Images de page
PDF
ePub

où les mendiants peuvent et doivent se retirer d'eux-mêmes, et où ils ne sont pas en détention; que si, au lieu d'user de cette ressource, ils continuent de mendier, il est juste de les punir; en conséquence, on leur inflige la peine de la prison avant de les envoyer au dépôt [1]» La conduite des condamnés au dépôt n'est donc qu'une mesure de police; le dépôt est un refuge et une maison de travail. Le délit est expié, la prison s'est ouverte pour eux; la société ne les retient temporairement que pour leur donner des secours ou un métier. Il suit de là que, lorsque la cause de cette mesure a cessé, lorsque le condamné trouve soit dans son travail, soit dans sa famille, des ressources suffisantes pour soutenir sa vie, l'administration ne peut le retenir; car cette détention, quand la cause n'en existe plus, serait une véritable peine, et par conséquent une mesure illégale. Mais il faut le dire, les droits de l'administration sont vagues et mal définis. On ne trouve que dans le décret du 22 décembre 1808, relatif ou dépôt de Villers-Cotterets, une disposition portant que les mendiants seront retenus dans cette maison jusqu'à ce qu'ils se soient rendus habiles à gagner leur vie par le travail, et au moins pendant une année. Voilà donc un terme fixé à la détention. Mais combien peu de garanties assurent cette mise en liberté! Et d'abord, cette détention nécessaire d'une année n'est-elle pas une aggravation de la peine? Si l'agent peut vivre de son travail avant l'expiration de cette année, pourquoi prolonger son séjour forcé au dépôt, puisqu'il a déjà subi sa peine? Ensuite, par quel mode l'aptitude du mendiant à gagner sa vie sera-t-elle constatée? Et s'il est reconnu qu'il ne l'a pas acquise, restera-t-il dans les liens d'une détention perpétuelle? A ces seules ques tions, on aperçoit que la loi n'est pas complète, et qu'en prescrivant les mesures qui peuvent réprimer la mendicité, on ne le a pas accompagnées des formes non moins utiles qui doivent garantir la liberté individuelle.contre les actes arbitraires et les abus [2]. Le législateur belge a voulu réparer cette grave omission de la loi, en ajoutant à l'art. 274, dans le projet de son Code pénal, cette disposition protectrice : « Les mendiants seront retenus au dépôt pendant le temps qui sera fixé par le gouvernement, et qui ne pourra excéder cinq ans. »

[1] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 19 août 1809.

Quelques tribunaux ont été pendant longtemps dans l'usage d'ordonner que les individus qu'ils condamnaient pour mendicité fussent remis, à l'expiration de la peine, aux personnes qui les réclameraient. Une telle disposition constituait une évidente violation de l'art. 274. En effet, ainsi que nous l'avons remarqué, la translation du mendiant au dépôt ne constitue point une peine, mais une simple mesure de police; et cette mesure, prise comme une conséquence de la condamnation, pourrait même être ordonnée de plein droit, lorsque le jugement n'en fait pas mention. Dès lors, ce n'est point à l'autorité judiciaire, mais à l'autorité administrative, à juger si les mendiants doivent être conduits au dépôt. Cette règle a été confirmée par la Cour de cassation, qui a décidé : « que la deuxième disposition de l'art. 274 est impérative et absolue dans l'intérêt de l'ordre public; que les tribunaux n'ont pas le droit d'empêcher la mesure qu'elle prescrit; et què le pouvoir d'apprécier les circonstances qui seraient susceptibles de rendre inutile l'exécution de cette disposition, n'appartient qu'à l'autorité administrative qui en est chargée [3]. »

*

Le délit de mendicité prend un nouveau caractère dans les lieux où nul dépôt n'a encore été établi. L'art. 275 est ainsi conçu : « Dans les lieux où il n'existe point encore de tels établissements, les mendiants d'habitude valides seront punis d'un mois à trois mois d'emprisonnement. S'ils ont été arrêtés hors du canton de leur résidence, ils seront punis d'un emprisonnement de six mois à deux ans. »>

