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eût exposé ses enfants. Avec raison, elle redoutait pour eux, et l'asservissement à une règle inflexible qui dénature et amollit le caractère, et l'influence énervante d'un travail incessant et forcé, qui enlève à l'esprit sa spontanéité, son originalité et sa grâce. D'ailleurs, l'héritier du nom et des armes de la famille devait, avant tout, prendre les habitudes, le ton et les manières du monde dans lequel il était destiné à vivre, et il ne pouvait guère les acquérir qu'à la demeure paternelle.

Mazarin montra qu'il avait senti tout cela, lorsque, fondant un collège spécialement destiné à la noblesse, il ordonna, tout cardinal qu'il était, que l'équitation, l'escrime et la danse feraient partie intégrante de l'éducation qu'on y recevrait. Sa pensée fut si peu saisie, que les architectes prirent d'abord sur eux de ne pas construire le manège, puis vint l'Université qui se voila la face, et, d'un trait de plume, annula la volonté de Mazarin. Il en résulta que l'établissement, ainsi mutilé, ne répondit. plus du tout à son but. Aussi, quoiqu'il présentât de grands avantages sur les autres collèges, quoiqu'il eût été déclaré par Louis XIV FONDATION ROYALE, les grandes familles ne l'acceptèrent jamais, et la noblesse pauvre daigna seule y envoyer ses enfants. De là, le peu de noms historiques que nous fournira la liste des jeunes gens qui, dans l'espace de cent ans, y furent élevés.

Les exécuteurs testamentaires s'inquiétèrent peu de faire respecter les intentions formelles du cardinal, ils acceptèrent la décision de l'Université. Et le roi lui-même, qui, par ses lettres patentes de 1665, avait approuvé la création de l'académie, ordonne, par celles de 1688, qu'elle ne sera pas exécutée.

J'ai dit que Mazarin avait eu soin de régler d'avance, dans l'acte de fondation, le nombre et les attributions des fonctionnaires supérieurs du collège. Il vit, sur ce point ses volontés respectées. Le nouvel établissement fut donc placé sous la haute autorité de la maison de Sorbonne. Chaque année, quatre docteurs de cette société étaient désignés pour entendre et vérifier le rapport du procureur. Cette organisation ne fut modifiée qu'en

1791. A cette date, les docteurs désignés ayant refusé de prêter serment à la constitution civile du clergé, ne purent se réunir 1. Le rôle de ces quatre inspecteurs se bornait, au reste, à exercer sur la fondation une surveillance générale. Un autre docteur de la Sorbonne était le chef réel du collège. Il avait le titre de grand-maître, et cette qualification un peu prétentieuse a excité la verve de plus d'un écrivain. « C'est ainsi qu'Homère appelait Jupiter, dit Sébastien Mercier, summus moderator Olympi 2. »

Immédiatement au-dessous du grand-maître venait le bibliothécaire. Le procureur protesta pendant longtemps, il prétendait aussi à la seconde place; mais en 1767, cette grave question hiérarchique fut définitivement vidée à l'avantage du bibliothécaire 3. Celui-ci devait, comme le grand-maître, être docteur de Sorbonne, et son titre indique assez en quoi consistaient ses fonctions. Il nommait le sous-bibliothécaire et les deux « serviteurs » de la bibliothèque. Avant d'entrer en charge, il signait l'inventaire des livres commis à sa garde, et plus d'une fois, l'on pris sur sa succession la somme nécessaire pour remplacer quelques ouvrages qui, durant sa gestion, avaient été détruits ou égarés.

Le traitement du bibliothécaire varia de onze cents à dix-huit cents livres. Il était, à cet égard, placé sur le même pied que le procureur. Celui-ci dirigeait toute l'administration matérielle du collège. Le réfectoire et la lingerie, les traités avec les fournisseurs, l'entretien des bâtiments étaient exclusivement de son domaine, et il présentait chaque année aux inspecteurs le compte des recettes et des dépenses de l'établissement. Tous ces comptes rendus sont aujourd'hui conservés aux Archives nationales, et

1. Registre pour servir aux délibérations et arrêtés de MM. les inspecteurs et grand-maitre du collège Mazarin. Archives nat., MM 464, p. 148. 2. Tableau de Paris, t. V, p. 141.

3. Compte que rend messire Emmanuel-Clément-Chrétien Bruget, etc. Archives nat., H 2835. Aux termes de l'art. 30 des Lettres patentes de 1688, le bibliothécaire ne devait avoir la préséance sur le procureur que quand celui-ci était moins ancien.

