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DIPLOMATIQUES ET ÉCONOMIQUES

SUR

LA VALACHIE.

ÉTUDE PREMIÈRE

SITUATION DIPLOMATIQUE DE LA VALACHIE.

Au nom du droit et de la justice, la Turquie affaiblie et opprimée a demandé aide à la France et à l'Angleterre; l'Angleterre et la France lui ont prodigué sans compte et sans mesure le sang de leurs soldats, l'argent de leurs trésors.

Au nom du droit et de la justice, la Valachie et avec elle la Moldavie sa sœur, faibles et opprimées aussi, demandent à la Turquie l'indépendance sous sa suzeraineté et à la charge d'un tribut.

Le droit invoqué par les Principautés est-il fondé? Leur cause est-elle juste? Se sont-elles montrées dignes de jouir de l'indépendance qu'elles récla

ment par un judicieux emploi des immunités déjà

obtenues?

Ces questions sont posées dans ces pages. L'auteur avant d'en chercher la solution a visité à deux reprises différentes et à quatre années d'intervalle les lieux et le peuple dont il va parler. Il les a visités pendant l'occupation russe et à la veille des batailles. Il les a revus après la pacification et pendant les préoccupations d'une réorganisation capitale pour la contrée. Il a publié le résultat de ses investigations le lendemain de la lutte, à la lueur des jours de paix et aux approches d'une régénération légale.

En aucun temps ses sentiments n'ont varié. Comme en 1853, il désirait en 1856 et il souhaite aujourd'hui le triomphe du droit, la justice pour les opprimés, le maintien de la foi jurée, une récompense pour les efforts généreux, enfin le respect des intérêts, des besoins et des immunités des peuples. I demande à Dieu d'éclairer les esprits et de toucher les cœurs des hommes qui ont reçu de sa volonté le pouvoir d'exaucer ces vœux et il le prie de conduire dans la voie du bien et de la prospérité ce peuple longtemps opprimé, qui voit enfin poindre pour lui l'aube de la liberté.

CHAPITRE PREMIER

SITUATION DIPLOMATIQUE DE LA VALACHIE A L'ÉGARD DE LA TURQUIE.

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A la fin du premier siècle de l'ère chrétienne, les contrées comprises entre la Tébisce, le Tyras (Dniester actuel) et l'Ister (le bas Danube), étaient habitées par un peuple entreprenant et brave; c'était le peuple dace. Il avait pour capitale Sarmisægethusa, fondée par Sarmis, ce roi que vainquit Alexandre le Grand.

La nation dace était alors commandée par un chef sage dans les conseils et intrépide dans les batailles, nommé Décébale. Chef et peuple s'étaient rendus redoutables aux nations voisines; l'Empire romain lui-même avait appris à les craindre. Domitien, impuissant à les vaincre, les avait achetés; Rome paya un tribut au barbare pour avoir la paix. Trajan refusa de solder cette honte, et déclara la guerre à Décébale. Victorieux, l'empereur repoussa les barbares au nord des Krapacks, incorpora la Dacie à l'Empire, la découpa en provinces et y éta

blit de nombreuses colonies composées de laboureurs italiens, gaulois et peut-être espagnols.

Les colons transportèrent dans ces contrées reculées le langage, les mœurs, les lois, les arts, les sciences de Rome. Le vaste pays dont on a crayonné le périmètre devint une autre Italie. Des voies militaires allaient des bords du Danube aux frontières septentrionales; l'une d'elles longeait les Krapacks en traversant la capitale qu'on n'appelait plus, après la conquête, qu'Ulpia-Trajana. Des villes populeuses et riches s'élevèrent dans la contrée; c'étaient ici Zernès et Apulum, là Parolissa et Caracalla, du nom d'un empereur, Un pont construit par Trajan

sur le Danube reliait les deux rives et aboutissait à une ville défendue par des travaux dont le pan d'une tour encore debout atteste l'importance. Ces villes étaient ornées de monuments remarquables; les arts y florissaient, il y avait des écoles, des prétoires, des temples, des cirques comme on en voyait dans les grandes villes des Gaules et des Espagnes.

De nos jours, le cultivateur en creusant un sillon, le curieux en fouillant l'emplacement de ces vieilles cités, exhument des débris. On y trouve ici, comme à Karacal ou à Jassy, des fûts de colonne ; là, comme à Tourne-Séverin, des sarcophages; ailleurs, comme

à Bouzéo, des vases et des ornements en or; en cet autre lieu, comme à Varhely, autrefois Ulpia-Trajana, des statues mutilées ou des bas-reliefs bien conservés. L'auteur de ces lignes a exhumé entre Tourne-Séverin et Tchernetz, non loin du pont de Trajan, une tête de César-Auguste, ceinte du laurier impérial, d'un bon style.

L'établissement des Goths dans la Dacie, consenti par Aurélien, n'arrêta pas le développement romain dans ces contrées. Le peuple goth fut conquis à la civilisation latine. L'historien goth, Jornandès, nous montre, mieux encore par la manière dont il écrit que par les faits qu'il rapporte, que sa nation ne barbarisa pas la contrée. Mais quand arrivèrent les grandes invasions, quand Attila et ses Huns, puis les Avars et leurs Ka-Kans, s'y furent établis, la séparation de ces pays avec l'Empire fut complète. Les descendants des anciens colons italiens, mêlés aux barbares, marchèrent au pillage du monde eivilisé. Jusqu'au milieu du xur° siècle, les peuples de ces contrées n'eurent ni autonomie, ni indépendance. Dominés par les barbares de passage, ils semblaient comme submergés sous le flot mobile des envahisseurs. Mais vers cette époque, l'Asie comme épuisée, cessa de vomir de nouvelles hordes;

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