Images de page
PDF
ePub

bibliothèque, et soumis par la commission administrative au ministre, qui statuera. » Le conseil de la bibliothèque rédigea le règlement demandé, et le présenta à la commission administrative de l'Institut. Celle-ci ne l'approuva point, et envoya au ministre un autre projet qu'elle avait pris soin de rédiger ellemême. Voici comment il débutait : « L'administration intérieure exigeant que les deux bibliothèques réunies continuent à être distinguées par deux dénominations différentes, celle qui appartient à l'Institut conserve son ancien nom de BIBLIOTHÈQUE de l'Institut; l'autre, qui constitue ce qu'on APPELAIT AUPARAVANT bibliothèque Mazarine, prendra celui de GALERIE Mazarine. >>>

Le conseil de la bibliothèque s'émut. Il écrivit à son tour au ministre pour se plaindre de cette petite parvenue qui méditait de confisquer à son profit la vieille fondation du cardinal Mazarin. Il fit ressortir en outre les nombreuses difficultés qui s'opposaient à l'exécution de l'ordonnance, et demanda qu'elle fût abrogée.

L'Institut tint bon, mais Petit-Radel se montra assez ferme. Par lettres, on échangea des mots amers et des insinuations désagréables, le tout dans la forme la plus courtoise. Le président de la commission administrative de l'Institut priait Petit-Radel « de recevoir l'hommage de sa haute considération. » PetitRadel lui adressait en échange « les témoignages de la haute considération avec laquelle il avait l'honneur d'être son très obéissant serviteur, » et le ministre étendait sur tout le monde « l'assurance de sa considération la plus distinguée.

[ocr errors]

La lutte dura deux ans, accompagnée de tant de tiraillements, de contrariétés, d'ennuis, de tracasseries sans cesse renaissantes que la cause de la séparation finit par se concilier des appuis même au sein de l'Institut. Lorsque, à la fin de 1820, la commission administrative arrêta la rédaction de son annuaire, elle y fit figurer les deux établissements sous ce titre : Bibliothèques de l'Institut et Mazarine, réunies sous la dénomination de biblio

thèque Mazarine 1. Puis, l'académie des Sciences, celle des BeauxArts, celle des Inscriptions émirent le vœu que les deux collec

[ocr errors]

LUD. CAR. FR. PETIT-RADEL,

tions recouvrassent chacune son indépendance primitive. Si bien que le duc Decazes ayant été remplacé par M. de Corbière,

1. Archives de l'Institut. Procès-verbaux des séances de la commission administrative. Séance du 20 décembre 1820.

Dans l'Annuaire de 1821, cette rédaction est textuellement reproduite, et la liste du personnel est ainsi dressée:

Petit-Radel, bibliothécaire en chef et perpétuel.

Charles, bibliothécaire en chef et perpétuel.

HIST. DE LA BIBLIOTHÈQUE MAZARINE.

19

une ordonnance du 26 décembre 18211 abrogea celle du 16 décembre 1819, et rétablit entre les deux établissements une entente cordiale qui n'a plus été troublée.

En dehors de ces querelles intestines, on trouve peu de faits à signaler durant cette période.

A l'occasion de la Fête-Dieu de 1816, Vaudoyer reçut l'ordre de faire tendre la façade et même l'entier pourtour des pavillons; « la procession, lui écrit-on, doit pourtourner le palais dans toutes ses parties, et il est essentiel qu'il n'y ait aucune lacune dans la tenture des tapisseries. » Au milieu des comptes de 1821, je relève encore cette mention : « Deux flambeaux pour la FêteDieu, 16 fr. 80 cent. 2 » Le reposoir était élevé aux frais de l'Institut; en 1824, il coûta 42 francs 3.

En 1822, l'on rétablit la grille qui avait jadis existé entre les deux cours, et vingt-cinq clefs de cette grille furent distribuées

[blocks in formation]

Charles, Feuillet et Boulanger représentent ici la bibliothèque de l'Institut. Charles (Jacques-Alexandre-César), célèbre physicien, membre de l'académie des sciences, mourut en 1823. Feuillet (Laurent-François), membre libre de l'académie des sciences morales, mourut bibliothécaire en 1843, et eut Landresse pour successeur.

1. Elle commence en ces termes : « D'après les représentations qui nous ont été adressées par les trois académies des Sciences, des Inscriptions, des Beaux-Arts, et par les conservateurs de la bibliothèque Mazarine sur les difficultés qui s'opposent à l'exécution de notre ordonnance du 16 décembre 1819, concernant la réunion de la bibliothèque de l'Institut royal à la bibliothèque Mazarine..... >> Dans Aucoc, p. 121.

