Images de page
PDF
ePub

a

Aujourd'hui, l'Autriche croit avoir des chances plus favorables que jamais, et vous la voyez qui se déclare

encore.

«En un mot, l'Autriche ne sait rien oublier; elle sera notre ennemie non-seulement tant qu'elle aura des pertes à réparer, mais encore tant que la puissance de la France pourra lui faire craindre de nouveanx affronts. Cet instinct de jalousie est plus fort que tous les intérêts, que toutes les affections jugez-en par l'inutilité de nos efforts....

«Les cabinets de l'Europe ont dans leurs archives des pièces qui prouvent combien l'Autriche, sous les fausses apparences de l'amour de la paix, nourrissait de jalousie contre la France. Le cabinet de Vienne a prostitué, à Prague, ce qu'il y a de plus sacré parmi les hommes, un médiateur, un congrès et le nom de la paix. >>

Napoléon disait encore : « La Russie a droit à une paix avantageuse; elle l'aura achetée par la dévastation de ses provinces, par la perte de sa capitale, et par deux années de guerre. L'Autriche, au contraire, n'a rien mérité : j'éprouverais une véritable répugnance à la voir, pour prix du crime qu'elle commet en violant notre alliance, recueillir le fruit et les honneurs de la pacification de l'Europe..... Et c'est sans coup férir, sans même tirer l'épée, que l'Autriche se flatte de me faire souscrire à de telles conditions! Sans tirer l'épée, cette prétention est un outrage. »>

Ces dernières paroles que Napoléon adressait à Metternich, le 28 juin 1813, dans Dresde, ne peut-on les redire aujourd'hui !

Si l'Autriche a été funeste à Napoléon Ier dans la guerre de Russie, puisqu'une fois allié à l'Autriche il n'avait plus rien à dire aux peuples et perdait ainsi son meilleur appui; l'Autriche n'a pas été moins funeste à Napoléon III

[ocr errors]

dans la seconde guerre de Russie; car, dès que l'alliance autrichienne eut été signée, le continent se trouva fermé à la France, l'armée française ne pouvait plus passer le Danube et les peuples sentirent qu'on ne ferait rien pour eux ; il ne restait plus à nos soldats qu'à mourir du choléra dans la Dobrucza ou à s'en aller combattre en Crimée, comme en un champ clos, bravement, mais sans grands résultats possibles.

La neutralité autrichienne nous a été funeste. Et l'Autriche réclame le prix de cette neutralité. Elle seule n'a rien perdu dans la guerre d'Orient, ni un ducat ni un homme, et c'est elle qui retirerait le fruit de la guerre d'Orient! D'où lui vient donc une telle outrecuidance?

Jamais l'Autriche n'aurait élevé semblable prétention contre la France si elle n'eût été appuyée par l'Angleterre. Mais, cet appui de l'Angleterre est-il donc tel qu'un gouvernement puisse s'y fier complétement. Ceux qui pensent aujourd'hui trouver là leur sauvegarde n'ont qu'à se rappeler ces paroles de Napoléon :

<< Peut-il y avoir rien de comparable au machiavélisme des ministres anglais, à leur égoïsme devant les convulsions provoquées par eux-mêmes.

«Ils sacrifièrent la malheureuse Autriche, en 1805, uniquement pour échapper à l'invasion dont je les menaçais.

Ils la sacrifièrent encore en 1809, seulement pour se mettre plus à l'aise sur la Péninsule espagnole.

<< Ils sacrifièrent la Prusse, en 1806, dans l'espoir de recouvrer le Hanovre.

<< Ils ne secoururent pas la Russie, en 1807, parce qu'ils préféraient aller saisir des colonies lointaines et qu'ils essayaient de s'emparer de l'Égypte.

<<< Ils donnèrent le spectacle de l'infâme bombardement

de Copenhague, en pleine paix, et du larcin de la flotte danoise par un vrai guet-apens.

« Enfin, durant toute la guerre de la Péninsule, dont ils cherchent à prolonger la confusion et l'anarchie, on ne les voit s'empresser qu'à trafiquer des besoins et du sang espagnol, en faisant acheter leurs services et leurs fournitures au poids de l'or et des concessions.

[ocr errors]

Quand toute l'Europe s'égorge à la faveur de leurs intrigues et de leurs subsides, eux ne s'occupent à l'écart que de leur propre sûreté, des avantages de leur commerce, de la souveraineté des mers et du monopole du monde. »

Et, maintenant, le même égoïsme caractérise la politique anglaise dans la question des Principautés Roumaines.