Il ne s'agit dans cet article que des mendiants valides. Les individus invalides ont, ainsi que nous l'avons dit, la faculté de mendier dans les lieux où ne sont point encore institués d'établissements pour les recueillir. Tout agent poursuivi pour mendicité dans de tels lieux trouve donc une cause de justification dans son àge, dans sa faiblesse, dans ses infirmités. Il est visible, du reste, que la validité du mendiant est une question de fait. La loi a entendu, par mendiant valide, celui auquel ses forces permettent de travailler, et dont les habitudes vicieuses ne peuvent dès lors être attribuées qu'à l'amour de l'oisiveté. La Cour de Bourges a pu, sans contrevenir à cette règle, juger qu'un individu amputé d'une jambe ne peut être rangé

[2] Voyez projet de règlement, art. 7 du décret du 22 décembre 1808.

[3] Arr, cass. 1 juin 1833 (Sirey, 1833, 1, 578).

dans la classe des mendiants valides [1]. Les jeunes enfants qui accompagnent leurs parents, le conducteur qui guide l'aveugle, bien que valides, sont, par une sorte de fiction dictée par l'humanité, rangés dans la classe des mendiants invalides: l'art. 275 ne leur est point applicable.

Le seul fait d'être trouvé mendiant ne suffit plus pour constituer le délit la loi ne rend passibles d'une peine que les mendiants d'habitude valides. Il faut donc, lorsque le mendiant a été reconnu valide, que la circonstance de l'habitude soit encore constatée. Il n'est pas néanmoins nécessaire que l'agent soit trouvé plusieurs fois mendiant pour que cette circonstance existe; il suffit qu'il soit prouvé qu'il ne soutient sa vie que par la mendicité, et que c'est là son métier, son mode d'existence.

La peine devient plus grave si le mendiant d'habitude valide a été arrêté hors du canton de sa résidence; car au délit de mendicité il réunit alors celui de vagabondage, et ces deux faits signalent un agent plus dangereux.

Si les mendiants invalides ne sont passibles d'aucune peine dans les lieux où les dépôts ne sont pas encore établis, c'est à condition qu'au cune circonstance ne viendra aggraver le fait de leur mendicité et le convertir en délit. L'art. 270 énumère certains actes qui, à l'égard des mendiants invalides, sont constitutifs du délit, et, à l'égard des mendiants valides, en forment seulement les circonstances aggravantes. Cet article est ainsi conçu : « Tous mendiants, même invalides, qui auront usé de menaces ou seront entrés, sans permission du propriétaire ou des personnes de la maison, soit dans une habitation, soit dans un enclos en dépendant, ou qui feindront des plaies ou infirmités, ou qui mendieront en réunion, à moins que ce ne soient le mari et sa femme, le père ou la mère et leurs jeunes enfants, l'aveugle et son conducteur, seront punis d'un emprisonne ment de six mois à deux ans. »

L'art. 6 de la déclaration du 18 juillet 1724 portait également : « Les mendiants qui seront arrêtés demandant l'aumône avec insolence....., ceux qui seront arrêtés contrefaisant les estropiés, ou qui felndraient des maladies qu'ils n'auraient pas, ceux qui se seraient attroupés au-dessus du nombre de quatre non compris les enfants, soit dans la ville ou les campagnes....., seront condamnés : les hommes valides, aux galères au moins pour cinq années, et,

[1] Arrêt. Bourges, 3 fevr. 1831.

à l'égard des femmesou des hommes invalides, au fouet dans l'intérieur de l'hôpital, et une détention à l'hôpital général à temps ou à perpétuité, suivant l'exigence des cas. >>

Il est indifférent, pour l'application de l'article 276, que les mendiants soient valides ou invalides; il est également indifférent que le délit soit commis dans des lieux où les dépôts sont ou non établis cette double distinction, qui domine les art. 274 et 275, s'efface dans celui-ci; la disposition est générale. Le délit ne consiste même plus dans le flagrant délit ou dans l'habitude de la mendicité; il suffit qu'il soit établi que l'agent a mendié avec l'une des circonstances énumérées par l'art. 276; toute la gravité de l'acte est dans le concours de ces circonstances.