L'Annuaire de l'Institut pour 1822 indique ainsi le personnel de la bibliothèque :

Charles, bibliothécaire, membre de l'Institut.

Feuillet, adjoint au bibliothécaire.

Boulanger, sous-bibliothécaire.

2. Archives de la bibliothèque.

3. Archives de l'Institut. Séance du 20 mai 1824.

à des personnes désignées par la commission administrative. L'Institut venait, en effet, de décider que le passage par le palais serait interdit au public. L'entrée donnant sur la rue Mazarine était désormais réservée d'une manière absolue aux seuls membres de l'Institut, et la grille ne restait ouverte que de neuf heures du matin à cinq heures du soir 1.

Au mois de juin de cette même année, avaité té créée la place d'inspecteur général des bibliothèques. Un traitement de huit mille francs y était attaché. Le premier titulaire fut un sieur His, «<< ancien chef de division adjoint au ministère de l'Intérieur 2. » A quoi devait-il cette haute position? Le jour même de l'exécution de Louis XVI, racontant dans un journal, Le républicain français, la mort du roi, il prêta à l'abbé Edgeworth ces mots qui faillirent devenir vérité historique « Fils de saint Louis, montez au ciel ! » Il possédait un autre titre encore. Quittant la plume pour l'épée, il était devenu aide de camp des généraux Dupont et Oudinot; après Marengo, il avait quitté l'armée avec le grade de chef d'escadron.

M. His considéra sans doute sa place d'inspecteur général comme une sinécure bien due à son mérite, car, en dehors de sa nomination, son nom ne figure pas une seule fois dans les archives de la bibliothèque.

J'ai dit que l'Almanach royal attribuait à celle-ci 150,000 volumes en 1821. Les portes restaient ouvertes de dix heures du matin à deux heures, et les vacances duraient du 15 août au 15 septembre. Le public estimait que l'on eût pu faire un peu plus pour lui, témoin ce passage d'un livre devenu rare: « Diable! ces messieurs se reposent bien longtemps, et les sciences languissent! - Que voulez-vous, mon oncle, quand on travaille quatre heures par jour, on fatigue à la longue 3! » Ce service peu

1. Archives de l'Institut. Séances du 18 mars 1820, des 13 septembre, 23 octobre et 28 octobre 1822.

2. Archives de la bibliothèque.

3. Collin de Plancy, Voyages de Paul Béranger dans Paris, après vingt ans d'absence, t. I, p. 212.

compliqué coûtait à l'État, personnel et matériel compris, 35,000

francs par an.

Je relève, parmi les dépenses annuelles, la somme de soixante francs payée, comme aujourd'hui, pour le remontage et l'entretien des pendules, dont les cordes furent changées en 1823.

Parmi les privilégiés autorisés à emprunter des livres je trouve les noms suivants 1:

Girod de l'Ain.
Alexandre Lenoir.

C.-B. Haze.

L. Visconti.
Villemain.
Amaury Duval.
Vaudoyer.
De Pastoret.

J.-A. Letronne.

Maine de Biran.

A.-A. Barbier.
N.-L. Achaintre.

A. Beuchot.

J.-F. Boissonnade.

Moreau de Jonnès.

De Gérando.

G. Michaud.
Capefigue.

Il paraît que ces savants emprunteurs couraient un véritable danger quand le besoin de livres les attirait à la bibliothèque. L'escalier par lequel on y accédait menaçait ruine depuis longtemps, et le 5 octobre 1822, Petit-Radel écrivait au ministre que <«< la sûreté du public serait compromise » si l'on n'y portait remède aussitôt 2. Cet appel fut entendu. Dès le mois suivant, ordre était donné « de commencer les travaux dans les vingt-quatre heures, et de les exécuter avec la plus grande activité 3. » La bibliothèque dut d'abord être fermée; puis l'Institut autorisa le passage par son escalier, et l'on pénétra dans la salle par la grande baie qui fait communiquer les deux collections.

Le joli escalier actuel, construit par l'architecte Léon Biet sous la direction de Vaudoyer, fut terminé en 1824. L'on se préoccupa alors de donner à la bibliothèque une entrée vraiment digne d'elle, et l'on transforma en une porte monumentale l'étroite

1. Je ne reproduis ici aucun des noms que j'ai cités p. 224.

2. Archives de la bibliothèque.

3. Archives de la bibliothèque.

« PrécédentContinuer »