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Cluny, qui servait de résidence aux nonces1. Rappelé à Rome en 1636, il ne revit Paris que quatre ans après, et se fixa à l'hôtel de Clèves 2. De là, il alla loger au Louvre; son appartement, situé au second étage, occupait la salle actuelle dite de Henri II et une partie du salon des sept cheminées 3. Enfin, vers 1642, il acheta l'hôtel Tubeuf, dont l'origine était toute récente.

A l'angle formé par la rue Richelieu et la rue Neuve-desPetits-Champs, Charles Duret de Chivry, président à la chambre des comptes, avait fait élever une vaste maison. Elle fut achetée par Jacques Tubeuf, président à la même cour.

1. Piganiol de la Force, Description historique de Paris, t. III, p. 473. - On lit encore sur le plan de Gomboust: «< Hôtel de Cluny, demeure des

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p. 157.

Cet hôtel était

2. Sauval, Antiquités de la ville de Paris, t. II, situé dans la rue d'Autriche, qui est devenue la rue du Louvre.

3. L. Clément de Ris, Les amateurs d'autrefois, dans le Bulletin du Bibliophile, année 1867, p. 67.

p. 426.

4. Tallemant des Réaux, Historiettes, t. I, Duret de Chivry occupa successivement les fonctions de conseiller d'État, de contrôleur général des finances et de président à la chambre des comptes de Paris. Il était fils de Louis Duret, médecin de Charles IX et d'Henri III.

1

Celui-ci réunit l'hôtel de Chivry au sien 1 qui, bâti vers 1633 par Pierre le Muet 2, faisait le coin des rues Vivienne et Neuvedes-Petits-Champs. Mazarin se trouva donc posséder toute la partie de cette rue comprise entre les rues Vivienne et Richelieu, et il s'installa tant bien que mal dans cet immense logis. Mais, vers la fin de 1643, la reine et ses enfants vinrent s'établir au Palais-Cardinal 3, la belle demeure que Richelieu avait léguée à son roi. On construisit alors à travers le jardin une galerie couverte, afin que Mazarin pût venir à son aise et à toute heure visiter la souveraine. Puis celle-ci, le trouvant encore trop éloigné, finit par lui donner un appartement dans le palais

même.

Un favori pouvait s'en contenter, non un premier ministre. Aussi Mazarin se promit-il bien de ne pas habiter toujours un palais qui semblait lui rappeler ironiquement l'opulence de son prédécesseur.

L'admirable situation de l'ancien hôtel Tubeuf se prêtait merveilleusement à ses projets. Il faut se souvenir que Richelieu venait de reculer jusqu'aux boulevards actuels le mur d'enceinte de Paris. L'hôtel Tubeuf qui, grâce à un mouvement de terrain, dominait d'un côté le Palais-Royal, faisait face, de l'autre, à la partie la plus gaie des limites champêtres de la capitale; de ses fenêtres, la vue, passant par-dessus les vergers des Augustins déchaussés et des filles Saint-Thomas, pouvait s'étendre au loin la campagne, représentée aujourd'hui par le faubourg

sur

1. Piganiol de la Force, t. III, p. 53.

2. Sauval, t. II, p. 202. — La rue Neuve-des-Petits-Champs fut ouverte par arrêt du conseil du 23 novembre 1633.

3. Clément de Ris, p. 59.

4. « La Reyne a remonstré en plein conseil qu'attendu l'indisposition de M. le cardinal Mazarin, et qu'il lui falloit tous les jours passer avec grand' peine au travers de ce grand jardin du Palais-Royal, et voyant qu'à toute heure il se présentoit nouvelles affaires pour lui communiquer, elle trouvoit à propos de lui donner un logement dans le Palais-Royal, afin de converser plus commodément avec lui de ses affaires. » Lettre d'Olivier d'Ormesson, du 19 novembre 1643, citée par V. Cousin, Journal des savants, année 1856, p. 117,

Montmartre 1. Romanelli et Grimaldi, appelés de Rome, reçurent l'ordre de décorer cet hôtel avec magnificence, et François Mansard se chargea de le rendre digne d'un successeur de Richelieu 2. Enfin, Mazarin résolut, dès ce moment, d'y établir une bibliothèque plus riche et plus somptueuse que toutes celles qui existaient alors.

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Deux sentiments durent concourir à lui inspirer cette pensée : son amour pour les livres d'abord, puis le souvenir de Richelieu qui, ici encore, s'imposait à lui. Richelieu avait possédé «< dans l'hostel de Richelieu, joignant le Palais-Cardinal 3 » une très belle collection de livres; et, nous le verrons, c'est à lui que revient l'initiative de la plupart des généreuses dispositions adoptées par Mazarin à l'égard des lettrés. Enfin, quelques mois avant de mourir, Richelieu avait choisi pour bibliothécaire le savant Gabriel Naudé Mazarin se l'attacha aussitôt au même titre.

Le nom de Naudé est resté cher aux bibliophiles. Sa passion pour les livres s'était manifestée dès sa jeunesse, et il avait pu la satisfaire de bonne heure, car il entrait dans sa vingtième année quand le président de Mesmes lui donna la direction de sa bibliothèque 5. Mais Naudé dut bientôt abandonner une position qui ne lui laissait pas le temps de suivre ses études médicales, il alla les terminer à Padoue 6. La mort de son père le rappela à Paris. Pierre Dupuy le mit alors en relations avec le cardinal Bagni, qui l'emmena à Rome et lui confia sa bibliothèque.