:

La loi n'a point défini les menaces, mais ce mot doit être pris dans son sens ordinaire. La menace a pour but de contraindre la volonté par l'annonce d'un mal quelconque; elle constitue presque une voie de fait. On ne pourrait donc faire rentrer dans cette expression ni les propos grossiers ni les injures. L'introduction dans les habitations fait naître une observation d'une autre nature: cette introduction ne serait point excusée pour cela seul que le propriétaire ne s'y serait pas opposé; elle ne cesse d'ètre une circonstance aggravante qu'autant qu'elle a été formellement autorisée. Toutes les législations ont puni avec plus de gravité les mendiants qui feignent des infirmités et des maladies c'est une fraude, une sorte d'escroquerie, employée dans le but d'attirer des aumônes. Mais la loi n'a prévu que ces mensonges physiques; les fausses allégations, les misères inventées, l'affirmation même d'une infirmité fausse, mais que l'agent n'aurait pas feinte aux yeux par des signes ostensibles, échapperaient à ses prévisions. La dernière circonstance est la mendicité en réunion quel est le nombre qui constitue la réunion? Notre ancienne législation et la loi nouvelle du Brésil prohibent toute réunion excédant quatre personnes. Notre Code est plus sévère; il prohibe toute réunion quelconque; il n'excepte que celle du mari et de la femme, du père et de la mère avec leurs jeunes enfants, enfin de l'aveugle et de son conducteur. Toute autre réunion, même de deux personnes, pour mendier, est donc interdite, et devient une circonstance d'aggravation. Mais il faut que ces personnes aient mendié en réunion; la réunion, hors des faits de mendicité, n'aurait aucune influence sur la gravité du délit.

Telles sont les dispositions qui se rattachent

24

au délit de mendicité et aux circonstances aggravantes de ce délit. Le Code pénal a porté sa prévoyance plus loin: il a incriminé certains faits qu'il ne considère plus comme des circonstances aggravantes de la mendicité, mais qui puisent une criminalité spéciale ou plus grave dans leur concours avec la qualité de mendiant. Ces incriminations sont communes aux vagabonds et aux mendiants : les observations qui vont suivre s'appliquent donc à ces deux classes d'agents.

reconnus nécessaires à l'exercice de leur métier [1].

:

de

dans la même catégorie. «Tout mendiant ou L'art. 278 prévoit un fait qui rentre encore vagabond, porte cet article, qui sera trouvé porteur d'un ou de plusieurs effets d'une valeur supérieure à 100 francs, et qui ne justifiera point d'où ils lui proviennent, sera puni de la peine portée par l'art. 276. » Nous avons déja eu l'occasion, dans le chapitre précédent, L'art. 277 est ainsi conçu: « Tout mendiant a été de mettre à la charge des vagabonds ou faire connaître l'esprit de cet article: son but ou vagabond qui aura été saisi travesti d'une mendiants, trouvés possesseurs d'une valeur manière quelconque, ou porteur d'armes, bien supérieure à 100 francs, la preuve de la légitiqu'il n'en ait usé ni menacé, ou muni de limes, mité de leur possession. La présomption est, crochets ou autres instruments propres soit à jusqu'à cette preuve contraire, que cette valeur commettre des vols ou d'autres délits, soit à provient d'un vol, et c'est sur cette pensée lui procurer les moyens de pénétrer dans les qu'est fondée la peine. Au surplus, la loi exige maisons, sera puni de deux à cinq ans d'empri- . encore que l'agent soit trouvé porteur des sonnement. » Ce qu'il importe de remarquer valeurs si cette circonstance n'existe pas, d'abord, c'est que la condition de l'incrimina- peut, en raison du dépôt qu'il en aurait fait, tion est que l'agent ait été saisi dans l'une être poursuivi pour vol; mais il ne pourrait il des circonstances énoncées. Ainsi, dans cet encourir la peine prévue par cet article, sur article comme dans l'art. 274, c'est le délit fla- le seul fait de la possession de ces effets, et grant seul que la loi a voulu atteindre; il ne d'après la présomption seule qu'elle fait naître. suffit pas que le mendiant ou le vagabond ait été vu nanti de tels ou tels effets, il faut qu'au cles 277 et 278 ne constituent pas des actes préSi les circonstances incriminées par les artimoment de son arrestation, ces objets aient été paratoires, ou même de simples présomptions trouvés sur lui c'est cette circonstance, en d'une intention coupable, il n'en est plus de effet, qui fait présumer qu'il les portait habi- même des faits prévus par les art. 277 et 280. tuellement. Il est à remarquer, en second lieu, Ces faits constituent en eux-mêmes des délits ou que les trois faits énumerés dans l'article ont le des crimes; seulement leur caractère s'aggrave caractère de trois actes préparatoires de crimes par cela seul qu'ils ont été commis par des menou de délits la juste défiance qui environne diants ou vagabonds. les pas du mendiant ou du vagabond s'élève à son plus haut degré, quand cet agent est trouvé muni d'instruments propres à commettre des crimes. La présomption d'une volonté criminelle prend presque la consistance d'un fait matériel; mais toutefois ce fait n'existe point encore; la loi ne suppose même aucun commencement d'exécution; le délit gît encore intérieurement dans l'intention présumée de l'agent. Il suit de là que cette intention doit être scrutée avec un soin plus minutieux; qu'il faut non-seulement que la circonstance existe matériellement, mais qu'elle suppose l'intention dont la loi l'a faite l'expression; qu'il ne suffit pas, en un mot, que l'agent soit porteur d'instruments plus ou moins propres à commettre des crimes; qu'il est nécessaire qu'il ne puisse donner aucun motif légitime à la détention de ces instruments. C'est en appliquant ce principe que la Cour de cassation a jugé que l'article 277 ne s'appliquait pas aux vagabonds ou aux mendiants trouvés nautis d'instruments divers

