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présenter en cet état chez madame la duchesse de Chartres; là-dessus, Larrivée, qui était encore en habit d'Agamemnon, s'est avancé en disant, qu'ayant jadis été perruquier, il n'avait point oublié son premier métier, et qu'il allait raccommoder cette coiffure en désordre. En effet, il Pa retapé, repoudré à blanc, et coiffé à ravir, sans se donner le temps de quitter son superbe costume. M. de Canillac, ainsi frisé de la main du roi des rois de la Grèce, est arrivé triomphant; tout le monde l'a entouré, on ne regardait que ses cheveux, et jamais les plus belles coiffures de Gardanne (1) n'ont reçu autant d'éloges. Nous partons incessamment pour les provinces méridioales et pour

l'Italie.

D. GENLI S.

Suite des Observations de Métastase sur les Tragédies et Comédies des Grecs.

HECUBE (d'Euripide ),

La scène est dans la Chersonnèse de Thrace; les acteurs paraissent tous au-devant de la tente d'Hécube, prisonnière d'Agamemnon; inconvénient de l'unité de lieu. Là viennent Polixène, Agamemnon, Ulysse, Talthybius, Polymnestor; là se rendent les Troyennes captives, qui forment un choeur, et ne quittent plus la scène.

L'ombre de Polydore paraît la première, apprend aux spectateurs son nom, son surnom, et le lieu de sa naissance, son histoire, celle de Troie; et non contente de les instruire du passé, leur fait la confidence de tout ce qui doit survenir dans le cours de la tragédie.

(1) Perruquier à la mode alors,

Le sacrifice de Polixène, la découverte de l'assassinat de Polydore, et la vengeance d'Hécube, forment une multiplicité d'action qui partage l'intérêt.

La nature semble arracher les regrets d'Hécube, lorsqu'elle se voit séparée de sa fille Polixène, qui marche à la mort; mais le caractère qu'Hécube conserve n'est ni vraisemblable, ni décent. Dans l'accès de sa douleur, elle se précipite à la tribune, et y récite des maximes. Elle exige que Talthybius lui détaille, minutieusement, le sacrifice de sa fille. Au sein de l'affliction, elle fait usage de l'ordre et des lieux communs de l'art oratoire. Elle veut émouvoir Agamemnon, et s'abaisse à lui rappeler, non pour sauver Polixène, expirée, mais afin d'obtenir le droit de la venger, qu'il passe les nuits avec sa fille Cassandre, et n'oublie pas d'observer que ce moyen rend les hommes plus dociles.

On voit, dans plusieurs scènes, Hécube se jeter par terre, et garder long-temps cette situation.

Hécube, pour mieux surprendre Polymnestor, lui offre son amitié avec une fourberie indigne sur-tout d'une reine. Elle ne peut se résoudre à fixer sur lui ses regards; mais elle dissimule l'effet de sa haine, et déclare que c'est la pudeur qui détourne ses yeux. Modestie assez plaisante chez une femme sans doute octogénaire.

La tragédie a 1295 vers.

SPECTACLES.

THÉATRE FRANÇAIS.

Cyrus, tragédie en cinq actes et en vers, par M. Chénier. Nous voici positivement dans le même embarras que

FRIMAIRE AN XIII.

5.

cen

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Sosie. Il devait à l'épouse d'Amphitryon le récit du com-
bat soutenu par son mari; «mais comment le faire, dit-il,
» si je nejm'y trouvai pas? « Comment aussi parlerons-nous
d'une tragédie inédite et que nous n'avons pu voir jouer?
Nous ne saurions imiter l'impudence de Sosie qui ajoute :
N'importe, parlons-en et d'estoc et de taille,
Comme oculaire témoin:

Combien de gens font-ils des récits de bataille
Dont ils se sont tenus loin!

Cette méthode n'étant point à notre usage, nous nous bornerons à dire un mot du sujet qui est connu, et des res◄ semblances de la pièce nouvelle avec quelques autres des plus grands maîtres, ressemblances indiquées par tous les journalistes qui ont pu rendre compte de cette représentation. Quand cette tragédie sera rejouée ou imprimée, nous la ferons alors connaître plus amplement.

On sait qu'Hérodoté et Xénophon racontent différemment quelques-unes des circonstances de la vie de Cyrus. Xénophon le donne comme le modèle d'un prince acconpli. Quelques écrivains philosophes du dix-huitième siècle ont préféré la version d'Hérodote, parce qu'il ne leur convenait pas sans doute qu'on pût croire qu'un souverain avait été si vertueux. Cependant le récit de Xénophon, dans les points où il diffère d'Hérodote, est bien plus conforme à la vraisemblance. Ce dernier raconte sur la naissance et la mort de Cyrus, des particularités qui ont tout l'air d'un roman. Xénophon ayant servi long-temps sous Cyrus le jeune, avait eu la facilité de s'instruire sur les lieux mênie, de l'histoire ancienne de la Perse; il atteste qu'il n'avait épargné aucun soin à cet égard, et qu'il n'avance rien qu'il n'ait appris.

