valeur de cinquante millions pour se procurer 275,000 francs 1. Les ouvrages en grand papier et les parchemins étaient livrés à l'artillerie 2. Depuis 1792, chaque coup de canon détruisit peutêtre un document précieux. Lorsque, en 1854, le marquis de Laborde fut nommé directeur des Archives, il obtint l'autorisation d'ouvrir les vieilles gargousses encore conservées dans les arsenaux ; parmi les parchemins qu'il en retira figurent plus de quatre mille pièces rares ou inédites relatives à l'histoire de France 3. La liste des cinquante mille volumes choisis par l'abbé Leblond existe encore, en trente liasses in-folio, dans les archives de la Mazarine. Chaque volume porte avec soi son certificat d'origine: une première colonne fait connaitre dans quel dépôt il a été choisi, une seconde indique naïvement le nom du propriétaire qui en a été dépouillé. y Le notes relatives au dépôt de Versailles fournissent, sous ce rapport, les renseignements les plus précieux. L'abbé Leblond a puisé des livres appartenant aux personnages suivants, dont je transcris textuellement les noms: Les livres recueillis dans les huit dépôts formés à Paris appartiennent à deux classes distinctes de propriétaires : les particuliers et les communautés religieuses. Les premiers me fournissent les noms suivants : 1. G. Bapst, Une ressource imprévue, ou les objets d'art et d'ameublement durant la Révolution, p. 7. 2. Quinze mille volumes in-folio entre l'an VI et l'an VII. 3. G. Bapst, p. 5. Parmi les communautés représentées sur les listes de la biblio thèque Mazarine, je citerai : La congrégation de l'Oratoire. Les Missions étrangères. Le college de Navarre. Le couvent de Saint-Magloire. Les Feuillants de la rue d'Enfer. Les Blancs-Manteaux. L'église Notre-Dame. Les Minimes de la place Royale. La Sorbonne. La congrégation de la Doctrine chrétienne. Les Jacobins de la rue Saint-Dominique. Le séminaire Saint-Louis. Les Filles du Saint-Sacrement. Les Carmes de la place Maubert. Les Chartreux. Les Barnabites. Les Célestins. Le prieuré de Saint-Martin-des-Champs. Le couvent de Saint-Lazare. Le séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet. Les Jacobins de la rue Saint-Jacques. Le couvent de la Merci. Les Filles Sainte-Marie. Les Prémontrés. Le Châtelet. Les Pénitents de Picpus. Les Théatins. L'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. L'abbaye de Saint-Victor. Les Récollets. Les Bénédictins de Saint-Maur. Les Minimes de Passy. Les Barnabites de Passy. Les Prêtres du Mont-Valérien. Mais les dépôts nationaux ne contenaient pas seulement des livres, on y avait enfoui un grand nombre d'objets confisqués avec les bibliothèques. L'abbé Leblond ne se fit pas scrupule d'exploiter largement ce nouveau fonds ouvert à ses recherches. Le 17 fructidor an III, il obtient l'autorisation de prendre au dépôt de la rue de Beaune « une table de bois d'acajou, avec son pied, provenant de l'émigré d'Angivilliers. » A la même date, on lui permet de choisir dans le dépôt de la rue des PetitsAugustins « le nombre de bustes en bronze ou en marbre qu'il jugera convenable pour l'ornement de la bibliothèque Mazarine. » L'année suivante, il enlève encore au dépôt de la rue de Beaune quatre lustres de style Louis XIV, qui sont suspendus aujourd'hui dans notre grande galerie 1. La bibliothèque des prêtres de SaintSulpice lui fournit plus tard deux échelles, deux corps d'armoires, des tablettes, un grand bureau en bois de chêne, etc., etc. L'abbé Leblond s'était aussi emparé d'une pendule, mais elle fut réclamée par la «< citoyenne Choiseul, » et il fallut la rendre. C'est très probablement du dépôt de Versailles que furent tirées, à cette époque, deux commodes en marqueterie, garnies de bronze doré, placées aujourd'hui dans la galerie publique, et qui proviennent de la chambre à coucher de Louis XVI. Enfin, les gravures représentant des scènes militaires chinoises, qui sont longtemps restées dans la salle du conseil, décoraient la salle de billard du malheureux roi. L'origine de ces objets est attestée par une lettre de M. de Blacas qui, le 16 septembre 1814, les réclamait au nom de Louis XVIII. Une tradition qui s'est conservée à la bibliothèque Mazarine veut qu'une magnifique pendule en marqueterie de bois de rose qui se trouve dans l'enceinte du bureau ait été tirée du cabinet de travail de Louis XVI, mais la lettre de M. de Blacas n'en fait pas mention. Voici cette lettre, aujourd'hui conservée dans les archives de la bibliothèque : Ministère Ide la Maison du Roi. 2e division. Paris, le 16 septembre 1814. Je suis informé, Monsieur, qu'il existe à la bibliothèque Mazarine plusieurs ouvrages manuscrits et divers autres objets qui sont d'un intérêt particulier pour le Roi. SA MAJESTÉ étant bien aise de les avoir, je viens vous prier de me les envoyer. Ces objets sont : 1o Un globe en bronze de dix pieds de diamètre, dont la géographie est peinte en vernis dur et dont tous les noms sont gravés. 2o Un exercice pour la sainte communion, par le père Griffet, manu 1. Archives de la bibliothèque. scrit en tête duquel sont deux lettres autographes du Dauphin, père de SA MAjesté. 3o Le projet du voyage de Lapeyrouse, avec des remarques de sa main. In-folio relié aux armes de Louis XVI. 4° L'abrégé historique des traités de paix, par le Sr Koch. Ce manuscrit en trois volumes in-quarto faisait partie de la bibliothèque de Sa MAJESTÉ. 5o Un précis alphabétique des matières de tous les traités de paix entre la France et les puissances étrangères. Manuscrit. 6° L'état militaire du Roussillon, avec cartes, plans et dessins. Manuscrit in-quarto, présenté au Roi par M. de Mailly en 1777. 7° Une échelle mécanique ayant servi à la Reine dans sa bibliothèque. 8° Deux tableaux généalogiques des Rois de France et un autre de la maison de Bourbon, peints en miniatures et montés en glaces. 9o Seize gravures de la Chine montées en glaces. Ces gravures et les tableaux qui précèdent ornaient la salle de billard du Roi à Versailles. 10° Deux commodes ornées de bronze doré provenant de la chambre à coucher du Roi à Versailles. La bibliothèque Mazarine possède, en outre, un grand nombre de livres provenant de la bibliothèque de Mesdames de France et reliés à leurs armes, ainsi que plusieurs manuscrits qui peuvent intéresser mon administration. Je vous serai obligé de faire dresser une note des uns et des autres et de me l'adresser le plus tôt possible. Recevez, Monsieur, l'assurance de mes sentiments distingués. Le Ministre de la Maison du Roi. A Monsieur l'abbé Louis Petit- Radel, Administrateur Royal de la bibliothèque Mazarine, Membre de la classe d'histoire de l'Institut. Aucun de ces objets ne fut restitué. Toutefois les deux lettres autographes du Dauphin ne figurent plus en tête du manuscrit ' provenant du père Griffet. On avait confisqué à Chantilly deux lustres en bronze doré et 1. Coté 1,233. |