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Seine, ou icellui duc (de Berri) tenoit ses chevaulx, et n'estoit point loing de l'ostel de Néelle, au dehors de la porte 1. » Le duc, qui vécut cependant jusqu'en 1416, ne fit pas rétablir cette annexe de son hôtel.

Le duc de Berri partageait la passion de son frère Charles V pour les livres. La riche bibliothèque qu'il avait rassemblée au château de Mehun-sur-Yèvre fut, après sa mort, transportée à l'hôtel de Nesle, pour y être prisée et vendue à la requête des nombreux créanciers du prince. L'hôtel était alors habité par Isabeau de Bavière, qui y donna des fêtes. L'année même de la mort de Charles VI, on y joua le mystère de la passion de SaintGeorges, en l'honneur du roi d'Angleterre, qu'Isabeau avait fait déclarer héritier du trône de France, et à qui elle avait promis sa fille Catherine. En 1446, Charles VII accorda l'hôtel de Nesle à François Ier, duc de Bretagne, en considération des services qu'il avait rendus pendant la guerre contre les Anglais. Le duc mourut sans postérité, et l'hôtel fut alors donné (1460) au comte de Charolais, qui devint le fameux Charles le Téméraire.

Les beaux jours de l'hôtel de Nesle sont terminés. Il reste propriété royale, mais aucun roi n'y logera plus, et il va recevoir les destinations les plus variées.

En 1523, François Ier ayant institué un bailli spécial, chargé de juger certains délits commis par les écoliers, l'hôtel de Nesle devint le siège de cette nouvelle juridiction. Celle-ci fut d'ailleurs supprimée ou du moins réunie au Châtelet trois ans après 2.

Il semble que, dès cette époque, l'hôtel de Nesle était divisé en deux parties le grand Nesle, représentant l'ancien hôtel, et qui était resté la propriété du roi; le petit Nesle, comprenant la tour, la porte et le fossé qui avaient été donnés tous trois à

la ville de Paris.

Mais une donation royale constituait alors, comme on va le

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2. Voy. Delamarre, Traité de la police, t. I, p. 227, et Isambert, Anciennes lois françaises, t. II, p. 203 et 273.

voir, un titre fort peu sûr. En 1540, quand Benvenuto Cellini fut présenté à François Ier, l'artiste demanda et obtint la jouissance du petit Nesle 1.

Dix ans après, le prévôt des marchands dut encore s'incliner devant la volonté du roi, et dans des circonstances à peu près semblables. Par édit du 25 mars 1549, François Ier ordonna d'installer au petit Nesle une forge pour la fabrication des pièces de deux sols six deniers, et l'édit portait injonction de « contraindre les détenteurs dudit lieu de Nesle par toutes voyes, nonobstant le don qu'ils en ont ou pourroient avoir obtenu 2. »

Depuis 1525, époque de la captivité de François Ier, la porte de Nesle était restée murée, et le pont qui la précédait tombait en ruines. La porte fut rouverte en 1550, et l'on établit au-dessus du fossé un petit pont de bois, qui figure encore sur le plan de

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Mérian (1615); il fut plus tard reconstruit en pierre, comme on le voit sur toutes les estampes du XVIIe siècle.

1. OEuvres, trad. L. Leclanché, t. I, p. 347.

2. Isambert, Anciennes lois françaises, t. XIII, p. 163.

Deux ans plus tard (janvier 1552), des lettres patentes de Henri II ordonnèrent que « la maison, place, pourpris et tenue du grand Nesle» fussent » vendus au plus offrant et dernier enchérisseur, à la charge de cens et rentes au profit du roi. »> On réservait la tour, la porte et le fossé, qui demeuraient propriété de la ville de Paris. Celle-ci, en 1571, loua à un marchand, nommé Balthasar Bordier, la tour, «< chambres, cellier, jardin, terrasse et autres petits édifices joignant ladite tour, » moyennant trente livres tournois par année.

Il ne semble pas qu'aucun acquéreur se soit présenté alors, et le plan dit de Ducerceau, qui date de 1560, indique encore

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l'ostel de Nesle comme intact. En 1572 seulement, le 28 novembre, un état des lieux du grand et du petit Nesle fut dressé par Étienne Grandremy et Léonard Fontaine, tous deux «< maîtres des œuvres de maçonnerie et charpenterie du roi. » Leur procès-verbal, qui était conservé à la bibliothèque de la ville de Paris, est rempli de renseignements précieux et que l'on chercherait vainement ailleurs. On y voit que le grand Nesle couvrait une superficie totale de 3,386 toises trois quarts, non compris l'épaisseur des murs. Le petit Nesle, « tenant aux gros

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D'après une des planches du Topographia Galliæ de Mérian, 1655, in-folio.

murs de la closture de la ville,» représentait seulement une surface de 1,771 toises et demie; on y trouvait, outre le corps de logis principal, un jardin, des cours, un jeu de paume, une écurie, une grange, etc.

Le but avoué du roi était de « recouvrer le plus d'argent comptant. » Les experts, pour faciliter la vente, proposèrent de percer, par le milieu du grand Nesle, une rue « de quatre toises et demie de large, depuis le devant sur le quai des Augustins, jusques contre le mur qui sépare la grand cour et le jardin de derrière le petit Nesle. » On n'eut pas besoin d'en venir là, car le lot tout entier fut presque aussitôt acheté par Louis de Gonzague, prince de Nevers. Il y fit construire une habitation d'une telle magnificence que Henri IV lui dit un jour en riant : <«< Mon neveu, j'irai loger chez vous quand votre maison sera achevée. » Il est vrai qu'elle ne le fut jamais complètement.

C'était un vaste et imposant édifice de brique et de pierre, ayant quelque rapport avec les pavillons de la place Royale '. En y réunissant ses cours et ses immenses jardins, il couvrait presque tout l'emplacement aujourd'hui compris entre le pavillon de la bibliothèque Mazarine et la rue Dauphine. Le plan de Quesnel (année 1609) et celui de Mérian (vers 1615) en donnent une image assez confuse, mais que les estampes du temps permettent de compléter. Les princesses de la maison de NeversGonzague ont rendu célèbre cette demeure, qui conserva longtemps une réputation méritée d'élégance. C'est là que Henriette de Clèves, duchesse de Nevers, pleura la mort de Coconas, son amant, décapité en 1574, et dont elle conservait près de son lit la tête embaumée. Soixante ans plus tard, Marie de Gonzague, petite-fille de Henriette, pleurait dans la même chambre la mort tragique de son amant Cinq-Mars; ce qui ne l'empêcha pas d'épouser ensuite deux rois de Pologne.

En 1641, elle ordonna de démolir cet hôtel, et obtint du roi des lettres patentes qui l'autorisaient à vendre l'emplacement pour y bâtir des maisons et y ouvrir des rues.

1. Voy. la planche ci-contre.

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