Images de page
PDF
ePub

ouvrages de Plutarque, car il n'en'est point dont la lecture soit plus propre à les former à la vertu. Ensuite l'antiquité du langage d'Amyot, outre qu'elle ne serait point appréciée par les jeunes gens, ne servirait qu'à jeter de la confusion dans leurs idées sur la pureté de notre langue. Une traduction faite avec soin et correction, quoique dépouillée des graces de l'auteur original, ne peut donc qu'être recommandable. Telle est celle dont on publie aujourd'hui une seconde édition. « Nous nous sommes prin

cipalement attachés, dit le libraire-éditeur, à suivre » l'estimable traduction du savant Dacier, toutes les fois » que son style ne viole ni les règles de la langue, ni celles » du goût; nous avons même porté le scrupule jusqu'à >> conserver toutes les expressions qui n'auraient pu être >> remplacées qu'en affaiblissant le sens de l'original: nous » avons encore pensé, dit-il plus bas, que comme il vaut » mieux conserver les mœurs de la jeunesse que d'allu» mer ses passions en agrandissant le cercle de ses con>> noissances, nous avons pensé que nous devions faire >> disparaître tous les tableaux des faiblesses et des pas>>sions honteuses que Plutarque a tracés pour faire con»> naître les vices des grands hommes dont il écrivait la » vie. Ce retranchement, loin de nuire à l'intérêt de l'ou» vrage, en augmente l'utilité, et nous pouvons dire avec >> confiance qu'il peut être mis sans aucun danger dans les » mains les plus pures. » Cet avertissement ne laisse done point de doute sur le but de cette édition. C'est aux jeunes gens qu'elle est spécialement destinée. Ainsi, nous devons moins la juger sous le rapport de l'agrément que sous celui de l'utilité.

De tous les ouvrages connus, il n'en est point dont la lecture soit à la fois plus agréable et plus instructive que celle de Plutarque. Cet écrivain est sans contredit un

des hommes les plus sensés que les siècles aient jamais produits. Mais ces Vies des Hommes ilustres ne sauraient être lues par les jeunes gens qu'avec précaution. Cette lecture ne peut leur être vraiment profitable que lorsqu'ils la font sous les yeux d'un guide éclairé. Il est à craindre autrement qu'abandonnés à eux-mêmes, ils n'y puisent des idées fausses sur la bravoure et sur la gloire. Le caractère d'Alexandre ou de Cesar, dont l'éclat est si prodigieux, les frappe bien davantage que les modestes vertus d'un Phocion ou d'un Aristide. En un mot, il importe qu'ils aient déjà de justes notions sur ce qui est beau et sur ce qui est grand, pour pouvoir lire avec fruit les Vies des Hommes illustres de Plutarque. Les petits Traités de Morale que nous a laissés ce philosophe vraiment digne de ce nom, devraient servir comme d'introduction à la lecture de son grand ouvrage.

On a tant parlé de cet écrivain, son mérite est si généralement reconnu, sa réputation est si solidement établie, qu'il semble qu'on ne puisse rien dire de lui qui n'ait été déjà dit. Il a été donné à Plutarque de plaire à tous les siècles et d'être goûté par toutes les classes de lecteurs. Ses Vies sont une galerie de peintures que les yeux ne peuvent se lasser de considérer. Le fond de ses ouvrages est tellement varié, qu'indépendamment des charmes du style, il pourrait par lui seul fixer l'attention; et la manière de Plutarque est si attrayante, qu'indépendamment de l'intérêt du sujet, elle suffirait pour faire la fortune de son livre. Avec quelle vérité de couleurs ne peint-il pas les caractères les plus opposés ? le farouche Marius, le superbe Sylla, l'ambitieux César, le voluptueux Antoine, tous sont également frappans de ressemblance dans les portraits qu'en a faits Plutarque. Il trace du même pinceau l'inébranlable fermeté de Caton

et l'inconstance d'Alcibiade. Aussi ses ouvrages ne sontils pas seulement utiles au moraliste et à l'homme d'état. Les poètes tragiques en ont également profité: il ne mérite pas moins d'être étudié par eux, que Sophocle et qu'Euripide. La forme que Plutarque a su donner à ses récits est presque toujours dramatique. Il n'écrit point l'histoire de ses personnages, il les fait agir et parler sous vos yeux. Du moins est-ce le témoignage de Racine dont les Vies des Hommes illustres étaient la lecture accoutumée. « C'est Plutarque, dit ce grand poète, qui » m'a donné l'idée de Monime; et c'est en partie sur la >> peinture qu'il en a faite que j'ai fondé un caractère que » je puis dire qui n'a point déplu. » Ces seuls mots de Racine suffisent, je crois, pour recommander Plutarque à nos écrivains dramatiques.

J. ESTINBERT,

La traduction da Paradis perda (1), par M. Delille, vient de paraître : nous en ferons plusieurs extraits dans

(1) Le Paradis perdu de Milton, traduit en vers français par J. Delille, avec les remarques d'Addisson. In-18, sans texte, 3 vol. Papier fin grand-raisain, avec 3 fig., to fr. — Vélin superfin, broc. en cart., 3 fig., 24 fr. Le même, sat. et cart., fig. avant la lettre, 30 fr. Papier carré fin, sans fig., 6 fr. In-8°., avec le texte, 3 vol. Papier fin grand-raisin, 3 fig., 18 fr. - Vélin superfin, broc. en cart, 3 fig., 42 fr. —Le même, sat. et cart., fig. avant la lettre, In-4°. avec le texte, 3 vol. Papier blanc sans fig., 48 fr. superfin, broc. en cart., 3 fig., 200 fr. avant la lettre, 250 fr.