:

lence. Il est ainsi conçu: «Tout mendiant ou vaL'art. 279 comprend tous les actes de viogabond qui aura exercé quelque acte de violence que ce soit envers les personnes, sera puni de la reclusion, sans préjudice des peines plus fortes s'il y a lieu, à raison du genre et des cirfait, toutes les violences, quelque légères constances de la violence. »> Toutes les voies de qu'elles soient, suivant l'expression de l'exposé des motifs, prennent, dans l'espèce de cet article, le caractère d'un crime. Il n'est pas nécessaire que ces violences aient été commises en mendiant : l'article n'exige pas ce concours, il exige seulement que l'agent ait la qualité de vagabond ou de mendiant. Par application de ce principe, la Cour de cassation a pu juger que cet article est applicable au mendiant qui a exercé des violences contre le commissaire de

crim., 1836, p. 351).
[1] Voyez arr. cass. 3 juin 1836. (Journ. du droit

police qui voulait l'arrêter [1]. Toutefois, est-ce bien là l'esprit de la loi? Si elle n'a pas fait du concours de l'acte de mendicité une condition du crime, n'a-t-elle pas voulu du moins que les violences fussent exercées, soit pendant la vie vagabonde de l'agent, soit pour arriver à la perpétration de quelque délit? Son but a été de protéger les citoyens contre les déprédations de ces hommes isolés dont la vie errante favorise les entreprises; l'acte de violence acquiert une plus haute gravité de cette existence nomade, parce qu'on peut croire qu'il en est le but et qu'il révèle une perversité plus habituelle. Mais l'acte de rébellion à justice ne change point de nature, soit qu'il soit commis par un mendiant, soit par un prévenu quelconque. Cette distinction était dans la pensée du législateur. «La peine, disait M. Berlier, peut être plus forte que celle du droit commun, parce qu'il y a des violences dont la peine ne va pas jusqu'à la reclusion; cela est vrai, et c'est ce qu'on a voulu. Il y a, en effet, une raison tres-plausible de punir plus gravement les violences que se permet un mendiant ou vagabond, parce qu'elles ont, d'après la qualité de telles gens, un caractère non équivoque et plus criminel [2]. »

L'article veut que les violences aient été commises par un mendiant, et cette expression semble indiquer qu'elle ne s'applique qu'aux mendiants d'habitude; car c'est cette habitude de la mendicité qui les place sur la même ligne que les vagabonds, et qui les soumet aux mêmes précautions. Cependant une solution contraire a été adoptée par la Cour de cassation : cette solution se fonde sur ce que l'art. 379 n'a pas énoncé la condition de l'habitude; et il est certain que le texte de cet article justifie cette in terprétation [3].

