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impôts n'a lieu que conformément aux règlements immuables du sultan; la liberté commerciale ne s'exerce qu'à la condition de respecter le monopole de toutes les denrées importantes de la Valachie ; la nomination des agents administratifs enfin se fait suivant les règlements de la Porte.

Ce peuple qui ne vote les impôts, ne procède à la nomination de ses agents que suivant les volontés turques, est-il le même que celui qui en 4393 et en 1460 se gouvernait d'après ses lois, s'administrait sans que le sultan pût intervenir, et habitait une terre d'asile pour les renégats repentants? Ces gouverneurs abaissés, investis de la puissance par le Turc, révocables par lui, sont-ils les successeurs de ces princes indépendants et souverains, élus par les boyards et le métropolitain exerçant le droit de vie et de mort sur leurs sujets et jouissant du pouvoir de faire la paix ou la guerre sans contrôle ? La contrée obligée de fournir à Constantinople le grain, le bois, le beurre, les chevaux, est-elle la même que celle dont Mahomet II s'engage à n'exiger « autre chose que la suprématie» et un tribut de dix mille piastres?

L'état de choses créé par la convention d'Akerman était pourtant de beaucoup préférable à celui qui le

précédait, car il se rapprochait davantage des capitulations primordiales. Chaque acte diplomatique tendait insensiblement vers elles; le traite d'Andrinople qui suivit la convention d'Akerman y marche rapidement. Il proclame en principe que la Porte ne possede sur les pays danubiens qu'un droit de suzeraineté, et n'y exerce son action qu'en vertu des capitulations librement consenties. L'article 5 s ́exprime dans les termes suivants : Les principautés de Moldavie et de Valachie s'étant, par une capitulation, placées sous la suzeraineté de la SublimePorte, et la Russie ayant garanti leur prospérité, il est entendu qu'elles conserveront tous les priviléges et immunités qui leur ont été accordés en vertu de leurs capitulations, soit par les traités conclus entre les deux cours impériales ou par les hatti-shérifs promulgués à diverses époques. En conséquence elles jouiront du libre exercice de leur religion, d'une parfaite sécurité, d'une administration nationale et indépendante et d'une entière liberté de

commerce. »

Un traité séparé développa ces principes. En vue de donner plus de dignité à l'hospodar, il fut stipulé qu'il serait élu à vie au lieu de l'être pour sept ans; mais en même temps on le déclara destituable

pour cause de délit. Cette restriction annihilait l'amélioration.

Pour garantir l'indépendance de l'administration intérieure, il fut dit : 1° que les hospodars régleraient toutes les affaires intérieures en consultant leurs divans sans attenter aux droits garantis par les traités; 2° que les pachas des provinces voisines ne pourraient s'immiscer dans les affaires de la principauté; 3° que les trois forteresses d'Ibraila, de Giurgevo et de Tourno, construites par les Turcs sur le territoire valaque, seraient livrées aux Roumans; 4° que les mahométans ne pourraient avoir sur aucun point de la principauté ni établissement, ni propriété, ni domicile; qu'ils ne pourraient y entrer que pour faire le commerce à leur compte, et munis de firmans de l'hospodar; - tous ceux qui possédaient des terres durent les vendre dans le délai de dix-huit mois; 5o que le gouvernement valaque pourrait établir des quarantaines ou des cordons sanitaires, et avoir des troupes pour le service de la police et de la sûreté publique.

Pour assurer la liberté du commerce, il fut convenu que les habitants des Principautés jouiraient de l'entière disposition de toutes les productions du sol et de l'industrie sans restriction; qu'ils auraient

le droit de naviguer sur le Danube avec leurs propres bâtiments, munis de passeports délivrés par l'hospodar, de commercer dans toute la Turquie sans payer ni droits de karatch, ni nul autre ; qu'enfin le sultan renoncerait à toutes les fournitures en grains, moutons, bois et autres denrées exigées pour la consommation de Constantinople. Tous les droits, impôts ou revenus autres que le tribut annuel, perçus sous les noms de karatch, idiyé, bekiabie, furent à jamais supprimés.

Ce dernier traité formait, avec le règlement organique dont on parlera plus loin, la base du droit international existant en 1853 entre la Turquie et les Principautés'.

1. M. Ganesco, élégant et iugénieux écrivain valaque, a examiné la même question à un point de vue philosophique intéressant, dans son livre intitulé: Diplomatie et Nationalité. Mme la comtesse Stourza, dans une brochure pleine de verve et de cœur, a traité du régime actuel des Principautés danubiennes. M. Paul Bataillard a posé très-brillamment et très-vigoureusement les vrais principes de la matière dans son écrit: les Principautés de Moldavie et de Valachie devant le Congrès.

CHAPITRE II.

SITUATION DIPLOMATIQUE DE LA VALACHIE A L'ÉGARD DE LA RUSSIE.

Dans les traités qu'on vient de faire connaître, la Russie remplit un rôle protecteur et bienveillant. Elle revendique en faveur des Principautés l'autonomie, l'indépendance et les droits anciens. Liberté de religion et d'administration, élection et indépendance des hospodars, permanence des pouvoirs princiers confiés d'abord pour sept ans, puis à vie aux titulaires; plénitude de la puissance dans l'intérieur de la province, exclusion des administrateurs, des sujets et des armées turcs, intégrité du territoire valaque et destruction des forteresses indûment construites, établissement de cordons sanitaires et de quarantaines, création d'une milice nationale, franchise du commerce et extinction des monopoles vexatoires, exemption des impôts onéreux ou déshonorants, fixation, limitation et abaissement du tribut, amnistie en faveur des Valaques

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