48 fr.

Vélin

Le même, sat. et cart, fig.

Pour recevoir franco, par la poste, on doit ajouter 50 cents par vol. in-18; 1 fr. par vol. in-12; 1 fr. 50 cent. par vol. in-8°., et 3 fr. par vol. in-4°.

A Paris, chez Giguet et Michaud, imprimeurs-libraires, rue des Bons-Enfans, n°. 6; et chez le Normant, imprimeur-libraire, rue des Prêtres Saint-Germain-l'Auxerrois, no. 42.

ce Journal. En attendant un jugement plus motivé, nous allons en donner une légère idée à nos lecteurs. Autant que nous avons pu en juger par une lecture rapide, cette traduction nouvelle nous a paru au- -dessus de celle de l'Enéide, par le même auteur. Le Paradis perdu renferme beaucoup de descriptions, et M. Delille les a rendues le plus souvent avec son talent accoutumé. Les lecteurs liront sur-tout avec plaisir la description de l'Enfer, celle du Paradis terrestre, les tableaux de la Création. La bataille des bons et des mauva's Anges est peut-être au-dessus de l'original. Nous allons en citer quelques fragmens. Satan apercevant Abdiel, qui est resté fidèle au Tout-Puissant, lui adressse ces paroles menaçantes :

>> J'avais cru, j'en conviens, pardonne à ma fierté,
>> Que le bonheur céleste était la liberté :

» Mais, je le vois, ton Dieu courbe à son joug servile
>> La part la plus nombreuse ainsi que la plus vile ;
» De lâches voluptés font seules vos destins,

>> Vos armes sont des luths, vos combats des festins;
» Pour célébrer en choeur ta haute renommée,
>> De ces chantres du ciel tu formas ton armée.
>> Va combattre avec eux : vous apprendrez de moi
» Ce qu'est une ame libre aux esclaves d'un roi.»

« Ah! toi-même, rougis de ta honteuse chaîne,
» Lui répond Abdiel, toi de qui l'ame vaine,
» Adorant de l'erreur le joug impérieux,
» Traites d'emploi servile un devoir glorieux.
>> Mais la nature et Dieu repoussent cette injure,

>> Car obéir à Dieu, c'est suivre la nature;

» Ils nous disent tous deux, et j'écoute leurs voix,
» Que le meilleur de nous doit nous donner des lois :
>> Ses bontés sont ses droits à notre obéissance;
» Le premier en sagesse, il doit l'être en puissance.
»Tu parles d'esclavage! oh! l'esclave est celui
>> Qui se choisit un maître insensé comme lui:
» C'est ce lui qui, bravant le pouvoir légitime,
» S'est fait comme Satan un instrument du crifne,
» Et toi-même, à l'orgueil n'est-tu pas asseryi,

Jaloux du saint emploi que l'orgueil t'a ravi ? » Hardi blasphémateur, cesse donc d'en médire ; » Va régner dans l'enfer, le ciel est son empire: » Nous sommes ses sujets, il sera notre appui ; » Les fers sont pour Satan, et le sceptre est pour lui. » Moi, lâche fugitif, je veux cesser de l'être, » Et voici les tributs que j'apporte à mon maître. » Comme il parlait encore, il élève le fer ;

Le fer étincelant, aussi prompt que l'éclair,
Frappe sans hésiter, et, comme la tempête,
Retombe, et de Satan a fait courber la tête.
La pensée et les yeux, bien moins son bouclier,
N'auraient pu prévenir le redoutable acier.
Il recule dix pas, et son corps qui succombe
Sur son genou ployé tremble, chancelle, et tombe;
Mais sur sa lance énorme il demeure appuyé :
Tel roule d'un vieux roc le sommet foudroyé ;
Tel, attaqué soudain dans sa base profonde
Par les flots souterrains ou les efforts de l'onde,
A demi renversé, croule un antique mont
Avec les vieux sapins qui couronnent son front.
Bientôt de la victoire infaillible présage,
Le cri de l'espérance et le cri du courage
Demandant le signal : le signal est donné,
Par l'ordre de Michel la trompette a sonné ;
L'hosanna solennel vole de bouche en bouche.
D'un cœur non moins ardent, et d'un air plus farouche,
L'ennemi fond sur nous d'un vol impétueux.
A peine eut commencé le choc tumultueux,
D'épouvantables cris dans les airs retentirent,
Des cris tels que les cieux jamais n'en entendirent.
Tel qu'un même incendie embrase deux volcans,
Une même fureur anime les deux camps;
Des nuages de traits pleuvent sur les armées :
Un orage brûlant de flèches enflammées

Monte, siffle, et dans l'air traçant d'affreux sillons,
D'une voûte de feu couvre leurs bataillons.
De longs ébranlemens de ce double tonnerre
Le ciel au loin mugit; et si de votre terre
Le globe encor récent dans les airs eût roulé,
Jusqu'en ses fondemens la terre aurait tremblé.

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »