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qui allait être démolie. Louis XIV intervint, M. de Guénégaud courba la tête, laissa chaque toise pour cent vingt livres et accepta en payement une rente de quinze cents livres.

On donna encore vingt-deux mille deux cents livres « à Jean Rupalley, bourgeois de Paris, » et dix mille deux cent douze livres à l'architecte Lambert, tous deux propriétaires de « places vaines et vagues avoisinant la porte de Nesle, contrescarpe et fossé d'icelle. >>

Le garde-clefs de la porte de Nesle, Estienne Leguay, reçut une indemnité de huit cents livres pour « son logement et charge de portier. » Les échoppes qui existaient au pied de la tour appartenaient à la ville. Depuis quarante ans elles étaient louées à Magdeleine Gruin, veuve de Guillaume Sachet, «< premier valet de chambre de la reyne Marguerite, » elle les sous-louait à de petits artisans et se faisait ainsi un revenu de mille deux cent quatre-vingts livres ; une indemnité de douze mille livres lui fut accordée.

Les maisons bâties aux environs de la porte de Nesle et qui durent être achetées par les exécuteurs testamentaires avaient, du reste, peu de valeur. La plus chère fut payée trente-quatre mille livres; elle faisait le coin de la rue de Seine et du quai, et appartenait à François Popineau, procureur au Parlement. Une autre, située petite rue de Nesle 1, fut achetée trente mille livres à Pierre Ariste, « premier commis de M. de Brienne, cy-devant secrétaire d'Estat 2. » On donna trente-cinq mille livres à l'avocat Jean Mingot, pour six maisons « faisans l'ancoignure de la rüe du fossé de la porte de Nesle et de la rüe de Seine. » On accorda encore onze mille livres à Marie Petit, veuve de Christophle Cruchet, juré porteur de charbon 3; vingt mille livres à

1. La petite rue de Nesle occupait le retour d'équerre qui va de la rue Mazarine à la rue de Seine.

2. Henri-Auguste de Loménie, comte de Brienne. Il fut encore ministre des affaires étrangères pendant la minorité de Louis XV.

3. Il y avait alors devant le quai de Nesle un dépôt de charbon. On le vendait à la voie; chaque voie contenait seize boisseaux, et le prix, dans

Jean Onfroy, «< conseiller secrétaire du roy; » douze mille à Geneviève Jeallin, veuve de Jean le Comte, « fourrier des Cent-Suisses de la garde du roy,» et neuf mille cinq cents livres à André Maurice, «sergent à verge au Chastelet: » tous quatre possédaient des bâtiments sur le quai Malaquais. Bernard du Bus, << marchand espicier, » reçut dix mille cinq cents livres pour une maison «< scize au coing de la petite rue de Nesle. » Nous trouvons encore vingt-six mille livres accordées à Antoine Tournaire, « scellier; » dix-huit mille livres à Claude Robert, serrurier, et sept mille livres à Esloy Antheaume, marchand chandelier, dont les maisons étaient situées petite rue de Nesle 1.

En somme, les dépenses faites pour l'achat du terrain, les expropriations et les diverses indemnités, s'élevèrent à cinq cent soixante-quatorze mille cinq cents livres 2.

On commença aussitôt les constructions. Le plan de Levau ayant été adopté, ce fut lui qui fut chargé d'en diriger l'exécution 3. Deux autres architectes de mérite, Lambert et Dorbay, furent placés sous ses ordres et conduisirent les travaux. Un arrêté des exécuteurs testamentaires fixa à trois mille livres les honoraires de Levau, qui devaient lui être payés « par chacun an, tant et sy long temps qu'il seroit employé pour conduire et controller les bastimens de la fondation . » Lambert et Dorbay recevaient seulement douze cents livres. Le trésorier était un sieur Mariage, qui est qualifié agent général des affaires de la

l'espace de cent ans, varia entre 4 et 3 livres. L'usage était de donner 5 ou 6 sols au porteur. Il existait deux autres ports pour le charbon, l'un à la porte Saint-Bernard, l'autre à la Grève.

1. Compte rendu par M. Mariage, trésorier du collège Mazarini, de la recepte et despence des revenus dudit collège. Archives nat., série II, carton n° 2,822.

2. Registre des délibérations du conseil de la fondation du collège Mazarini. Archives nat., série MM, registre n° 462, p. 77.

3. « Edibus illis construendis præfectus est vir in arte architectonica peritissimus et magni nominis D. Le Vau. » Præfatio catalogi alphabetici bibliothecæ Mazarineæ.

