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constatent, sur la plainte des parties intéressées, les contraventions aux lois et règlements sur le travail et l'industrie. et, lorsqu'ils n'en sont pas juges, envoient les procès-verbaux et les objets saisis aux tribunaux compétents; deux prud'hommes assistés d'un officier de police suffisent pour constater la contravention 10. 7° Ils donnent leur avis sur les questions qui leur sont posées par l'administration", et, spécialement, sur les propositions qui ont pour but d'étendre l'application des moyens adoptés pour constater les conventions entre patrons et ouvriers en matière de tissage et de bobinage 12.

§ 56. L'institution des prud'hommes-pêcheurs du littoral de la Méditerranée remonte à plusieurs siècles. Des lettres patentes du roi René, de 1452, sont le plus ancien document qui en fasse mention'; mais une consultation délibérée à Marseille, en 1787, par Pascalis et Portalis atteste que les prud'hommes-pêcheurs existaient dans cette ville dès le Xe siècle. Des lettres patentes ont confirmé cette juridiction, à diverses reprises, depuis la réunion de la Provence à la couronne'; un arrêt du conseil l'a réglementée le 16 mai 1738'; et, en même temps que l'Assemblée constituante renversait de fond en comble l'ancienne organisation judiciaire, elle a décrété, les 8-12 décembre 1790, que << toutes les lois, statuts et règlements sur la police de la « pêche, particulièrement les usages et règlements sur les «faits et procédés de la pêche en usage à Marseille, seraient (( provisoirement exécutés; et que, prenant en considération

10 L. 19 mars 1806, art. 10 et suiv. La loi du 19 mai 1874, sur le travail des enfants et des filles mineures dans les manufactures, a créé une inspection spéciale pour surveiller l'exécution de ses prescriptions (Art. 16 et suiv.).

11 L. 1er juin 1853, art. 17.

12 L. 7 mars 1850, art. 7.

§ 56. Valin, Nouveau commentaire sur l'ordonnance de la marine (la Rochelle, 1766), t. II, p. 797. Pardessus, Collection des lois maritimes antérieures au XVIIIe siècle (Paris, 1828-1845), t. IV, p. 239. Beaussant, Code maritime (Paris, 1839-1840), t. II, no 886.

2 Pardessus, op. cit., t. IV, p. 238. Marseille avait des statuts maritimes avant le XIe siècle (Pardessus, op. cit., t. IV, p. 237). Cicéron faisait déjà l'éloge des lois municipales de cette ville (Pro Flacco, c. 26).

3 Valin, op. et loc. cit. Pardessus, op. cit., t. IV, p. 239. Valin, op. cit., t. II, p. 798.

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« la pétition de la ville de Cassis pour le rétablissement dans « son port de la juridiction des prud'hommes dont elle jouis«< sait antérieurement, elle autorisait le rétablissement de «< ladite juridiction, et accorderait, sur les côtes de la Médi« terranée, de pareils établissements à toutes les villes qui <«<en feraient présenter la demande par les municipalités et « corps administratifs des lieux ». Cette concession est devenue définitive par le seul fait qu'elle n'a jamais été retirée une série de décrets a rétabli dans la plupart des villes riveraines de la Méditerranée cette antique juridiction, que recommandaient à la fois la simplicité de ses formes et l'attachement des populations maritimes. Un projet de loi préparé par le Gouvernement en 1847 proposait même de la consacrer de nouveau, en maintenant expressément ses formes traditionnelles de procéder. « Cette institution, qui «a, disait l'Exposé des motifs, traversé les orages de la « Révolution sans être ébranlée, continue d'être environnée de la confiance et du respect des pêcheurs; tout invite donc à conserver, en lui donnant la consécration nouvelle « de la loi, une aussi précieuse institution ». Ce projet de loi n'a pas abouti, et les choses sont restées en l'état où les a placées le décret des 8-12 décembre 1790, mais c'est assez pour mettre hors de doute la légalité des jugements des prud'hommes-pêcheurs, et la jurisprudence l'a plusieurs fois reconnue.

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§ 57. Cette juridiction est singulière, pour ne pas dire unique. « Le roi en son conseil, dit l'arrêt du 16 mai 1738, a << maintenu et confirmé les prud'hommes élus en la manière « accoutumée des patrons-pêcheurs de la ville de Marseille, "et ce suivant et conformément à leurs titres, dans le droit

5 Art. 1 et 9.

Voy. suprà, § 31.

