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J'allois dire qu'elle pourroit convenir dans les gouvernements despotiques, où tout ce qui inspire la crainte entre plus dans les ressorts du gouvernement; j'allois dire que les esclaves chez les Grecs et chez les Romains... Mais j'entends la voix de la nature qui crie contre moi.

au premier rang. Son petit livre intitulé: Si la torture est un moyen sûr à vérifier les crimes secrets, publié en 1681, est un de nos meilleurs écrits de jurisprudence criminelle. Parmi les adversaires de la torture, il faut également citer Ayrault, notre grand criminaliste.

DES PEINES PECUNIAIRES ET DES PEINES

CORPORELLES.

Nos pères, les Germains, n'admettoient guère que des peines pécuniaires. Ces hommes guerriers et libres estimoient que leur sang ne devoit être versé que les armes à la main. Les Japonois', au contraire, rejettent ces sortes de peines, sous prétexte que les gens riches éluderoient la punition. Mais les gens riches ne craignent-ils pas de perdre leurs biens? Les peines pécuniaires ne peuvent-elles pas se proportionner aux fortunes? Et, enfin, ne peut-on pas joindre l'infamie à ces peines?

Un bon législateur prend un juste milieu; il n'ordonne pas toujours des peines pécuniaires; il n'inflige pas toujours des peines corporelles.

1. Voyez Kempfer. (M.)

CHAPITRE XIX.

DE LA LOI DU TALION.

Les États despotiques, qui aiment les lois simples, usent beaucoup de la loi du talion 1. Les États modérés la reçoivent quelquefois; mais il y a cette différence, que les premiers la font exercer rigoureusement, et que les autres lui donnent presque toujours des tempéraments.

La loi des douze Tables en admettoit deux; elle ne condamnoit au talion que lorsqu'on n'avoit pu apaiser celui qui se plaignoit. On pouvoit, après la condamnation, payer les dommages et intérêts 3, et la peine corporelle se convertissoit en peine pécuniaire.

1. Elle est établie dans l'Alcoran. Voyez le chapitre De la vache. (M.) 2. Si membrum rupit, ni cum eo pacit, talio esto. Aulu-Gelle, liv. XX, chap. 1. (M.)

3. Ibid. (M.)

Voyez aussi la loi des Wisigoths, liv. VI, tit. IV, § 3 et 5. (M.)

DE LA PUNITION DES PÈRES POUR LEURS ENFANTS.

On punit à la Chine les pères pour les fautes de leurs enfants. C'étoit l'usage du Pérou1. Ceci est encore tiré des idées despotiques.

On a beau dire qu'on punit à la Chine le père pour n'avoir pas fait usage de ce pouvoir paternel que la nature a établi, et que les lois même y ont augmenté; cela suppose toujours qu'il n'y a point d'honneur chez les Chinois. Parmi nous, les pères, dont les enfants sont condamnés au supplice, et les enfants dont les pères ont subi le même sort, sont aussi punis par la honte, qu'ils le seroient à la Chine par la perte de la vie3.

1. Voyez Garcilasso, Histoire des guerres civiles des Espagnols. (M.) 2. Au lieu de les punir, disoit Platon, il faut les louer de ne pas ressembler à leur père. (Liv. IX des Lois). (M.)

3. Dans l'ancienne France, un préjugé, enraciné dans les mœurs, considérait comme déshonorés et presque comme infâmes les enfants de ceux qui avaient été condamnés au dernier supplice. Quelquefois même les Parlements condamnaient ces malheureux au bannissement.

CHAPITRE XXI.

DE LA CLEMENCE DU PRINCE.

La clémence est la qualité distinctive des monarques. Dans la république, où l'on a pour principe la vertu, elle est moins nécessaire. Dans l'État despotique, où règne la crainte, elle est moins en usage, parce qu'il faut contenir les grands de l'État par des exemples de sévérité. Dans les monarchies, où l'on est gouverné par l'honneur, qui souvent exige ce que la loi défend1, elle est plus nécessaire 2. La disgrâce y est un équivalent à la peine; les formalités. même des jugements y sont des punitions. C'est là que la honte vient de tous côtés pour former des genres particuliers de peine.

Les grands y sont si fort punis par la disgrâce, par la perte souvent imaginaire de leur fortune, de leur crédit, de leurs habitudes, de leurs plaisirs, que la rigueur à leur égard est inutile; elle ne peut servir qu'à ôter aux sujets l'amour qu'ils ont pour la personne du prince, et le respect qu'ils doivent avoir pour les places.

Comme l'instabilité des grands est de la nature du gouvernement despotique, leur sûreté entre dans la nature. de la monarchie.

1. En cas de duel, par exemple.

2. L'auteur ne parle que de la cour et de la noblesse de France. Il oublie quelle était la dureté des peines pour le peuple, et combien la clémence du prince était rarement mise en jeu, quand il ne s'agissait point des grands.

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