L'art. 281 présente un deuxième délit dont le caractère s'aggrave également par la qualité de mendiant ou de vagabond de son auteur. Cet article porte: « Les peines établies par le présent Code contre les individus porteurs de faux certificats, faux passe-ports ou fausses feuilles de route, seront toujours, dans leur espèce, portées au maximum, quand elles seront appliquées à des vagabonds ou mendiants. » La seule question que soulève cet article est de savoir si les peines qu'il établit s'appliquent au seul port des faux certificats, ou bien seulement à leur fabrication et à leur usage: nous avons

[1] Arr. cass. 12 sept. 1812. Dalloz, 28, 44. [2] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 3 nov. 1808.

[3] Arr. cass. 13 oct. 1820 (Dalloz, 28, 44).

examiné cette difficulté, et l'avons résolue dans le dernier sens, dans notre chapitre XXVII [4]. Ici se terminent les dispositions aggravantes communes aux vagabonds et aux mendiants. Mais un article reste, qui est devenu le sujet d'une importante controverse. Cet article, quoiqu'il ne s'applique plus qu'aux mendiants, est demeuré compris parmi les dispositions communes à ces deux classes d'agents; la raison en est qu'il s'appliquait, dans l'origine, aux uns et aux autres. L'ancien art. 282 portait : « Les vagabonds ou mendiants qui auront subi les peines portées par les articles précédents demeureront, à la fin de ces peines, à la disposition du gouvernement. » Or, d'une part, la loi du 28 avril 1832 supprimait la mise à la disposition du gouvernement; de l'autre, elle introduisait, dans l'art. 271 une surveillance générale pour tous les vagabonds légalement déclarés tels, quelles que fussent les circonstances accessoires de ce délit. Il ne restait donc plus qu'à soumettre les mendiants, lorsqu'il y aurait lieu, à la même mesure, et tel a été le but du nouvel art. 282, qui est ainsi conçu : « Les mendiants qui auront été condamnés aux peines portées par les articles précédents seront renvoyés, après l'expiration de leurs peines, sous la surveillance de la haute police, pour cinq ans au moins et dix ans au plus. »>

Ce texte soulève deux questions également graves : la surveillance qu'il prononce s'applique-t-elle à tous les condamnés pour mendicité sans distinction, ou seulement aux mendiants condamnés avec l'une des circonstances aggra-vantes prévues par les art. 277 et suivants? Cette peine peut-elle être remise, en cas de circonstances atténuantes constatées, et en vertu de l'art. 463? Nous ne nous arrêtons point à cette seconde question, quoique la Cour de cassation l'ait résolue négativement [5]. Notre opinion, contraire à cette jurisprudence a été développée dans notre chapitre XXXIX, au sujet de l'art. 271, et il nous paraît inutile de reproduire une argumentation qui est nécessairement la même dans les deux hypothèses. Nous traiterons donc uniquement la question spéciale que soulèvent les premiers termes de l'art. 282.

Ces termes n'avaient fait, jusqu'à ces derniers temps, l'objet d'aucun doute. Dès le 20 avril 1813, c'est-à-dire à une époque voisine de la promulgation du Code pénal, le grand-juge mi

[4] T. 2, p. 141.

[5] Arr. cass. 12 mars 1835 (Journ. du droit crim., 1835, p. 145).

[ocr errors]

nistre de la justice, dans une instruction sur l'exécution de cette partie de la loi pénale, reconnaissait formellement que les mendiants condamnés pour l'une des circonstances aggravantes exprimées daus les articles 277 et suivants, étaient seuls mis à la disposition du gouvernement par l'art. 282; la jurisprudence des tribunaux et de la Cour de cassation elle-même s'est constamment prononcée dans ce sens jusqu'à l'arrêt de cette Cour du 8 octobre 1836. C'est à cet arrêt que remonte la controverse. Il est nécessaire de reproduire les motifs de cette nouvelle interprétation; ces motifs, répétés dans les divers arrêts qui sont intervenus depuis, sont : « que le paragraphe 3 de la section 5, chap. 3, tit. 1er, livre 3 du Code pénal, s'occupe exclusivement de la mendicité et de la répres sion des délits commis par les mendiants; que ce paragraphe 3 comprend les articles 274 et suivants,jusques et y compris l'article finál 282; que la rubrique, dispositions communes aux vagabonds et aux mendiants, n'est point l'intitulé d'un paragraphe distinct qui sé pare l'article 275 de l'article 277; que l'art. 278, qui se trouve après la susdite rubrique, renvoie, pour la peine à infliger par cet article, à l'article 276, ce qui indique surabondamment la relation qui existe entre ces deux articles, et que les mêmes règles leur sont communes; que l'art. 282 qui soumet à la surveillance de la haute police de l'État les mendiants qui auront subi les peines portées par les articles précédents, se réfère nécessairement et sans distinction à tous les articles qui composent le paragraphe 3, et qu'ainsi tous les mendiants condamnés à une peine quelconque, en vertu des articles composant ce paragraphe, doivent être soumis à la surveillance [1]. »