1. Voy. le plan de Paris dressé par Gomboust.

2. Mazarin conserva cependant au Louvre un appartement qu'il n'abandonna qu'en 1660, lors du mariage de Louis XIV. Son palais de la rue de Richelieu ne servait guère jusque là qu'à loger ses neveux et ses nièces, ou temporairement les étrangers de distinction qui traversaient Paris, Christine de Suède et le cardinal Barberini, par exemple. Voyez L. Clément de Ris, p. 68 et 69.

3. Testament de Richelieu. Archives nationales, série S, carton no 6,212. 4. P. Hallé, Naudæi elogium, p. 2.

5. Naudé, Bibliographia politica, p. 5. L. Jacob, Traicté des plus belles bibliothèques, p. 543.

6. Niceron, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres, etc., t. IX, p. 77.

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Désormais, c'est l'étude des livres qui va l'occuper tout entier. Il resta douze ans chez le cardinal Bagni1; à la mort de celui-ci, il devint bibliothécaire du cardinal Antoine Barberini 2, neveu du pape. Il semble que Naudé n'avait pas dit encore un complet adieu à sa première profession, puisque, vers 1633, il fut nommé médecin de Louis XIII 3, titre purement honorifique d'ailleurs. Il faut dire aussi que Barberini payait très mal son bibliothécaire. Dans une lettre écrite à Peiresc, en 1634, Naudé se plaint de n'en pouvoir rien obtenir ; il avait pourtant reçu un petit bénéfice, une cure en Bretagne, qui rapportait à peine deux cents livres 5. Ce n'était pas assez pour vivre à Rome. Il est donc probable que Naudé ne se fit pas prier quand, en 1642, Richelieu l'appela à Paris 6.

L'expérience et l'érudition bibliographiques ne pouvaient faire défaut à l'homme que Mazarin venait de s'adjoindre, mais, le bibliothécaire une fois choisi, il restait à trouver des livres.

Mazarin se serait sans doute bien accommodé de la magnifique collection laissée par Richelieu, mais elle était léguée au petit-neveu du défunt. Cependant, parmi les trésors dont Naudé avait eu la garde figurait un des plus admirables recueils de pièces historiques qui ait jamais existé, 350 volumes in-folio, reliés par Le Gascon, et qu'on désigne aujourd'hui sous le nom de Manuscrits de Loménie ou Recueil de Brienne. Sous le prétexte qu'ils renfermaient une foule de papiers d'État, Richelieu avait contraint

1. Patiniana, p. 41.

2. L. Jacob, p. 94 et 549.

3. P. Hallé, Naudæi elogium, p. 10.

4. «Depuis tantost quatre ans que je suis à Rome et que j'ai mis mon espérance en sa bienveilliance et libéralité, je n'ay point cessé de travaillier le plus qu'il m'a esté possible, sans toutes fois avoir encore obtenu aulcune chose jusques à ceste heure qui me puisse soulagier des grands frais qu'il m'a fallu faire pour m'entretenir hors de mon païs, et que s'il ne luy plaist de m'en gratifier de quelque chose, il est quasi comme impossible que je puisse plus résister à demeurer à Rome. » Tamizey de Larroque, Lettres inédites de Gabriel Naudé à Peiresc, p. 29.

5. Ibid., p. 13.

6. Il y arriva le samedi 10 mars. Naudæana, p. 111, et Patiniana, p. 39.

Henri-Auguste de Loménie à les lui céder, et il les avait payés 36,000 livres. Mazarin trouva moyen de s'en emparer, et ne parla jamais d'en acquitter le prix. On a dit qu'Anne d'Autriche les lui avait donnés 1. Mais, ou Richelieu les avait achetés pour lui, ce qui paraît établi, et alors ils revenaient à son héritier, ou il les avait acquis des deniers de l'État, et ils devaient alors appartenir à la Bibliothèque du roi. Mazarin, fort peu scrupuleux, comme on sait, préféra les placer dans la sienne, qui possédait donc, dès 1642, au moins 350 manuscrits, nombre que Naudé n'allait pas tarder à accroître.

Dans les derniers mois de cette même année, il se rend rue Saint-Jacques, chez un libraire nommé Fouet, et inaugurant un système d'acquisition dont il ne se départira plus, il lui achète en bloc et au poids, sans perdre son temps à examiner successivement chaque volume, vingt-trois rames de livres en feuilles. Le prix de chaque rame est fixé à trois livres dix sous. Les volumes sont mis en ballots, et des crocheteurs les transportent à l'hôtel de Clèves 2.

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Peu de temps après, une occasion se présenta que Naudé n'eut garde de laisser échapper. Au mois de janvier 16433, un chanoine de Limoges, nommé Jean Descordes, vint à mourir. C'était un homme instruit, « un autre Varron de son temps 4, un vrai bibliophile ne vivant que pour ses livres. Son éloge, écrit par Naudé 3, nous apprend qu'il avait commencé sa collection en achetant la bibliothèque du savant Siméon Dubois, lieutenant général de la sénéchaussée de Limoges 6. Elle s'était rapidement

1. Notice, par Étienne-Charles de Loménie, archevêque de Toulouse, dans le Bulletin du Bibliophile, année 1851, p. 110 et s.

2. Voy., à la fin du volume, les Extraits des comptes de Naudé conservés à la Bibliothèque nationale, manuscrits, fonds français, no 4,250, et fonds des catalogues, no 260 et A.

3. G. Naudé, Joannis Cordesii elogium, p. 8.

19 juin 1643, à J. Spon, t. I, p. 289.

4. L. Jacob, Traicté des bibliothèques, p. 487.

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Gui Patin, Lettre du

5. Joannis Cordesii, Ecclesiæ Lemovicensis canonici, elogium, en tête du Bibliotheca Cordesiana.

6. Plus connu sous son nom latinisé de Bosius. Voyez Scévole de Sainte

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