Il est triste de voir les ministres d'un grand peuple changer aussi complétement de langage, du jour au lendemain et sans motif sérieux, sur une question aussi simple. Le sixième protocole du Congrès de Paris, séance du 8 mars 1856, porte: « M. le premier plénipotentiaire de la Grande-Bretagne approuve et appuie la même opinion (celle émise par le comte Walewski, que la réunion des deux provinces répondait à des nécessités révélées par un examen attentif de leurs véritables intérêts), en se fondant particulièrement sur l'utilité et la convenance à prendre en sérieuse considération les vœux des populations, dont il est toujours bon, ajoute-t-il, de tenir compte. » C'est sous l'administration de lord Palmerston que lord Clarendon a tenu ce langage. Et le même lord Palmerston a, presque aussitôt après le traité, combattu l'Union des Principautés; et quand les assemblées roumaines se sont unanimement prononcées pour l'Union, il ne tient aucun compte des vœux des populations. Mais il dit, en plein

Parlement (séance du 4 mai 1858) : « Qu'on ne peut point s'immiscer dans les affaires des provinces (Moldavie et Valachie), qui sont sous la souveraineté de la Turquie ; qu'en adhérant à l'Union sous un prince étranger, les Provinces agissent sous une influence et des intrigues du dehors; que les cinq puissances de l'Europe n'eussent pu agréer aucun catholique romain, et, qu'en réalité, l'Union, sous un prince étranger, n'avait en vue que l'Union sous un prince de la famille royale de Russie. »

Ces paroles sont, pour le moins, étranges; car si les puissances garantes ne peuvent s'immiscer dans les affaires de ces pays, pourquoi y avoir convoqué des divans ad hoc et y avoir envoyé des commissaires? S'ils sont sous la souveraineté de la Turquie, pourquoi avoir écrit au traité que la Turquie n'en est que suzeraine? Le noble lord doit savoir que l'Union et le prince étranger forment deux vœux séparés; que la pensée exprimée par les Moldaves et par les Valaques est celle-ci : l'Union est bonne, elle serait meilleure avec un prince étranger. Et il ne doit pas ignorer que s'il y a eu intrigues ou influences du dehors, elles ne sont provenues que des puissances hostiles à l'Union; que s'il est des représentants de puissances qui ne se soient pas strictement tenus en dehors de toute action administrative, ce ne sont point ceux de la France, de la Prusse, ni de la Sardaigne. Le noble lord craint que le prince étranger ne soit un Russe; mais précisément les divans ont entendu donner l'exclusion aux princes des puissances voisines, c'est-à-dire turque, russe et autrichienne. Il déclare que les cinq puissances de l'Europe ne pourraient agréer de catholique romain: mais il n'a point vu, ce nous semble, que les Roumains se soient prononcés contre un membre de la famille royale d'Angleterre. Puis, il y a des puissances que l'on regarde

29

comme catholiques, et qui, pourtant, sont sans religion d'État, et, par conséquent, sans fanatisme religieux. Et le noble lord pense-t-il que l'influence de l'Autriche, intolérante, apostolique et papiste, serait moins funeste à l'Angleterre sur le Danube, que le gouvernement, par exemple, d'un prince tolérant et libéral de la maison de Savoie? Tous les scrupules auraient dû s'évanouir devant cette disposition des vœux roumains, que les héritiers du nouveau prince doivent être élevés dans la religion du pays. Ce qui, d'ailleurs, est conforme à ce qui a été, en 1852, stipulé à Londres pour la succession au trône de la Grèce.

Le chancelier actuel de l'échiquier, M. D'Israëli, reprochait amèrement à lord John Russell, de tenir à Londres un autre langage que celui qu'il avait tenu aux conférences de Vienne. Mais quand il combattait, avec quelque légèreté, on peut le dire, les droits du peuple Roumain, M. d'Israëli avait-il donc oublié qu'il s'en était constitué le défenseur à la séance des communes du 8 juin 1855, où il demandait la constitution sur le Danube d'un État Roumain, qu'il appelait une seconde Belgique. Quel motif grave avait pu déterminer l'honorable gentleman à renier ainsi sa parole, pour adopter exactement la politique du ministre qu'il avait combattu et renversé : c'est ce que l'on a vainement cherché. Et cela n'ajoute pas à la considération des ministres de la Grande-Bretagne.

Napoléon disait à Sainte-Hélène : « Depuis un demisiècle, les ministres anglais ont toujours été en baissant de considération et d'estime publique. Jadis ils étaient disputés par de grands partis nationaux, caractérisés par de grands systèmes distincts; aujourd'hui ce ne sont plus que les débats d'une même oligarchie ayant toujours le même but et dont les membres discordants s'arrangent entre eux à l'aide de concessions et de compromis : ils

« PrécédentContinuer »