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Où me réduit l'ingrat! Que sert ce diadême
Si je ne puis enfin couronner ce que j'aime?
Mais quel est cet hymen dont on défend les droits?
Quels sujets orgueilleux! est-ce un peuple de rois?
Quelles sont ces vertus farouches et bizarres?

Le devoir en ces lieux fait-il donc des barbares?
Par un terrible exemple il faut leur enseigner
Qu'il n'est ici qu'un maître, et que je sais régner.
Holà, gardes!

SCENE VI.

ÉDOUARD, VOLFAX.

ÉDOUARD.

Volfax, venge-moi d'un rebelle.

VOLFAX.

Seigneur, nommez le traître, et cette main fidele... · ÉDOUARD.

Au nom du criminel tu frémiras d'effroi.

Ce sage révéré, cet ami de son roi,

Comblé de mes bienfaits, chargé de ma puissance, Le croiras-tu? Vorcestre, oui, Vorcestre m'offense; Il ose me trahir.

VOL FAX.

Vorcestre! lui, seigneur!

Lui qui parut toujours l'oracle de l'honneur!
Peut-être en croyez-vous un douteux témoignage?

ÉDOUARD.

Je n'en crois que moi-même, et j'ai reçu l'outrage;
Cet esprit de révolte éclaire enfin mes yeux,
Et me confirme trop des soupçons odieux.

VOLFAX.

On vient de m'annoncer la trame la plus noire...
Je le justifiois... O ciel! qu'on doit peu croire
Aux dehors imposants des humaines vertus!
ÉDOUARD.

Parle; que t'a-t-on dit? rien ne m'étonne plus.

VOLFAX.

Dispensez-moi, seigneur, d'en dire davantage;
Il est d'autres témoins des maux que j'envisage,
Et je crois avec peine un si noir attentat.

ÉDOUARD.

Acheve, je le veux; je crois tout d'un ingrat.

VOLFAX.

J'obéis, puisqu'enfin ce n'est plus qu'un coupable:
Je vois que son forfait n'est que trop véritable;
Je rapproche les temps, ses projets, ses discours.
Dans le conseil, seigneur, vous l'avez vu toujours
Contraire à vos desseins, contraire à votre gloire;
Il tâchoit d'étouffer l'amour de la victoire: *

Je vois trop maintenant par quels motifs secrets

Ses dangereux conseils ne tendent qu'à la paix.
ÉDOUARD.

Oui, tu m'ouvres les yeux; aujourd'hui même encore,
Trahissant le renom dont l'univers m'honore,

Il m'osoit conseiller un indigne repos.

VOLFAX.

Pour en savoir la cause apprenez ses complots;

Dans la sécurité d'une paix infidele

On vous laisse ignorer que

l'Écosse rebelle...

ÉDOUARD.

Je ne le sais que trop; de fideles sujets

M'ont découvert sans lui ces mouvements secrets.

VOLFAX.

De ces déguisements l'honneur est-il capable?
Qui peut taire un complot lui-même en est coupable.
Peut-être jusqu'au trône osant porter ses vœux,
Appui des Ecossois, il veut régner sur eux;
C'est pour favoriser ces ligues ennemies
Qu'il prétend séparer vos forces réunies,
En des ports différents disperser vos vaisseaux,
Et borner à régner le destin d'un héros.

Il avoit des vertus, il avoit votre estime,

Seigneur; mais pour régner quand il ne faut qu'un crime,
L'honneur est-il un frein à l'orgueil des mortels?
L'espoir du trône a fait les fameux criminels,

Et, fausse trop souvent, cette altiere sagesse
N'attend qu'un crime heureux pour montrer sa bassesse:
ÉDOUARD.

Le perfide!

VOLFAX.

Je crains autant que sa fureur

Ce renom de vertu que lui donne l'erreur;

Par ces vains préjugés, entraînés dans ses brigues,

Tous croiront vous servir en servant ses intrigues;
De la rebellion l'étendard abhorré

Deviendroit dans ses mains un étendard sacré...
ÉDOUARD.

Va; qu'on l'amene ici... Mais que vois-je? il s'avance.

SCENE VII.

ÉDOUARD, VORCESTRE, VOLFAX.

VORCESTRE.

Daignez remplir, seigneur, ma derniere espérance.
Si le ciel m'eût permis de consacrer toujours
Au bien de cet état mes travaux et mes jours,
J'eusse été trop heureux : par un destin contraire,
Forcé, vous le savez, au malheur de déplaire,
Trop vrai pour me trahir, je dois, fuyant ces lieux,
Soustraire à vos regards un objet odieux.

Souffrez donc qu'aujourd'hui dans un obscur asile,
Inutile à l'état, moi-même je m'exile.

Ne tenant plus à rien que par de tendres vœux
Pour la félicité d'un peuple généreux,
J'attendrai sans regret la fin de ma carriere,
Si, d'un dernier regard honorant ma priere,
Vous conservez, seigneur, par de justes projets,
Le premier bien d'un roi, l'amour de vos sujets.
ÉDOUARD.

Vous apprendrez dans peu ma volonté suprême;
Sortez.

SCENE VIII.

ÉDOUARD, VOLFAX.

ÉDOUARD.

Qu'ai-je entendu? qu'en croiras-tu toi-même! Peut-on le soupçonner de tramer un forfait Quand il fuit et ne veut qu'un exil pour bienfait?

VOLFAX.

Seigneur, ainsi que vous, sa démarche m'étonne.
Que ne puis-je penser qu'à tort on le soupçonne?
Mais deux garants trop sûrs de cette trahison
Malgré moi m'ont conduit au-delà du soupçon.
Je dirai plus, seigneur; le zele, qui m'éclaire,
Me fait jour à travers ce ténébreux mystere;
Par le pas qu'il a fait je le crois convaincu :
Le crime prend souvent la voix de la vertu.
Oui, ce même départ qu'apprête l'infidele
Est de sa trahison une preuve nouvelle.
S'il vous fait consentir à son éloignement,
C'est pour tromper vos yeux, et fuir plus sûrement.
Cet exil prétendu que ses vœux vous demandent
Joindra peut-être un chef aux traîtres qui l'attendent;
Dans ces climats conquis, placés tous par son choix,
Ceux qui regnent pour vous marcheront à sa voix;
Tout le seconde enfin, et tout veut qu'on le craigne :
S'il demeure, il conspire; et s'il échappe, il regne.

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