lui échappe malgré lui, suffisent pour démontrer qu'il n'appartient point à la philosophie moderne de réparer les maux qu'elle a faits. Quand Dide tot, pour nous servir de ses expressions, jetait au peuple des sophismes qu'il nommait des vérités, ils étaient reçus ́avidement: que la philosophie essaie aujourd'hui de propager une doctrine moins relâchée, on verra quel succès elle obtiendra, Une réforme morale est impossible, si l'on `veut traiter avec les passions. Il n'y a qu'une religion fondée sur la révélation divine, prescrivant des devoirs au lieu de proclamer nos droits, ordonnant des privations au lieu de se plier à nos penchans, et montrant dans une autre vie la récompense ou la punition des hommes; il n'y a que cette religion qui puisse rétablir les bonnes mœurs que l'oubli de ses préceptes a corrompues.

Quoique M. Raymond se trompe sur les moyens de réprimer les horribles abus dont il se plaint, on doit lui savoir gré de l'indignation qu'il témoigne contre ceux qui dégradent leur art et eux-mêmes par des productions licencieuses. Il attaque aussi, mais d'une manière indirecte, les peintres d'histoire qui, de nos jours, ont cru donner plus de perfection à leurs ouvrages, en offrant les héros de l'antiquité dans un état de nudité qui n'a jamais été vraisemblable dans la vie privée, et qui l'est encore moins

au milieu d'un combat. Un tableau célèbre, exposé depuis long-temps aux regards du public, présente un exemple de ce défaut qui choque également le bon sens et le goût. Est-il probable, est-il raisonnable qu'un guerrier prêt à combattre, et portant un bouclier, soit du reste absolument nu ? Cela rappelle les chanoines de Guinée, dont parle Mme de Sévigné. « M. d'Estrées, dit-elle, trouva vingt » chanoines nègres, tous nus, avec des bonnets carrés, » et une aumusse au bras gauche, qui chantaient les »louanges de Dieu. » Est-ce sur les côtes de Guinée, que les artistes modernes doivent chercher les seuls exemples qui puissent justifier leurs conceptions?

Le style de M. Raymond a de l'ordre et de la clarté ; ses vues, sur l'art sont quelquefois délicates et justes. S'il adopte les principes généraux de la philosophie moderne, on voit qu'il est loin d'en admettre les conséquences. C'est cette erreur, trop commune aujourd'hui, qui réunit encore, sous les enseignes des sophistes, quelques personnes peu réfléchies qui, malgré tant de leçons terribles, n'aperçoivent point les dangers d'une doctrine dont nos désastres ne furent qu'une application.

P.

The Speaker or miscellaneous pieces, selected from the best English Writers, and disposed under proper heads, with a view to facilitate the improvement of youth, in reading and speaking, to which is prefixed an essay on elocution and directions for reading by W.Enfield.-L'Orateur ou Mélangés choisis des meilleurs auteurs Anglais, et rédigés par chapitres; suivi d'un Essai sur l'Art oratoire, etc.; par W. Eufield. Un vol. in-12. Prix: 2 fr. 50 cent., et 3 fr. par la poste. A Paris, chez François Louis, libraire, rue de Savoie, n°. 12; et chez le Normant, imprimeur-libraire, rue des Prêtres Saint-Germain-l'Auxerrois, vis-à-vis le petit portail de l'église.

JAMAIS l'étude des langues modernes n'a été plus cultivée que dans ce dernier siècle : ce goût devenu épidémique, n'a pas peu contribué à la décadence des lettres parmi nous. On négligea la langue latine et la langue grecque, pour étudier l'anglais et l'allemand. Nos philosophes, dont la manie était d'aller préconisant tout ce qui n'était pas français, ne pouvaient se lasser de vanter la littérature de nos voisins du Nord. On sait que Voltaire a mis Pope bien au-dessus d Horace et de Boileau. A quoi bon, disait-on, étudier des langues qu'on ne parle plus depuis long-temps, tandis que nous négligeons celles qui sont encore en usage? Quel préjugé bizarre nous fait préférer les morts aux vivans? Ces paradoxes étaient accueillis de toutes parts. On ne parlait plus que de fermer les collèges. Je conserve plusieurs plans d'instruction publique où il est sérieusement question de renoncer à l'étude de la langue latine, comme à une étude stérile,