7 Nicias-Gaillard, Dissertation (D. P. 47. 3. 199).

Crim. rej. 19 juin 1847 (D. P. 47. 1. 214). Req. 13 juillet 1847 (D. P. 47. 1. 243; voy. le rapport de M. le conseiller Pataille, D. P. 47. 3. 200). Montpellier, 5 avr. 1856 (D. P. 57. 2. 3). Voy., dans le même sens, Nicias-Gaillard, op. et loc. cit.; Pardessus, Droit commercial (Paris, 1821-1822), t. I, p. 165, t. V, p. 242; Vincens, Exposition raisonnée de la législation commerciale (Paris, 1821), t. III, p. 535; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. I, nos 571 et 572; Beaussant, op. cit., t. II, nos 894 et suiv.

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«de connaitre seuls, dans l'étendue des mers de Marseille, « de la police de la pêche, et de juger souverainement, <«<< sans forme ni figure de procès, et sans écritures ni appeler «avocats ou procureurs, les contraventions à ladite police, « par quelques pêcheurs, soit Français ou étrangers fréquentant lesdites mers, qu'elles soient commises, et tous « les différends qui peuvent naître à l'occasion de ladite << profession entre lesdits pêcheurs »'. Leurs sentences s'exécutaient sur-le-champ, sinon le garde des prud'hommes allait séance tenante saisir la barque et les filets de la partie condamnée2; l'autorité publique prêtait main-forte contre le récalcitrant, et le sous-viguier y était tenu à peine de 500 livres d'amende3. Aux termes d'un autre arrêt du 4 octobre 1778, quiconque se refusait à exécuter le jugement, causait du tumulte dans la salle commune, ou désobéissait aux ordres du tribunal, était condamné par lui à une amende de 10 livres au plus, et ceux qui venaient à l'audience avec des armes offensives ou défensives encouraient l'emprisonnement'. Ces dispositions sont encore en vigueur : les prud' hommes-pêcheurs continuent à rendre leurs jugements fait unique en France sans être assistés d'un greffier ni tenus de les écrire, et à les exécuter eux-mêmes par une saisie qui constitue une véritable voie de fait. Il résulte de cette absence complète de « toute forme ou figure « de procès» 1° que ces jugements sont souverains et ne peuvent être attaqués ni par l'appel ni par le pourvoi en cassation; 2° qu'ils ont un caractère purement disciplinaire, et que, par suite, le ministère public peut encore poursuivre les délinquants, et les tribunaux de droit commun les condamner, sans violer la règle Non bis in idem'.

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3 Valin, op. et loc. cit. Merlin, op. cit., vo Pêche, sect. II, § 1.

Art. 4 et 16. Nicias-Gaillard, op. et loc. cit.

Comp. infra, § 210.

6 Req. 13 juill. 1847 (D. P. 47. 1. 243). Montpellier, 5 avr. 1856 (D. P. 57. 2. 3).

7 Crim. rej. 19 avr. 1836 (D. A., vo Chose jugée, no 530). Comp. suprà, § 54; et, sur la nature de l'action disciplinaire, infrà, § 150.

$58. III. Un tribunal de première instance se compose d'un président, d'un ou plusieurs vice-présidents s'il y a lieu, de juges titulaires, et de juges suppléants: il a de trois à onze juges, les président et vice-président compris2; le plus ancien porte le titre de doyen3. Les plus importants sont divisés en chambres (quatre au plus) qui jugent séparément pour håter l'expédition des affaires : 1° une ou plusieurs chambres civiles, qui connaissent des affaires civiles, et aussi des affaires commerciales s'il n'y a pas de tribunal de commerce dans l'arrondissement; 2o une ou plusieurs chambres correctionnelles, qui connaissent des affaires criminelles qui sont de la compétence du tribunal, et dont l'une, pendant les vacances, juge comme chambre des vacations toutes les affaires urgentes. Deux ou plusieurs chambres ne peuvent se réunir pour rendre un jugement'. En outre, si l'abondance des affaires ou un retard forcé dans leur expédition amènent un encombrement momentané, un décret du président de la République peut créer une chambre temporaire, composée de magistrats disponibles empruntés aux chambres permanentes: elle est constituée pour un temps fixé par ce décret, et cesse d'exister de plein droit à l'expiration de ce temps, à moins qu'un autre décret ne la proroge.

