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CHARADE.

AIR de Pauline.

Sous le fichu d'une coquette,
Et dans les poches d'un rentier,
Souvent dans celles d'un poète,
On ne trouve que mon premier:
Tantôt fétide et pestifère,
Il porte une sale vapeur;
Tantôt de la fleur printanière
Il conserve la douce odeur.
Mon second quelquefois invite
A combattre ou bien à jouir;
A la valeur il nous excite,
Mais bien plus souvent au plaisir $
L'amant fidèle qui desire,

Attend ce mot avec ardeur;

Car c'est le premier du délire,
Et le dernier de la pudeur.

Par une marche mesurée,
Et porté sur l'aile du Temps,
Mon tout revient; le froid Borée
Engourdit alors tous nos sens :
Bientôt le printemps le remplace,
Amenant de nouveaux plaisirs;
L'hiver s'enfuit; lors à sa place
Reviennent enfin les zéphirs.

Auguste ATTENOUX (de Marseille).

Le mot de l'Enigme du dernier numéro est Glace, pris dans ses diverses acceptions.

Celui du Logogriphe est Tambour, où l'on trouve Amour. Celui de la Charade est Pré-jugé,

OEuvres posthumes de Marmontel, ou Mémoires d'un père pour servir à l'instruction de ses enfans, etc. Quatre volumes in-12. Prix: 12 fr., et 15 fr. par la poste. Quatre volumes in-8°. Prix: 20 fr., et 24 fr. par la poste. A Paris, au Bureau du Publiciste, rue des Moineaux; chez Déterville, libr., rue du Battoir; et chez le Normant, imprimeur-libraire, rue des Prêtres Saint-Germain-l'Auxerrois, no. 42.

AUTANT

UTANT les philosophes montrent de répugnance pour la confession auriculaire qui exige de T'humilité et du repentir, autant ils ont de penchant à se confesser au public: parler de soi est une chose si douce, qu'on aime quelquefois jusqu'aux malheurs qui en fournissent l'occasion. Écoutez avec intérêt une femme qui se plaint de sa santé, et elle oubliera ses maux pour jouir de l'attendrissement qu'elle fait naître à cet égard nos beaux-esprits sont un peu femmes; mais, parmi les beaux-esprits, ceux qui ont fait des romans sont incontestablement les plus coquets. J. J. Rousseau, le premier qui se soit cru un personnage assez intéressant pour occuper l'Europe et la postérité des souillures de sa vie domestique, était un grand romancier; Kotzbuë, au même titre, a mis dans l'histoire d'une seule de ses années autant d'emphase que s'il eût raconté tous les nobles détails de sa superbe existence; M. Marmontel, qui n'a fait que des contes, ne pouvait décemment déployer dans ses Mémoires tout l'orgueil de Rousseau, ni même toute la vanité de Kotzbuë: il s'est contenté d'une bonne dose de fatuité. C'est ainsi que les règles s'établissent par de grands exem

ples; et si quelque profond littérateur s'amuse un jour à faire la poétique des Confessions, il offrira pour modèles J. J. Rousseau aux orgueilleux, Kotzbue aux sots, et M. Marmontel aux présomptueux.

Rien ne prouve autant la petitesse de l'esprit du dix-huitième siècle que ces ouvrages où les actions d'un simple particulier, les divisions de quelques coteries sont présentées comme des objets d'intérêt public: il n'y avait donc alors rien de grand, rien de national, puisque les Mémoires du temps, les volumineuses Correspondances de cette époque ne nous entretiennent que des femmes de ménage des philosophes, de querelles littéraires, et de la rivalité des filles publiques. Qui n'est las d'entendre parler de madame la marquise du Châtelet, amante infortunée de l'auteur de Zaïre, que Saint-Lambert tua comme un brutal en lui faisant un enfant (1); souvenir qui jetait M. de Voltaire dans la douleur la plus amère et dans la gaieté la plus folle? Combien nous donnera-t-on encore de voJumes sur madame Geoffrin, qui avait si peu d'esprit, encore moins de caractère, et dont le plus grand mérite consistait à se mêler des affaires de tous les hommes de lettres de son temps, pour ne pas perdre l'occasion de les gronder quand ils devenaient malheureux? Et madame du Défant, qui de femme galante devint philosophe pour être quelque chose; qui, lasse d'elle-même et des autres, se faisait lire les pamphlets de Voltaire pour ne plus croire en Dieu, les feuilles de Fréron pour désoler Voltaire; et qui, s'ennuyant toujours, ne pouvait concevoir comment l'impiété n'était pas plus amusante! Et mademoiselle l'Espinasse, tourmentée du besoin de se marier, assez malheu

(1) Expressions de Voltaire.