qui n'était propre qu'à charger la mémoire des mots. Quant à la langue grecque, elle avait été bannie de France' avec les Jésuites qui l'enseignaient. Au lieu du latin on ne voulait plus apprendre aux enfans que les sciences physiques et mathématiques. Le seul moyen d'en faire des penseurs était, suivant Condorcet, de leur montrer l'al.. gèbre et la géométrie, avant même qu'ils sussent lire. Les Jangues modernes 's'accréditaient de jour en jour à mesure que les langues anciennes tombaient dans l'oubli; mais ce fut l'esprit philosophique de notre siècle qui fit la fortune de la langue anglaise, et qui lui donna la prééminence, non-seulement sur le grec et le latin, ce qui serait pea dire, mais encore sur la langue allemande ellemême. Il fut honteux, parmi nos penseurs, d'ignorer la langue de Hobbes, de Locke et de Bolinbroke. Comment un économiste, par exemple, aurait-il pu se résoudre à lire humblement son Smith dans une traduction française? Voltaire, qui ne cessait de prôner le Parnasse Britanni que, donna l'exemple à la nation. Nos philosophes, nos petits maîtres, nos femmes à la mode, tout le monde vou lut savoir l'anglais. On ne lisait plus que des écrivains an◄ glais. De là ce déluge de romans, de drames et de systèmes politiques dont la France fut inondée pendant ces trente ou quarante ans. L'influence de la littérature anglaise se fait encore sentir de nos jours. Rien de si commun, parmi nos gens de lettres, que de savoir leur Shakespear par cœur; mais en revanche, ils n'ont la plupart aucune connaissance de la langue de Sophocle et d'Homère.

Il n'en était pas ainsi dans le siècle de Louis XIV, car c'est toujours à ce siècle qu'il faut revenir lorsqu'il est question de goût et de bon sens. Les langues de l'antiquité étaient en honneur même parmi les grands; plusieurs d'entr'eux lisaient Homère dans l'original. Dė

toutes les langues modernes on ne connaissait guère que l'espagnol et l'italien. Les écrivains espagnols sur-tout étaient lus et imités par les plus beaux esprits du siècle. Un goût sévère et pur détacha bientôt Boileau de la lecture des poètes italiens, et quoique ce grand homme ne fût pas aussi ignorant dans la connaissance de la langue du Tasse que l'on a voulu le faire accroire, il est certainqu'il paraît n'avoir jamais fait de cette étude une occupation sérieuse. La langue de Virgile et d'Homère était d'un bien autre prix à ses yeux quant à l'anglais et l'allemand, ces deux idiomes étaient parfaitement inconnus; et Milton dont la gloire resta long-temps concentrée dans son île, n'était guère connu sur le continent que par son apologie du régicide de Cromwel.

L'ouvrage que nous annonçons au public, et dont le but est de faciliter l'étude de la langue anglaise, nous a conduit naturellement à ces réflexions générales. On se tromperait si on concluait de ces réflexions que nous condamnons l'étude des langues vivantes : je la crois au contraire utile et curieuse; mais rien n'est plus absurde à mes yeux que de s'y livrer au point que de négliger les langues anciennes, Vien autrement importantes. Quoiqu'il me soit démontré que l'influence de la littérature anglaise ait été pernicieuse aux lettres parmi nous, je n'en suis pas moins disposé à rendre justice aux bons écrivains de cette nation, tels que Swift, Pope et Addisson. Je dirai même qu'en fait de sublime, je place Milton immédiatement après Homère; que rien ne me paraît plus piquant que l'originalité de Sterne, et plus vrai que les peintures de Richardson. Après cette profession d'orthodoxie littéraire, je crois pouvoir procéder à l'examen du livre anglais dont j'ai promis de parler.

Ce livre est un recueil de pièces, tant en prose qu'en

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