$58.1 Les membres des tribunaux de première instance portent le titre de juges en vertu du décret des 16-24 août 1790 (Tit. IV, art. 1). La constitution du 24 juin 1793 le remplaça par le nom ridicule d'arbitres publics (Art. 91), mais elle ne fut jamais appliquée (Voy. suprà, § 3, note 1). En fait, ces magistrats ont continué à porter le titre de juges (D. 17 niv. an II, art. 1; D. 21 fruct. an IV, art. 1), et la loi du 27 ventose an VIII l'a consacré définitivement (Art. 8). On donne souvent le nom de juges à tous les magistrats, même à ceux qui portent un autre titre dans la hiérarchie judiciaire : il m'arrivera plus d'une fois de me servir de cette dénomination autorisée par l'usage.

D. 18 août 1880, art. 1. Voy. le tableau B (personnel des tribunaux de première instance) annexé à la loi du 30 août 1883 (D. P. 83. 4. 70).

Morin, op. cit., t. II, p. 106.

Voy. le tableau cité suprà, note 2.

* Voy.suprà, § 41. Je rappelle que le principe de l'unité de juridiction permet de porter, au besoin, les affaires d'une chambre à une autre, de quelque nature qu'elles soient (Voy. suprà, § 42).

6 D. 16 août 1859, art. 6. Elle ne prend pas de vacances (Voy. suprà, § 35). Quand le tribunal ne se compose que de deux chambres, le président et le viceprésident siègent alternativement à la chambre correctionnelle pendant les vacations; sans cela, le vice-président qui y siège ordinairement, comme on va le voir, n'aurait jamais de vacances (D. 30 mars 1808, art. 75).

Cela n'est permis qu'aux cours d'appel (Voy, infrà, § 79). Bioche, op. cit., vo Tribunal de première instance, no 4. Req. 28 févr. 1828 (D. A., vo Organisation judiciaire, no 193).

* L. 20 avr. 1810, art. 39.

Chaque tribunal possède, en outre, deux à quatre juges suppléants', qui ont voix consultative dans toutes les délibérations du tribunal, et voix délibérative lorsqu'ils remplacent. en cas d'empêchement, un juge dont la présence est indispensable pour la validité du jugement10; ils peuvent être chargés du service des ordres et des contributions" et de l'instruction des affaires criminelles 12.

§ 59. Les tribunaux de la Seine, de Lyon, de Marseille et de Bordeaux doivent à leur importance exceptionnelle une organisation spéciale. Le personnel du tribunal de la Seine se compose aujourd'hui du président, de douze viceprésidents, de soixante-dix juges et de vingt juges suppléants; il se divise en onze chambres, sept civiles et quatre correctionnelles', et ses chambres civiles se divisent, la première en trois, les autres en deux sections qui peuvent siéger simultanément si les besoins du service l'exigent. Le service des vacations y est fait par une chambre composée d'un viceprésident, de quatre juges et de deux juges suppléants désignés par la commission qui procède au roulement annuel3; deux des juges sont choisis dans la moitié formée par les plus anciens juges du tribunal, les deux autres dans la moitié formée par les juges les plus récemment nommés; aucun membre du tribunal ne peut être appelé à ce service

9 Voy. le tableau cité suprà, notes 2 et 4.

10 L. 20 avr. 1810, art. 41. La loi du 30 août 1883 n'a pas abrogé cette disposition en prescrivant que les juges ne peuvent juger valablement qu'en nombre impair (Art. 4; voy. t. III, § 1050), et les juges suppléants peuvent toujours, quand même le tribunal se trouverait, par leur adjonction, composé en nombre pair, prendre part au délibére avec voix consultative (Crim. rej. 11 juill. 1884, D. P. 84. 1. 377; civ. cass. 3 févr. 1892, D. P. 92. 1. 201, S. 92. 1. 84). 11 D. 25 mai 1811, art. 1. D. 19 mars 1852, art. 1.

12 D. 1er mars 1852, art. 1.

§ 59. 1 Voy. le tableau cité au § précédent, notes 2, 4 et 9. La loi du 18 juillet 1892 y a ajouté, pour le tribunal de la Seine, un siège de vice-président et six sièges de juges titulaires créés par elle (Art. 1), et le personnel de quelques autres tribunaux (Saint-Omer, Draguignan, Perpignan, la Roche-sur-Yon, Reims, Saintes, Carcassonne, Niort, Albi, etc.) a été augmenté par application de la loi du 30 août 1883, qui autorise le Gouvernement à créer des emplois de juge par décrets rendus en conseil d'Etat chaque fois que l'intérêt du service l'exigera (Art. 6).

2 L. 18 juill. 1892, art. 2.

3 Voy., sur cette opération, le § suivant.

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