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d'illicites pourboires en pâture à la vénalité éhontée des employés, autre plaie morale qu'envenime un tarif trop élevé.

§ III. Domaine de l'État. Dans la plupart des contrées qui sont ou qui ont été turques, l'Etat possède d'immenses domaines confisqués sur les vaincus, après la conquête. En Valachie, l'Etat en possède moins qu'ailleurs; la raison en est connue : la Principauté n'a point été conquise par les Turcs, elle s'est placée d'elle-même et volontairement sous leur suzeraineté ; nul propriétaire n'a donc été dépossédé. Cependant l'État est propriétaire de terres, des maisons et du territoire des villes de Tourno, Giurgevo et Ibraïla, évacuées par les Turcs après le traité d'Andrinople. Louées aux particuliers, terres et maisons rapportent à l'État un revenu en voie de croissance, grâce au développement des villes du Danube.

IV. Droits d'entrée sur les troupeaux transylvains. - De temps immémorial, les pâtres transylvains, presque tous de race sicule, exercent la vaine pâture dans les steppes de la Valachie. Quand la Transylvanie et la Valachie faisaient partie du même empire, cette pratique n'était pas plus choquante que les migrations de la Mesta en Espagne,

et la conduite des troupeaux de la plaine dans la montagne, en Suisse ou dans les Pyrénées. Mais depuis que la fortune de la guerre a donné la Transylvanie à l'Autriche et laissé la Valachie à la Turquie, il paraît étrange que les sujets d'une puissance aient le droit d'élever et de nourrir leur bétail sur les terres d'un État voisin. Mais la force l'a imposé ainsi. Après une guerre malheureuse avec l'Autriche, la Turquie fut contrainte de signer, en 1794, le traité de Sistow, dans lequel on stipula que la Porte souffrirait les passages, repassages et séjour des pâtres et troupeaux de Transylvanie dans les provinces de Valachie et de Moldavie. Le gouvernement valaque tire de cette servitude le meilleur parti possible, en obligeant les bergers à payer une redevance proportionnée à l'importance de leurs troupeaux. Cette redevance dont la perception est donnée à ferme aux enchères, rapporte annuellement à l'Etat 102,000 piastres, soit plus de 37,740 francs.

§ V. Les taxes sur les ventes forcées, ventes volontaires faites en justice,

entamer un procès,

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sur les

celles pour

les amendes pour contraventions de police, -toutes taxes perçues à l'oc

casion de l'intervention de la justice, ne demandent

presque point d'explication. Si, au lieu d'examiner la question financière, il s'agissait ici de l'organisation judiciaire, on ferait remarquer : 1° que les tribunaux, investis de la même juridiction volontaire qu'exerçaient les curies des villes dans l'Empire romain, donnent l'authenticité aux actes dans les cas où ils en sont requis: ces cas sont rares, car le mode le plus ordinaire de constater les conventions est l'acte sous seing privé; 2o que la taxe imposée aux plaideurs qui veulent entamer un procès rend la justice inaccessible à la pauvreté, mais prévient les chicanes, dont on a trop souvent à gémir en France. Cette taxe consiste en une somme consignée par le demandeur et suffisante pour couvrir les frais du procès.

? VI. Les passe-ports sont exigés avec une rigueur et une fréquence qui rappellent les usages russes. Tout étranger, tout indigène qui veut voyager dans la Principauté, soit qu'il aille d'une ville à une autre, soit qu'il passe dans les États voisins, est obligé de s'en muuir. Nul paysan ne peut quitter son village, nul citadin sa ville sans obtenir un laisser-passer toujours refusé quand s'élève contre lui une plainte ou une dette. Force est à tout voyageur de se rendre au lieu indiqué sur sa feuille, en suivant un

itinéraire désigné; malheur à l'employé qui ne veille

pas

à l'exécution des règlements. Voici un fait particulièrement connu de l'auteur de ces lignes qui l'attestera: un étranger, porteur d'un passe-port visé par erreur pour la Russie, obtint des employés de Giurgevo de se rendre à Bucharest: saposition le mettait au-dessus des tracasseries, nulle autorité ne l'inquiéta; mais le capitaine du port fut destitué, et le directeur de la quarantaine suspendu pour n'avoir pas contraint le voyageur à se rendre en Russie, où il n'avait que faire. Le prix du passe-port est trèsmodéré; aussi l'impôt ne produit que 36,607 piastres ou 13,544 fr. 59 c.

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§ VII. Taxe sur les rangs. Dans ce pays la noblesse est purement administrative; elle est divisée en deux classes et quatre rangs dans chaque classe. Entrer dans le premier rang, passer du premier dans le second, du second dans le troisième, et enfin arriver au quatrième est l'objet de grands soucis et de vifs désirs. Imposer les vanités, en exigeant de tout sujet qui arrive à la réalisation de ses vœux une taxe proportionnée à l'importance du rang qu'il obtient, est d'une bonne administration. Le contribuable court au-devant de l'impôt, et sa bourse n'est jamais au dépourvu pour satisfaire son orgueil. Cette taxe ne

frappe que ceux en position de l'acquitter, n'atteint ni les objets de première nécessité, ni les salaires, elle n'entrave donc ni le développement agricole, ni l'activité commerciale. C'est assez faire son éloge.

Telles sont les sources du revenu valaque. Les vices du système en vigueur étaient sentis par les administrateurs du pays lorsque je le visitai. Assis sur les personnes plutôt que sur les choses, les impôts directs sont conçus dans un esprit de servitude qui choque l'esprit libéral soufflant aujourd'hui sur la Valachie. Demandés à une seule classe de personnes, respectant des privilégiés nombreux, ils ont tous les vices des impôts de priviléges; comme ils rendent peu, ils joignent aux inconvénients d'une inégalité inique les désavantages financiers d'une taxe restreinte. Les hommes éclairés gémissent de ces maux, mais n'y ont pu remédier, à cause des exigences du hatti-shériff de 1802. Beaucoup de Valaques souhaiteraient que les terres fussent imposées modérément; que les maisons des villes fussent assujetties à une taxe immobilière; qu'on frappât d'un droit léger chaque tête de bétail, et que de la sorte on fit passer l'impôt de l'homme à la terre et à ses produits. Mais de telles réformes bouleverse

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