M. Chénier, cependant, a préféré l'histoire d'Hérodote: il en avait incontestablement le droit, et il a eu N n

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même raison d'en user; car la gloire de l'adversité soutenae avec courage ayant manqué au Cyrus de Xénophon, ce personnage ne pouvoit être tragique. Celui d'Hérodote, au contraire, condamné à la mort avant sa naissance, l'est éminemment. Le sujet n'était donc pas inal choisi: on ne l'a pas trouvé bien disposé. Il faut cependant convenir que M. Chénier a heureusement corrigé la version, ou si l'on veut la fable d'Hérodote, qui fait détrôner Astyage, aïcul de Cyrus, par son petit-fils; qu'il a judicieusement supprimé l'épouvantable repas d Harpage, auquel, suivant l'historien, Astyage fit manger son fils pour le punir d'avoir dérobé Cyrus à la mort. Mais on a été frappé d'une foule de ressemblances entre cette pièce et plusieurs autres, Athalie, Mérope, Sémiramis ; on a cru même y voir le visir de la tragédie de Bajazet. Oa auroit pu ajouter OEdipe, exposé en naissant, comme le Cyrus de Xénophon. Peut-être aussi ce trait de similitude n'étant que dans l'avant-scène, ne méritoit-il pas d'être reinarqué. Toute concurrence avec l'auteur d'Athalie semblerait une témérité sacrilége. Voltaire lui-même, l'écrivain qui en a le plus approché, magno sed proximus intervallo, s'est très-mal trouvé d'avoir voulu lutter contre Bajazet. On sait quel succès a eu la pièce qu'il a prétendu opposer à Athalie. Il est vrai que c'étaient là des productions de son impuissante vicillesse; mais son Coucy, crayonné dans la force de l'âge, n'est qu'une pâle copie de l'austère et vertueux Burrhus.

Au reste, ce que le Cyrus a de commun avec Athalie étant encore plus dans le sujet que dans le plan, ce n'est pas là le principal reproche qu'on a fait à l'auteur. Quant à Sémiramis, ce n'est qu'une pièce du second ordre, composée des décombres d'Eriphile. Quoiqu'elle soit écrite avec une certaine pompe, et bien supérieure à celle de

Crébillon, toute hérissée de solécismes et de barbarismes, un écrivain qui n'est pas sans talent et sans verve, pouvait ne pas craindre ce rapprochement.

Mais c'est avec Mérope que Cyrus a plus d'analogie. Mandane, dit-on, rappelle à chaque instant la mère, d'Egiste. Si cela est, on ne peut nier que l'auteur n'ait donné lieu à un parallèle bien dangereux pour lui. Vouloir jouter contre Mérope, c'est attaquer Voltaire au centre de sa force et de sa gloire. Nous sommes bien loin d'adopter en tout les opinions de La Harpe, écrivain trop déprécié d'abord, ensuite beaucoup trop vanté, même comme critique; dont le Cours de Littérature est plein d'hérésies, de préventions pour ou contre les auteurs de son siècle, d'une révoltante partialité, des témoignages de l'envie qu'il portait à ses rivaux ; qui n'accorde à Racine, audessus de Voltaire, qu'un peu plus de correction; trouve que celui-ci a plus de grace, et qu'il a manqué à Racine d'avoir vu jouer Zaïre; enfin, qui n'aperçoit pas le plus léger défaut dens cette pièce. Mais nous pensons entièrement comme lui sur Mérope. OEdipe, sans doute, a une belle scène; Mahomet, une magnifique. Le premier acte de Brutus est supérieurement écrit; Zaïre a un grand charme: mais aucune de ces pièces ne peut soutenir la comparaison avec Mérope. Qu'on lise celles de Maffey, de Clément, et l'Amasis de la Grange, si l'on peut, on verra quelle prodigieuse distance se trouve entre tous ces auteurs et Voltaire. Nous avons peine à concevoir comment on a su, non pas préférer, mais comparer OEdips à Mérope. Dans l'une, l'intérêt commence au quatrième acte; dans l'autre, il est déjà très vif dès la première scène ; et les premiers mots que prononce Mérope causent une grande émotion. Dans tout le théâtre de Voltaire, il n'y a pas un rôle de femme qui approche de celui de cette

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