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changea le despotime militaire en un despotisme militaire et civil, et s'approcha de la monarchie. On y peut suivre les diverses révolutions de cet État 1, et voir comment on y passa de la rigueur à l'indolence, et de l'indolence à l'impunité.

1. A. B. On y peut suivre les diverses révolutions de cet État, comment on y passa, etc.

CHAPITRE XVI.

DE LA JUSTE PROPORTION DES PEINES

AVEC LE CRIME.

Il est essentiel que les peines aient de l'harmonie entre elles, parce qu'il est essentiel que l'on évite plutôt un grand crime qu'un moindre, ce qui attaque plus la société, que ce qui la choque moins.

« Un imposteur1, qui se disoit Constantin Ducas, suscita un grand soulèvement à Constantinople. Il fut pris et condamné au fouet; mais, ayant accusé des personnes considérables, il fut condamné, comme calomniateur, à être brûlé. » Il est singulier qu'on eût ainsi proportionné les peines entre le crime de lèse-majesté et celui de calomnie 2.

Cela fait souvenir d'un mot de Charles II, roi d'Angleterre. Il vit, en passant, un homme au pilori; il demanda pourquoi il étoit là 3. « Sire, lui dit-on, c'est parce qu'il a fait des libelles contre vos ministres. »>

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« Le grand

1. Histoire de Nicéphore, patriarche de Constantinople. (M.)

2. Il est probable qu'on le fouetta pour le livrer au mépris de la populace, et qu'on punit le crime de lèse-majesté sous le prétexte de la calomnie. Il s'agit non pas d'une loi, mais d'un fait particulier. On n'en peut rien conclure sur la proportion des peines.

3. A. B. Pourquoi l'a-t-on mis là, dit-il. des écrits satiriques contre vos ministres.

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Sire, lui répondit-on, il a fait

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sot! dit le roi que ne les écrivoit-il contre moi? on ne lui auroit rien fait. >>

«Soixante-dix personnes conspirèrent contre l'empereur Basile1; il les fit fustiger; on leur brûla les cheveux et le poil. Un cerf l'ayant pris avec son bois par la ceinture, quelqu'un de sa suite tira son épée, coupa sa ceinture et le délivra; il lui fit trancher la tête, parce qu'il avoit, disoit-il, tiré l'épée contre lui. » Qui pourroit penser que, sous le même prince, on eût rendu ces deux jugements?

C'est un grand mal, parmi nous, de faire subir la même peine à celui qui vole sur un grand chemin, et à celui qui vole et assassine. Il est visible que, pour la sûreté publique, il faudroit mettre quelque différence dans la peine.

A la Chine, les voleurs cruels sont coupés en morceaux 3, les autres non cette différence fait que l'on y vole, mais qu'on n'y assassine pas.

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En Moscovie, où la peine des voleurs et celle des assassins sont les mêmes, on assassine toujours. Les morts, y dit-on, ne racontent rien.

Quand il n'y a point de différence dans la peine, il faut en mettre dans l'espérance de la grâce. En Angleterre, on n'assassine point, parce que les voleurs peuvent espérer d'être transportés dans les colonies, non pas les assassins 5.

C'est un grand ressort des gouvernements modérés

1. Histoire de Nicéphore. (M.)

2. En France.

3. Le P. Du Halde, t. I, p. 6. (M.)

4. État présent de la grande Russie, par Perry M.

5. A. Mais non les assassins

que les lettres de grâce. Ce pouvoir que le prince a de pardonner, exécuté avec sagesse, peut avoir d'admirables effets1. Le principe du gouvernement despotique, qui ne pardonne pas, et à qui on ne pardonne jamais, le prive de ces avantages.

1. Il faut prendre cette assertion avec quelque tempérament. V. inf. chap. xxi.

DE LA TORTURE OU QUESTION CONTRE LES CRIMINELS 1.

Parce que les hommes sont méchants, la loi est obligée de les supposer meilleurs qu'ils ne sont. Ainsi la déposition de deux témoins suffit dans la punition de tous les crimes. La loi les croit, comme s'ils parloient par la bouche de la vérité. L'on juge aussi que tout enfant, conçu pendant le mariage, est légitime; la loi a confiance en la mère comme si elle étoit la pudicité même. Mais la question, contre les criminels n'est pas dans un cas forcé comme ceux-ci. Nous voyons aujourd'hui une nation 2 très-bien policée la rejeter sans inconvénient. Elle n'est donc pas nécessaire par sa nature3.

Tant d'habiles gens et tant de beaux génies ont écrit contre cette pratique', que je n'ose parler après eux3.

1. A. B. De.la question ou torture, etc.

2. La nation angloise. (M.)

3. Les citoyens d'Athènes ne pouvoient être mis à la question (Lysias, Orat. in Argorat.), excepté dans le crime de lèse-majesté. On donnoit la question trente jours après la condamnation. (Curius Fortunatus, Rhetor, scol., liv. II.) Il n'y avoit pas de question préparatoire. Quant aux Romains. la loi 3 et 4 ad leg. Juliam majest. fait voir que la naissance, la dignité, la profession de la milice garantissoient de la question, si ce n'est dans le cas de crime de lèse-majesté. Voyez les sages restrictions que les lois des Wisigoths mettoient à cette pratique. (M.)

4. A. B. Ont écrit contre l'usage de la torture, que, etc. La correction est faite dans l'édition de 1751.

5. Augustin Nicolas, conseiller au parlement de Besançon, doit être cité

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