4. Compte rendu par M. Mariage, etc. Archives nat., série H, carton n° 2,822.

HIST. DE LA BIBLIOTHÈQUE Mazarine.

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reine. Il soldait les entrepreneurs sur des mandats signés de Levau et contrôlés par un sieur Aubry 1.

Dès l'origine, le pavillon occidental porta le nom de pavillon des Arts, qu'il conserva jusqu'à la Révolution. L'autre fut appelé pavillon de la Bibliothèque, il marque très exactement l'endroit où se trouvait la tour de Nesle 2. On peut s'en assurer, en consultant, aux Archives nationales 3, un grand plan collé sur toile, qui a au moins un mètre et demi de long, et qui a été dressé par Levau lui-même; on y trouve superposées les constructions nouvelles et celles qui figuraient auparavant sur cet emplace

ment.

D'après un devis arrêté également par Levau, voici comment devaient se répartir les dépenses:

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1. Journal de la despence qui est faite par M. Mariage pour le collège Mazarini. Archives nat., série II, no 2,824.

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« Certum fuit ædi

2. Lemaire, Paris ancien et nouveau, t. II, p. 556. ficare collegium in solo vacuo et libero, cujusmodi erant fossæ quibus prope ripam Sequanæ urbem munientibus imperabat turris dicta de Nesle. Atque hic ubi tunc temporis surgebat turris hæc, nunc surgit ædificium bibliothecæ. » Præfatio catalogi alphabetici bibliothecæ Mazarineæ, p. 3.

3. Plans, Seine, IIIe classe, no 710. Voy. aussi, dans le Paris à travers les âges, le plan qui accompagne le chapitre consacré à L'hôtel de Nesle, le Pré aux clercs et l'abbaye Saint-Germain-des-Prés.

4. J'en donne ci-contre une réduction. Onl it sur l'original:

<< Plan général de tous les bastimens faictz et à faire pour le collége Mazariny, en l'estat que les lieux sont à présent, où se voyent les anciens vestiges des bastimens de l'hostel de Nesle qu'il fault desmollir, et la place de tous les logemens dudit collège comme ils doibvent estre estant achevez.

«Dressez par nous Louis Le Vau, conseiller du Roy en ses conseilz, intendant et premier architecte de Sa Majesté, et que nous certiffions véritable, ainsy qu'il est contenu par le procès verbal de messieurs les commissaires depputez par Sa Majesté ce jourd'huy vingtroisiesme juin MVI soixante cinq.

LE VAU. »

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On se rappelle que Mazarin avait laissé deux millions pour la construction du collège, cette somme se serait donc trouvée à peine dépassée. Mais le devis de Levau est évidemment bien au-dessous de la vérité. S'il mentionne, il est vrai, le manège qui ne fut pas construit, il ne dit pas un mot des travaux qui furent entrepris pour le revêtement du quai, depuis l'hôtel de Nevers jusqu'à la rue des Augustins, travaux qui coûtèrent cent cinquante mille livres, et il ne compte que trois cent dix mille livres pour les seize maisons situées rue Mazarine et rue Guénégaud. Or, du mois d'août 1665 au mois d'octobre 1666, un million deux cent quatre-vingt-quatre mille sept cent cinquante livres furent données à l'entrepreneur des maçonneries. C'était là, au reste, la dépense principale. Nous pourrions faire le relevé de toutes les autres, car nous avons sous les yeux des registres qui mentionnent les sommes, même les plus minimes, payées aux ouvriers pendant tout le cours des travaux. Mais, au milieu de ce dédale de chiffres, les recherches sont loin d'être faciles. Rappelons cependant que l'horloge du collège fut fournie par Henry Martinot <«<orlogeur, » et coûta mille huit cent six livres 2. Les deux cadrans solaires qui existent encore furent faits par Pierre Barthélemy, tailleur de pierre, et payés quarante-cinq livres 3. Enfin,

1. Registre des délibérations du conseil de la fondation du collége Mazarini. Archives nat., série MM, registre no 462, p. 77 et 78.

2. Le payement fut fait en deux fois : Compte rendu par M. Mariage, trésorier du collège Mazarini. Archives nat., H, 2,822; et Compte que rend Simon Mariage au nom et comme fondé de procuration de Nosseigneurs les exécuteurs testamentaires... Archives nat., H, 2,823.

3. Journal de la despence qui est faite par M. Mariage pour le collège Mazarini. Archives nat., H, 2,824.

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