4. Lettres patentes de 1688, art. 22.

Recueil de la fondation, p. 8.

c'est grâce à eux que j'ai pu retrouver l'histoire et l'organisation du collège. Le procureur avait droit à un commis, qu'il choisissait et qu'il pouvait révoquer1.

Après le procureur, venait le sous-principal. Il avait dans ses attributions la surveillance directe des élèves; de là le nom de chien de cour, sous lequel il était souvent désigné. Sévère maintien de la discipline, il remettait tous les soirs au grand-maître un rapport de la conduite des écoliers durant la journée.

Le sous-bibliothécaire présidait au service public de la bibliothèque et avait la haute main sur les deux gardiens chargés de donner les livres aux travailleurs.

Venaient enfin les professeurs ou régents, le chapelain, les sous-maîtres et les domestiques, représentant à eux tous trenteneuf à quarante personnes.

Le grand-maître nommait le sous-principal, le chapelain, les sous-maîtres et tous les régents. Il les destituait à sa volonté ?. Le bibliothécaire était choisi par la Sorbonne 3.

Les lettres patentes de 1688 réglèrent ainsi le traitement affecté à chaque fonction :

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« Le tout, outre le logement dans le collège, et la nourriture, qui leur sera fournie convenablement en commun1. »

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Nombre et pays d'origine des élèves. - Les gentilshommes préférés aux bourgeois. Preuves de noblesse. Trousseau. Age d'admission. Élèves par qui nommés. - Chambres des pensionnaires. Leur mobilier. Salles d'étude. Les repas couverts, linge, vaisselle, lecture. Nourriture: consommation du collège, année moyenne. - Prix des denrées alimentaires en 1689. Redevances diverses. Division des classes. Les martinets. Peines corporelles. - Exclusions. Règlement intérieur. Emploi de la journée. - Réveil, travail, récréations, promenades, sorties. Exercices religieux. Distribution des prix. Tragédie. Le corps de Mazarin transporté dans la chapelle du collège. Ouverture des classes.

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Aux termes de la fondation, le nombre des élèves était fixé à soixante 2; sous prétexte de la dureté des temps, ce chiffre fut réduit à trente. Tous devaient, nous l'avons vu, être originaires d'une des quatre provinces réunies à la France par le traité de Munster et celui des Pyrénées 3. Cependant, les lettres patentes de 1688 statuèrent que si ces pays ne fournissaient pas un nombre suffisant d'écoliers, on pourrait en choisir dans tout autre partie de la France.

Mazarin avait voulu que « les gentilshommes fussent toujours

1. Lettres patentes de 1688, art. 36.

2. Recueil de la fondation, p. 4. 3. Recueil de la fondation, p. 2. 4. Article 7.

HIST. DE LA BIBLIOTHÈQUE Mazarine.

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préférez aux bourgeois 1; » mais les lettres patentes de 1688 statuèrent que, les élèves une fois admis, il ne serait plus fait entre eux aucune distinction, à quelque classe sociale qu'ils appartinssent 2.

Le candidat, après avoir établi de quel pays il était originaire, était invité à prouver quatre degrés de noblesse paternelle. Le fameux d'Hozier, «< juge d'armes de la noblesse de France, » fut longtemps chargé d'examiner les titres produits par les candidats, et chaque vérification de ce genre lui était payée soixante-neuf livres 3. La formule adoptée pour l'inscription d'un nouvel élève sur les registres du collège était ordinairement conçue en ces termes : « Vu le certificat du sieur d'Hozier, généalogiste du Roi, rapport fait des titres présentés et examen d'iceux, qui ont été trouvés suffisans, tant pour la noblesse que pour les autres qualités, X... a été reçu pour jouir de tous les avantages de pensionnaire. >>

Chaque élève devait apporter en entrant un trousseau composé de:

2 habits neufs complets, un d'été et un d'hiver.

2 redingotes".

12 chemises.

12 cols.

12 coeffes de nuit.

12 mouchoirs.

12 serviettes.

12 paires de chaussons 6.

On ne pouvait être admis au collège des Quatre-Nations avant l'âge de dix ans, ni après quinze ans révolus 7, et il fallait néces

1. Recueil de la fondation, p. 5.

2. Article 3.

3. Registre pour servir aux délibérations, etc. Archives nat., MM, 464. 4. Registre pour servir aux délibérations, etc. Archives nat., MM, 463, p. 21.

5. C'était alors un chaud vêtement de dessus.

6. Registre pour servir aux délibérations, etc. Archives nat., MM, 464. 7. Lettres patentes de 1688, art. 5.

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