Images de page
PDF
ePub

combattu tour à tour ses ennemis et ses faux amis, avant et après le 24 février; et je ne cesserai de la défendre, dans la limite de la justice et du droit, tant que ma voix pourra se faire entendre quelque part, et cette main tenir une plume.

1er février 1850.

V. COUSIN.

[blocks in formation]

La loi de 1833 a été considérée jusqu'ici comme la charte de l'instruction primaire en France. Elle est un des premiers titres de M. Guizot à l'estime publique, et malgré quelques imperfections aisément réparables elle avait obtenu l'assentiment de tous les hommes qui en Europe et en Amérique se sont sérieusement occupés de la grande affaire de l'éducation du peuple. Je m'honore d'avoir pris une part considérable à sa préparation, à sa défense, à son développement. Mes lettres et mon Rapport sur l'instruction primaire en Allemagne (1831-1832) lui ont servi d'introduction et de fondement. Mon ouvrage sur la Hollande l'a enrichie de précieux accessoires, et je n'ai cessé d'avoir la main dans toutes les mesures, ordonnances royales, réglements et arrêtés du conseil, qui ont répandu et affermi l'instruction primaire en France, jusqu'à ces fatales ordonnances du 10 décembre 1845 qui, en supprimant ou en effaçant la grande magistrature d'un conseil permanent, ont livré l'instruction publique à l'arbitraire et peu à peu l'ont mise dans l'état de faiblesse et d'anarchie que la révolution de février a rencontré et aggravé. De tous ces travaux aujourd'hui oubliés je me borne à exhumer et

à remettre en lumière les deux rapports que je présentai en 1833 à la chambre des pairs au nom de la commission chargée de l'examen du projet de loi. Mais avant tout il est nécessaire de reproduire l'exposé ministériel qui établit avec netteté le système de la loi que mes deux rapports font connaître avec plus d'étendue.

EXPOSÉ DES MOTIFS

PRÉSENTÉS A LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS PAR M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE.

Séance du 2 janvier 1833.

MESSIEURS,

<< Le caractère du projet de loi que nous avons l'honneur de vous présenter est d'être essentiellement pratique.

Il ne repose en effet sur aucun de ces principes absolus que l'esprit de parti et l'inexpérience accréditent selon le temps et les circonstances, et qui, lorsqu'ils règnent seuls dans une loi, la rendent presque toujours vaine et stérile.

L'histoire de l'instruction primaire, depuis quarante années, est une éclatante démonstration de ce danger. Quel principe, au premier coup d'œil, paraît plus favorable que celui-ci : « Quand un gouvernement est fondé sur les «<< lumières générales, il doit à tous l'instruction nécessaire << à tous ! » Quoi de plus spécieux, de plus digne, ce semble, d'une grande nation! C'est presque l'honneur de l'assemblée constituante de s'être laissé prendre à cette illusion généreuse et, sous l'empire de l'enthousiasme qui entraînait alors les meilleurs esprits, la loi des 13 et

14 septembre 1791 décida que l'instruction serait gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensables pour tous les hommes. Ce qu'avait dit l'assemblée constituante, la convention le fit, c'est-à-dire le tenta, et décréta partout un enseignement élémentaire, avec un traitement fixe de 1,200 francs à tout instituteur sur le trésor public, ainsi qu'une retraite proportionnée. Promesse magnifique qui n'a pas produit une seule école! Quand l'État veut tout faire, il s'impose l'impossible; et comme on se lasse bientôt de lutter contre l'impossible, à des illusions gigantesques succèdent promptement le découragement, la langueur et la mort.

Du principe absolu de l'instruction primaire gratuite considérée comme une dette de l'État, passons au principe opposé qui compte encore aujourd'hui tant de partisans, celui de l'instruction primaire considérée comme une pure industrie, par conséquent livrée à la seule loi de toute industrie, la libre concurrence, et à la sollicitude naturelle des familles, sans aucune intervention de l'État. Mais cette industrie, que l'intérêt entreprend, l'intérêt seul la poursuit; l'intérêt peut donc aussi l'interrompre et l'abandonner. Les lieux où l'instruction primaire serait le plus nécessaire sont précisément ceux qui tentent le moins l'industrie, et le besoin le plus sacré demeure sans garantie et sans avenir.

Contre ces deux principes extrêmes nous adresseronsnous au principe communal? Demanderons-nous à la commune, qui semble participer à la fois de la famille et de l'État, de se charger seule de l'instruction primaire, de la surveillance, et par conséquent aussi des dépenses? Le principe communal nous jette bien loin des grandes vues de l'assemblée constituante et de la convention; il nous mène sous le gouvernement du directoire et sous la loi de

« PrécédentContinuer »