Ces motifs, quoique puisés dans la combinaison des articles du Code, ne nous ont point paru sans réplique. Le législateur a divisé en trois catégories distinctes les dispositions qui sont destinées à réprimer le vagabondage et la mendicité les deux premières sont spéciales, l'une au vagabondage et l'autre à la mendicité; et la troisième est commune à l'un et à l'autre de ces deux délits. L'art. 282 forme la dernière disposition de cette troisième catégorie; et dès lors, puisqu'il se borne à soumettre à la surveillance les mendiants qui auront été condamnés aux peines portées par les articles précédents, la première idée que doivent sug

gérer ces expressions est d'entendre par ces mots articles précédents, non tous les articles antérieurs du Code qui se rapporte à la mendicité, mais ceux-là seuls qui sont compris dans la catégorie même que termine l'art. 282. Cette idée acquiert un degré plus marqué d'évidence, si l'on étudie avec attention les termes de cet article. En effet, on n'y lit point, comme dans les trois articles qui le précèdent, tout mendiant, mais seulement les mendiants; et, comme si le législateur avait craint que cette expression ne fût interprétée trop largement, il s'est hâté de la restreindre, en ajoutant : les mendiants qui auront été condamnés aux peines portées par les articles précédents. Donc ce ne sont pas tous les mendiants qui sont soumis à la surveillance, mais seulement ceux dont la condamnation a été prononcée en vertu des articles précédents, c'est-à-dire, dont la mendicité a été accompagnée des circonstances aggravantes prévues par les art. 277 et suivants. Car, si cette interprétation n'était pas fondée, quel serait le sens de ces mots? par quel motif auraient-ils été insérés dans la loi ?

On a essayé de les expliquer; on a dit : La mendicité n'est point en elle-même un délit ; la loi ne punit pas tous les mendiants : dans les lieux où les dépôts de mendicité ne sont pas établis, elle ne punit pas les mendiants invalides, les actes isolés de mendicité; elle épargne même le conducteur de l'aveugle, quoique mendiant d'habitude, et la famille qui accompagne son chef. Il suit de là que, tous les mendiants n'étant pas punissables, l'art. 282 ne pouvait les soumettre tous à la surveillance; ainsi s'expliquent les termes de cet article : la peine qu'il prononce ne pouvait s'appliquer qu'aux mendiants qui avaient été l'objet d'une condamnation. Cette explication, fournie à l'appui du système de l'arrêt, ne nous paraît pas sérieuse. Il est évident qu'un individu qui n'aurait pas commis un fait qualifié délit par la loi, ne peut être soumis à la surveillance; et il serait absurde de supposer que le législateur eût voulu aller au-devant d'une objection aussi puérile. Car c'est une règle qui n'a point d'exception, qu'une peine quelconque ne peut être appliquée qu'aux agents qui ont été l'objet d'une condamnation légale; et d'ailleurs, supprimez les termes restrictifs de l'article, on lit encore dans son texte : Les mendiants seront renvoyés après l'expiration de leur peine. D'où il suit que l'article, même en supprimant les termes dont le sens est contesté, ne s'appli

[1] Arr. cass. 8 oct. 1836, 8 avril 1837 (Sirey, querait encore qu'aux mendiants qui ont subi 1837, 353).

une peine, et qui, par conséquent, ont été con

« PrécédentContinuer »