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reuse pour jeter les yeux sur d'Alembert qui ne pouvait pas épouser, l'employant par dépit à aller chercher à la poste les lettres qu'elle attendait de ses prétendus, seul service qu'il pût lui rendre dans le desir qui la tourmentait, et dont elle mourut victime infortunée ! Et madame d'H...., qui trompant son mari pour Saint-Lambert, fut au moment de tromper Saint-Lambert pour J. J. Rousseau, d'où s'ensuivit une guerre terrible entre le fils d'un horloger de Genève et le fils d'un coutelier de Langres, guerre dont les manifestes partagent encore l'Europe attentive! Et Grimm, le grand monsieur Grimm dont le nom parviendra aux siècles les plus reculés, quoiqu'il fût inconnu à ses contemporains! Et mademoiselle Clairon, qui sans cesse en attitude héroïque dans la société, était si bonne fille dans le tête-à-tête, et dont la réputation rivalise celle d'Alexandre, parce qu'elle ramena la nature sur le théâtre, en quittant les paniers! Et tant d'autres vieilles folies qu'on retrouve de nouveau dans les Mémoires de M. Marmontel, folies si ennuyeuses, pour moi du moins, qu'elles m'ont fait aimer la révolution pour la première fois de ma vie ; car lorsque l'auteur arrive à l'année 1788, il oublie tout, jusqu'à lui-même, pour nous entretenir des événemens publics. Quoique ce qu'il dise à ce sujet ne soit pas très-profond, encore est-il question d'un grand intérêt; et j'aime mieux des détails sur la Bastille emportée d'assaut en ouvrant ses portes, vaincue par tant de héros qui n'y pensèrent pas, que du commérage sur les filles et les femmes de théâtre et de société du grand siècle des lumières.

M. Marmontel commence ses Mémoires par nous apprendre pourquoi il les a écrits; ce préambule ne paraîtra pas inutile, car personne ne se serait douté qu'il racontât ses bonnes fortunes pour

l'instruction de ses enfans. En effet, ce n'a pas été sa première intention. Il n'a pensé qu'à la postérité près de laquelle il voulait se recommander; aussi a-t-il toujours employé ce ton emphatique qui séduit la multitude; et l'on peut assurer que de tous les Mémoires connus jusqu'à ce jour, ceuxci sont les seuls où le naturel ne se fasse jamais sentir. Il fait parler sa mère comme un professeur de rhétorique le jour de la distribution des prix; il prête des plaisanteries de boudoir à une fille qui fuit le mariage par excès de dévotion; ses propres discours ressemblent toujours à des harangues; en un mot, il oublie tellement les convenances qu'on pourrait croire qu'il n'a jamais été enfant, puisque ce qu'il dit à quarante ans est absolument du même lon que ce qu'il disait étant au collége. Ces défauts paraissent si extraordinaires dans un écrivain qui jouit d'une grande réputation comme romancier, que j'ai voulu relire ses Contes Moraux dont je n'avais conservé qu'un léger souvenir: après cette lecture, mon étonnement a cessé; et j'ai très-bien compris pourquoi M. Marmontel avait manqué de naturel en parlant de lui-même.

Né en 1722 d'une famille pauvre et honnête, établie à Bort, petite ville de Limosin, son père voulait le mettre dans le commerce; sa mère avait l'ambition d'en faire un curé; ses régens desiraient qu'il fût jésuite; ses goûts l'entraînèrent dans la carrière littéraire, et les éloges de Voltaire dans la philosophie. Mais quelque profession qu'il eût embrassée, il serait resté un parfait honnête homme; c'est une justice que le public lui rendait avec plaisir, même avant la publication de ses Mémoires; cette réputation, la première de toutes, est le plus bel héritage qu'il ait laissé à des enfans dignes de le faire valoir. Elevé par des parens laborieux, économes, et qui avaient conservé la sainte union

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