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à contempler, à admirer, à essayer de comprendre dans l'immense panorama de la nature!

Depuis les premières observations de quelques nommes de génie dans l'antiquité, les Aristote et les Archimède, jusqu'aux prodigieuses découvertes, nées hier sous nos yeux et l'honneur de notre siècle, applications de la vapeur, de l'électricité, ou de la chimie, que d'admirables éclairs de l'intelligence humaine, que de conquêtes glorieuses sur l'ignorance primitive de notre espèce! Qui pourrait, sans être ému, sans être pénétré de respect et saisi d'admiration, entrer dans ce cercle des sciences qui va s'élargissant sans cesse, et, de siècle en siècle, tend de tous les points de sa circonférence vers l'infini!

Dans l'industrie, comment ne pas admirer tant de nombreux témoignages de la puissance humaine en lutte avec la nature, soit qu'on la suive cherchant l'or, le fer, la houille dans les entrailles de la terre, soit qu'on la contemple à l'œuvre dans ces fournaises éblouissantes, dans ces ruches laborieuses, usines et fabriques, où, nuit et jour, des essaims d'hommes font subir à la matière les transformations nécessaires à l'accroissement de notre bien-être, de nos forces, et au perfectionnement de nos moyens d'action.

Et quelles merveilles que ces chefs-d'œuvre des arts, peinture, sculpture, architecture, musique, ou poésie, dont les inspirations variées sont pour nous

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l'intarissable source de surprises si charmantes et de si doux ravissements!

D'autre part, les grands enseignements de la vie humaine ne sont pas moins dignes de captiver notre attention. L'histoire surprend notre âme par ses vicissitudes, l'élève et l'enthousiasme par l'exemple de ses héroïsmes, en même temps que cette ame elle-même nous attire et nous étonne par ses instincts étranges, par ses facultés parfois si extraordinaires, par ses passions si généreuses ou si terribles.

Qu'il serait à plaindre celui qui, au milieu de tant de merveilles, se sentirait froid et impuissant à admirer!

L'admiration pour tout ce qui a une véritable grandeur est la plus noble de nos facultés et aussi la plus heureuse, car c'est celle qui a le plus de sujets de se satisfaire, sans mélange d'amertume, d'envie, ou d'aucun des sentiments qui abaissent ou altèrent la dignité de notre nature.

Il n'y a que deux sortes d'états de l'âme où l'on puisse concevoir qu'il ne se trouve point de place pour l'admiration: une ignorance extrême comparable à celle des êtres inférieurs à l'homme, qui, quelle que soit l'intelligence qu'on veuille leur donner, très-probablement n'admirent guère; ou l'orgueil d'un esprit aride, qui se condamne volontairement à l'indifférence, à l'impassibilité, imaginan

sans doute que ne paraître surpris de rien est une marque de supériorité, et que ne point résister à l'enthousiasme est une faiblesse.

Laissons-nous aller, simplement, naturellement aux délicieux enchantements qui rayonnent de toutes ces magnificences de l'univers, de toutes ces beautés et de tous ces progrès de la civilisation, qui nous font aimer le don de la vie, nous aident à supporter nos épreuves, nous consolent de nos misères, et nous inspirent la confiance qu'un jour l'étincelle sacrée qui est en nous deviendra flamme et notre petitesse grandeur.

Et ainsi entraînés, élevés par notre admiratio.1, cédons à l'attrait et au charme qui ne sauraient manquer de faire naître en nous le goût et la volonté de nous instruire. Quoi de plus simple que d'aspirer à étudier et à connaître ce que nous admirons! Et ne craignons pas que l'étude et la connaissance affaiblissent en nous le don et le bonheur d'admirer. Il y a aussi une admiration, dit Joubert, qui est fille du savoir 1. »

Loin de nous assurément la pensée de critiquer l'emploi de méthodes plus sévères pour répandre et populariser les connaissances utiles à tous les hommes. Mais n'est-ce pas au moment où, grâce à l'accroissement rapide des écoles et des cours publics,

1. Pensées, essais et maximes

un grand nombre de nouvelles intelligences s'entr'ouvrent à la curiosité d'apprendre, qu'il est opportun et utile de montrer les pentes agréables et faciles qui conduisent aux premières études des sciences et des arts. La raison suffira bien pour enseigner ensuite que des efforts plus sérieux deviendront nécessaires lorsque le goût, une fois né, aura communiqué aux esprits la persévérance et l'énergie d'application sans lesquelles, en effet, on ne saurait s'approprier une instruction solide et suffisamment complète.

Voilà le but que nous nous proposons d'atteindre par cette série d'ouvrages dont nous avons commencé la publication; voilà ce que veut exprimer, annoncer et conseiller notre titre; voilà la conviction et l'espérance que partagent les professeurs, les savants, les littérateurs qui se sont groupés autour de nous, animés qu'ils sont, ainsi que nous, du désir de seconder l'heureux mouvement qui porte aujourd'hui toutes les classes de la société vers l'instruction.

A peine est-il utile d'ajouter que celui qui écrit ces lignes et qu'on a bien voulu charger de la direction de cette encyclopédie nouvelle, ne négligera rien de ce que lui a enseigné l'expérience et de ce que lui commande son dévouement à la grande cause de l'instruction, pour rendre la Bibliothèque des merveilles aussi digne qu'il lui sera possible de

l'estime publique. Chacun de ces petits volumes, d'un prix peu élevé, étant imprimé à quelques milliers d'exemplaires seulement pour chaque édition, il sera facile de les tenir incessamment au courant de tous les progrès des sciences et des arts. C'est ce qu'on ne peut pas faire aisément dans les volumineuses encyclopédies, stéréotypées ou non, dont les articles, enchaînés en quelque sorte les uns aux autres, ne sauraient être modifiés ou renouvelés qu'à de très-longs intervalles. Les lacunes, presque inévitables, seront de même comblées sans aucune difficulté dès qu'on le jugera utile. De nos jours l'esprit humain va vite : il faut le suivre d'un pas agile: le service que doivent rendre ces recueils encyclopédiques est de résumer, pour le plus grand nombre des lecteurs, la science du passé, ce qu'y ajoute le présent, et d'ouvrir aussi quelque perspective de ce qu'il est permis d'entrevoir dans l'avenir.

1 janvier 1866.

ÉDOUARD CHARTON.

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